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[CRITIQUE/RESSORTIE] : Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain


Réalisateur : Jean-Pierre Jeunet
Avec : Audrey Tautou, Mathieu Kassovitz, André Dussolier, Rufus, Isabelle Nanty,...
Distributeur : UGC Distribution
Budget : -
Genre : Comédie, Fantastique, Romance.
Nationalité : Français.
Durée : 2h00min

Date de sortie : 25 avril 2001
Date de ressortie : 24 juillet 2024

Synopsis :
Amélie, une jeune serveuse dans un bar de Montmartre, passe son temps à observer les gens et à laisser son imagination divaguer. Elle s'est fixé un but : faire le bien de ceux qui l'entourent. Elle invente alors des stratagèmes pour intervenir incognito dans leur existence.

Le chemin d'Amélie est jalonné de rencontres : Georgette, la buraliste hypocondriaque ; Lucien, le commis d'épicerie ; Madeleine Wallace, la concierge portée sur le porto et les chiens empaillés ; Raymond Dufayel alias "l'homme de verre", son voisin qui ne vit qu'à travers une reproduction d'un tableau de Renoir.

Cette quête du bonheur amène Amélie à faire la connaissance de Nino Quincampoix, un étrange "prince charmant". Celui-ci partage son temps entre un train fantôme et un sex-shop, et cherche à identifier un inconnu dont la photo réapparaît sans cesse dans plusieurs cabines de Photomaton.



Critique :



C'est toujours un peu compliqué d'écrire sur un film qui a marqué au fer rouge son époque où voir même, modestement, notre parcours cinéphilique, sur une œuvre qui a déjà été décortiquée dans tous les sens et sous toutes les coutures - même si celles-ci sont souvent plus légères qu'elles ne le prétendent.

Il faut dire, s'il n'est pas le chef-d'œuvre de la riche filmographie de son auteur (on laissera volontiers ce statut à La Cité des enfants perdus et/où à Un long dimanche de fiançailles), Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain en est peut-être, en apparence, la quintessence la plus romantique et idéaliste; une fable onirique presque hors du temps vissée sur la bouille tendre et la timidité maladive d'une Audrey Tautou absolument renversante.

Copyright Studiocanal GmbH

Un petit bout de cinéma cotonneux et nostalgique auquel on a prêté des intentions idéologico-réactionnaires un brin ridicule au fil du temps, même si pas toujours hors de propos (le côté petit bourgeois de son héroïne prolo, même si Jeunet fait tout pour le masquer).
Le revoir en salles implique donc de se confronter au (très bon) souvenir laissé de côté plusieurs années auparavant, à une heure où une cinéphilie n'était, peut-être, pas encore forgée avec solidité (pour l'auteur de ses mots, la dernière vision complète du film remonte à avant 2010), c'est se laisser aller à l'idée d'être catapulter dans le souvenir réconfortant d'une certaine insouciance perdue (parce que la vie d'adulte en manque cruellement, parce que notre société actuelle n'en offre plus non plus) qui, justement, est le moteur même du long-métrage.

Le cœur coloré d'un merveilleux même si perfectible jeu du hasard dans une capitale rêvée, cosmopolite et ouvert sur le monde, petit théâtre d'une célébration de la beauté à la fois factice et réelle des petits rien de l'existence humaine, flanqué au plus près de l'odyssée pétillante et tout en contradictions d'une jeune femme étrange (et pas qu'un peu) qui vit sa vie autant qu'elle la fuit, qui cherche à se sociabiliser, à rompre aux craintes et angoisses d'une enfance sur-protégée, au moins autant qu'elle se réfugie dans son imaginaire foisonnant.

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Une jeune femme qui jouit des petits plaisirs de la vie dans un rapport physique et sensorielle aux éléments, mais qui se refuse aux joies d'un amour qu'elle désire pourtant ardemment.
Une jeune femme qui chérit la douceur de son insouciance juvénile au moins autant qu'elle cherche à embrasser pleinement l'âge adulte...

Oui, Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain et ses couleurs fanées offre sans aucun doute une relecture tout autre passé la nostalgie du moment (sa sortie), moins dans la propension qu'à Jeunet à mettre en forme son récit (plutôt conventionnel, notamment dans sa manière d'offrir à chacune de ses situations, une conclusion facile pour surmonter un chaos général sur-alambiqué), tout comme sa romance (assez nébuleuse au fond, puisque le hasard plus encore que dans toute romcom sirupeuse venue du pays de l'oncle Sam, est littéralement élevé au rang de processus sentimental et même affectif, car lui seul conditionne, est la clé des sentiments d'Amélie pour Nino), avec une inventivité folle, que dans la réalité même de ce qu'il expose : une pluie d'âmes enfermées dans la contrainte de répéter douloureusement les mêmes actes - même les fameux " petits plaisirs de la vie " -, dans une illusion fantasmée de contrôle sur un réel qu'elles n'acceptent pas totalement - voire pas du tout.

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C'est d'ailleurs assez symbolique que tous leurs changements soient conditionnés uniquement par les actions d'une figure " supérieure " (Amélie) dénuée d'introspection, dont la vie elle-même est caractérisé par un immobilisme consenti et savamment orchestré.
Alors, vraiment si fabuleux, le destin/monde d'Amélie Poulain ?

Sous les coutures de la nostalgie, et si Jeunet ne nous trompait pas finalement, en nous dévoilant un avenir dématérialisée et désincarnée, où la connexion aux autres ne se fait plus qu'à travers un écran (un irréalisme quotidien, addictif et totalement ancrée dans la vie de tous), où l'idée de rapport sensoriel aux autres, aux choses, n'existent que dans un fantasme, presque un déni du réel ?
Oui, il y a bien des séances qui, expurgée de toute innocence et de l'instantané de leur vision, se font tout autre passé quelques années...


Jonathan Chevrier