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[CRITIQUE] : Alien : Romulus


Réalisateur : Fede Alvarez
Avec : Cailee Spaeny, Isabela Merced, David Jonsson, Archie Renaux, Spike Fearn, Aileen Wu,...
Distributeur : The Walt Disney Company France
Budget : -
Genre : Épouvante-horreur, Science-fiction.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h59min

Synopsis :
Alors qu’il entreprend des fouilles dans une station spatiale abandonnée, un groupe de jeunes voyageurs se retrouve confronté à la forme de vie la plus terrifiante de l'univers…



Critique :


Qu’est-ce qui rend la saga Alien aussi réussie et mémorable avec le temps ? On peut décemment se poser la question tant, si on excepte les dérivés Alien vs Predator que nous ne qualifierons pas pour rester poli, la licence a su maintenir un certain niveau. Même les décriés Prometheus et Covenant parvenaient à perpétuer la mutation constante des films en prenant une approche moins facile que prévu et dont le côté mal aimable impose un intérêt certain, malgré le clivage les entourant. C’est pour cela que nous étions curieux de voir ce que Fede Alvarez pouvait amener, d’autant plus avec une promesse de retour aux films originaux qui ne pouvait qu’être bien accueilli par les fans déçus des préquelles de Ridley Scott. S’ils seront heureux de ce film revenant aux sources, force est d’admettre que nous sommes pour notre part passés un peu à côté de ce titre.

Copyright 2024 20th Century Studios. All Rights Reserved.

Attention, cependant le film est très loin d’être mauvais. Dans une période où il est plus facile d’hurler au chef-d’œuvre ou à la purge, il est important de rappeler certaines nuances. Alien : Romulus dispose d’une belle direction artistique, accentuée par un côté pratique avec ses créatures animatroniques, tout en renforçant le côté anticorporatiste de la licence. La violence déshumanisée et robotique de Weyland-Yutani se retrouve par le biais d’un protagoniste qui risque de diviser par le traitement, tout en se retrouvant contrebalancé par un duo principal réellement touchant. On dispose même de certaines séquences qui peuvent fonctionner dans la tension installée dans ses intentions. Alors, pourquoi ce sentiment de trop peu ?

Le film paraît un peu facile dans ses contours narratifs, manquant d’un risque dans sa direction à l’exception éventuellement de sa créature finale. En effet, à force de renvoyer aux autres opus, jusqu’à certaines répliques posées plutôt maladroitement, Alien : Romulus perd en identité, trop déférant envers les deux premiers opus sans supporter totalement la comparaison. Les idées de séquences sont là mais pas tout à fait abouties, à l’instar du traitement du xénomorphe, jamais réellement effrayant tant on passe trop facilement de la créature tapie dans l’ombre au massacre en règle par dizaine. Même l’équipe principale manque d’une certaine caractérisation, trop en surface pour totalement fonctionner, alors qu’il y avait matière à une forme d’empathie à l’opposé de la misanthropie de Ridley Scott. Si on ajoute à cela une réalisation qui fait très « monstre de foire » à différents moments (comme ces zooms proches d’une attraction), on ressort de notre côté avec un goût plutôt amer.

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Il est évident cependant que cet Alien : Romulus trouvera son public par ses intentions et on se réjouit pour cette audience. Pour notre part, on regrette que la licence se soit réorientée vers un train fantôme un peu trop facile, pas assez graphique malgré le côté organique du cinéma d’Alvarez, et surtout dans des rails narratifs qui feront plaisir mais sans réellement secouer ses spectateurs au-delà du petit frisson de divertissement. Libre à vous d’aimer le film ou de traiter l’auteur de ces lignes de grincheux, on comprendra aisément et on espère à force de visionnages plus apprécier cet opus. Il nous paraît juste dommageable qu’une licence qui aura su se montrer si audacieuse dans ses visuels et ambitieuse dans ses thématiques de fond se redirige vers une maison hantée avec un peu d’élégance et clairement divertissante mais manquant d’une certaine audace.

Croisons les doigts pour réévaluer ce film et qu’au moment de relire ces lignes dans quelques années, ce sera avec une pointe d’amertume d’être passé à côté de cet opus. En attendant, on restera sur un sentiment de manque malgré le côté appréciable du spectacle.


Liam Debruel


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Bijou science-fictionnel et d'épouvante intemporel, Alien, le huitième passager de Ridley Scott n'a strictement rien perdu de sa superbe même avec plus de quatre décennies au compteur, la marque d'un cinéaste qui n'a définitivement pas son pareil pour composer de vrais moments d'horreur pure, claustrophobe et paranoïaque.
À tel point qu'aucun des faiseurs de rêves lui ayant succédé, d'un James Cameron jouant la carte de l'actionner guerrier à un tandem Colin et Greg Strause se perdant tête la première dans le slasher shlock (ce qui a, pendant un temps, enterré la saga dans un cercueil en colza plein de pisse où elle gît encore un peu), n'a réussi à établir telle prouesse à l'écran.

Il réitérera d'ailleurs la leçon quelques années plus tard donc (la traumatisante scène l’auto-cesarienne de Noomi Rapace dans Prometheus), dans des réponses certes maladroites (Prometheus mais surtout Alien : Covenant) mais plus denses et maîtrisées qu'elles ne le laissent présager de prime abord, dans leur manière de discuter continuellement avec leur propre mythologie.

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Il n'y avait alors rien de plus logique que de voir un nouveau long-métrage, à l'instar de Prey de Dan Trachtenberg (un exemple loin d'être anodin, et qui pourrait tout prochainement être celui que suivra la franchise Terminator), s'éloigner de ses exemples en incarnant cette fois-ci une suite de " petit malin ", qui tenterait (plus ou moins) sincèrement de s'inscrire dans les glorieux pas du film original, et ce sans trop vulgairement/paresseusement jouer la carte du pompage en bon et dû forme, plutôt que de se risquer à jouer un renouveau casse-gueule, une extension ambitieuse que personne ne semble capable d'accepter aujourd'hui - les deux films précédents le démontre sans forcer.

Et c'était là, au fond, où résidait tout l'aspect sournois de l'entreprise Romulus, à savoir contenter une frange des fans (sensiblement les plus bruyants) avec une sorte d'opus mi-fan service/maxi best-of, mi-statu quo pour mieux rééquilibrer les débats et permettre à la FOX (comprendre : la firme aux grandes oreilles) de redémarrer la machine sans trop de frais ni de bobos, avec un auteur sachant certes un minimum tenir sa caméra, mais surtout sommé de laisser son irrévérence dans les vestiaires.
Un comble quand on sait que l'heureux élu, Fede Alvarez, avait déjà relancé une franchise aux arrêts, en laissant cette fois pleinement exploser toute la folie et toute l'excentricité de sa vision - son Evil Dead de 2013.

Mais qui dit sournois ne veut pas forcément dire vulgaire, et c'est là où le parallèle avec la franchise Predator se fait pertinent (quand bien même Trachtenberg offrait un peu plus d'originalité à la popote familière), tant ce retour aux sources qui n'en est pas totalement un - mais quand-même -, enchaîne les (gros) clins d'œil complice à la majorité de la saga (Prometheus et Covenant compris, jusque dans la citation gênante et au mot près, de citations cultes) sans pour autant totalement se perdre dans une redite irritante, pleinement conscient qu'il est de ne pas être conçu pour faire beaucoup avancer la machine - ni même pour développer sa propre identité -, mais juste là pour lui redonner un second souffle fédérateur : uAlien " legacy " sauce répliquant, tout simplement.

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Et qui dit second souffle dit, inéluctablement, jeunesse, ici personnifiée par une petite bande hétéroclite de colons issus d'une classe ouvrière surexploitée, des mômes aliénés par le système et bien décidés à bouffer sa part du gâteau d'un capitalisme qui les rejette, en quittant leur planète/prison/exploitation minière où ils sont voués à s'user jusqu'à la mort, pour aller piller une station spatiale abandonnée et hostile, appelée à devenir leur tombeau.
Un choix accrocheur et salutaire qui l'ancre dans le réel et le rapproche du premier film de Scott (et sa charge sur le pouvoir des multinationales, ici couplée à l'enfer de la colonisation), nous ramenant presque sur le papier à une réminiscence du pitch de départ de Don't Breathe, avec ses jeunes adultes voulant illégalement s'affranchir de leur condition précaire - excepté que l'on a pleinement conscience ici, du mal qui va les frapper (et dont la charge sexuelle est tout aussi explicite).

Mais du Fede Alvarez voltigeur il ne restera in fine pas grand chose où presque, quelques ersatz inventifs de ses aptitudes horrifiques et quelques plans somptueux qui s'échappent d'une charte graphique rétro-futuriste respectueuse à l'extrême (c'est esthétiquement carré, trop peut-être, dans ses longs décors tortueux et labyrinthiques, suintant la crasse et la rouille), mais aussi et surtout d'une œuvre respectueuse à l'extrême dans sa globalité, soignée mais sans singularité, le rejeton cultivé et gourmand d'une mère - la franchise - qui ne demandait pas plus pour renaître.

Entre l'actionner et le slasher, la tragédie grecque et le space opera, entre la dévotion et l'extension timide mais essentielle de la mythologie (la bonne idée de placer en son cœur une union familiale entre humain et humanoïde, redistribuant les cartes des rapports préétablis de la saga par une légère et troublante humanité, ou encore de contextualiser par l'image la croissance rapide du xénomorphe), Alien : Romulus trouve son équilibre, un entre-deux qui colle à sa propre étiquette cinématographique (entre Alien, le huitième passager et Aliens : Le retour), et qui colle même au propre statut de funambule de toute la saga, constamment entre animalité et humanité, entre vision d'auteurs et franchisation à outrance.

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Opus qui ne cherche jamais à légitimer son existence en se prenant les pieds dans le tapis d'une expansion inutile de la mythologie original, mais n'arrivant pas totalement (la faute à son fan-service marqué) à exister par lui-même, Alien : Romulus, sans trop innover donc mais fort du savoir-faire évident de son auteur, prend son temps pour organiser son chaos sanglant et enthousiasmant, et force est d'admettre qu'il est bien difficile de pleinement lui résister.

On n'ira pas jusqu'à crier là où on ne nous entend pas, que le film est le meilleur opus de la saga depuis longtemps (calmez-vous), mais gageons qu'il la remet sur des rails plus conventionnels et moins expérimentaux en attendant de voir ce que Mickey/Weyland-Yutani lui réserve à l'avenir, avenir qui passera dans un premier temps, par le petit écran et la série prequelle Alien : Earth de Noah Hawley...


Jonathan Chevrier




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