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[CRITIQUE] : Santosh


Réalisatrice : Sandhya Suri
Acteurs : Shahana GoswamiSanjay Bishnoi, Sunita RajwarShashi Beniwal,...
Distributeur : Haut et Court
Budget : -
Genre : Thriller.
Nationalité : Indien.
Durée : 2h08min

Synopsis :
Une région rurale du nord de l’Inde. Après la mort de son mari, Santosh, une jeune femme, hérite de son poste et devient policière comme la loi le permet. Lorsqu’elle est appelée sur le lieu du meurtre d’une jeune fille de caste inférieure, Santosh se retrouve plongée dans une enquête tortueuse aux côtés de la charismatique inspectrice Sharma, qui la prend sous son aile.



Critique :



Qu'on se le dise, All We Imagine as Light de Payal Kapadia, Grand Prix du jury présidé par Greta Gerwig (trente ans, toute une vie ou presque, que le cinéma indien, pourtant plus prolifique que jamais, n'avait plus pointé le bout de son nez du côté de la très sélecte Compétition officielle, avec Swaham de Shaji N. Karun), n'était donc pas la seule petite pépite indienne à avoir foulé la sélection de la dernière Croisette cannoise.

Santosh, estampillé premier long-métrage de fiction de la wannabe cinéaste Sandhya Suri (les documentaires Around India With A Movie Camera et I For India, qui auscultaient la vie en Inde post-indépendance mais aussi l'expérience migratoire familial en Angleterre, au milieu des années 60), petit bijou de polar sous fond d'émancipation féminine et de brûlot politique immersif et puissant, qui met en images autant les réalités complexes et ambiguë du maintien de l'ordre dans l'Inde rurale, que la réalité d'une nation où le sexisme et la violence envers les femmes sont totalement impunies.

Copyright Taha Ahmad

L'histoire suit celle de Santosh, frappé par la tragédie avant même le virage du premier quart d'heure de bobine : son mari décède tragiquement, abattu lors d’une émeute anti-forces de l’ordre.
N'ayant même pas le temps de faire son deuil et de pleurer son mari, elle doit endosser son ancienne fonction dans les forces de l'ordre, pour garder son indépendance et ne pas incarner un poids pour une belle-famille à l'égoïsme profondément exacerbée (qui s'en lavent les mains, la traite de sorcière et la considère, ridiculeusement, comme responsable de la mort de leur fils).
Très vite, même sous l'aile protectrice de la pragmatique inspectrice Sharma qui ne la prive pas de pressions quotidiennes, la jeune veuve se retrouve propulsée dans un système violent et profondément patriarcale, où la corruption hierarchique à peine masquée, les préjugés/mépris de classe et la brutalité misogyne ne font que renforcer le statu quo des inégalités.

Sa douloureuse prise de conscience croissante de l'injustice et du trouble moral dans lequel sa profession la pousse (comment peut-elle exiger le peuple à se confirmer aux lois, quand sa propre hiérarchie n'en a que faire ? Comment peut-elle mener à bien sa profession, quand elle se voit constamment rappeler qu'elle n'a pas grand chose à faire ?), prendra un autre virage lorsqu'elle enquêtera sur le meurtre d'une jeune fille membre de la minorité dalit, violée puis assassinée, et que les vérités derrière sa disparition (manipulation interne, traitement volontairement bâclé,...) seront lentement exhumées.

Copyright Taha Ahmad

Sans compromis ni illusion réconfortante, Sandhya Suri croque autant un réquisitoire implacable que récit d'émancipation rageur et tout en désillusions d'une jeune femme confrontée à toutes les failles et les inégalités brutales de la société indienne (incarnée avec force et subtilité par une merveilleuse Shahana Goswami), et à la réalité dévastatrice de la futilité d'essayer de les remettre en question.

Puissant et captivant, Santosh pointe durement le mal cruel qui gangrène le pays le plus peuplé au monde comme une pourriture systémique, structurelle et générationnelle où la justice, tout en compromis et en manipulation, n'existe plus.
Une claque, rien de moins.


Jonathan Chevrier


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