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[FESTIVAL DE CANNES] : Carnet de bord de la 77e édition par Éléonore Tain

© Shochiku Co., Ltd. – Rhapsodie en août d’Akira Kurosawa (1991) / Création graphique © Hartland Villa

The Place to be pour tout cinéphile, le festival de Cannes cuvée 2024 s'est tenu du 14 au 25 mai dernier,  et il a dégainé avec gourmandise une pluie de séances à la fois diverses et variées, qui ont su passionner comme diviser, les auditoires. L'occasion parfaite pour une rédactrice de la Fucking Team, Éléonore, d'y participer et d'enchaîner les découvertes.


 Jour 1 : 17 mai 2024


The Hyperboreans de Cristóbal León et Joaquín Cociña (Quinzaine des Cinéastes)


Antonia est une psychologue, enfin pas vraiment. Antonia est une scénariste, à moins qu’elle ne soit actrice, ou policière. On ne sait pas bien qui est Antonia, mais ce n’est pas grave, elle nous entraîne dans son voyage intérieur fait de marionnettes en carton pâte, de jeux vidéo et de dandy néonazi.
Le second long-métrage du duo, déjà primé en 2018 à la Berlinale avec La casa Lobo, est un film étrange qui ne cherche pas à être compris mais, à être ressenti. The Hyperboreans convoque un ensemble d’images et de symboles qui se mêlent sans chercher à faire sens. Le cinéma classique hollywoodien, le jeu vidéo, les marionnettes, l'extra diégétique, des bribes de poèmes et tant d’autres éléments. Toute cette cacophonie semble s’harmoniser pour évoquer la peur qui gronde, la peur de ces extrêmes qui montent. Des fantômes d’une autre époque qui viennent nous hanter.

Copyright León & Cociña Films

À l’image des parents grabataires en papier mâché de la narratrice, figures mi effrayantes mi pathétiques qui semblent l'empêcher de vivre sa liberté.
The Hyperboreans dure à peine plus d’une heure mais est si dense qu’il semble durer bien plus. Et c’est pour une fois, une qualité. Le projet est parti d’une exposition à Mantacuna 100, un centre culturel à Santiago. Les deux artistes ont fait de cet espace dédié à l’art contemporain un énorme studio de cinéma accessible aux visiteurs. L’idée était de faire un film évolutif sans plan préconçu. Cette spontanéité toute bienvenue se ressent au visionnage. 



Desert of Namibia de Yoko Yamanaka (Quinzaine des Cinéastes)


Kana est une jeune tokyoïte de 21 ans qui vit sa jeunesse sans grande conviction. Elle a un travail d’esthéticienne qui ne l’intéresse pas, elle vit avec son petit copain mais le trompe sans beaucoup de remords et même les nuits passées à vagabonder dans les bars et les rues de la capitale ne la satisfont pas vraiment. Mais qui est donc cette Kana ?
La jeune réalisatrice prodige, Yoko Yamanaka, revient avec son second long-métrage Desert of Namibia. Après Amiko qu’elle autoproduit à seulement dix-neuf ans et qui est passé par la Berlinale. Son second commence sa carrière à Cannes, à la quinzaine des Cinéastes. La réalisatrice présente son film expliquant qu’il a été fait avec le souffle de la jeunesse. Et sans conteste l’équipe est très jeune et cela se ressent. Le personnage de Kana sonne vrai et bien qu’elle soit loin d’être sympathique, impossible de ne pas ressentir une once d’empathie pour ce personnage qui se débat avec la vie du mieux qu’elle peut. 

Copyright Eurozoom

La beauté du film est qu’il n’essaye jamais d’essentialiser son personnage. On ne saura jamais si son apathie chronique vient de troubles bipolaires, d’un narcissisme exacerbé, d’angoisse liés à sa génétique chinoise ou à sa solitude. Et cela n’est pas bien grave.
Desert of Namibia fait aussi en filigrane le portrait d’une société japonaise complexe, patriarcale, froide et peu accueillante pour l'altérité, le tout avec un regard doux amer parfois drôle, parfois désespérant. 


Jour 2 : 18 mai 2024


Bird de Andrea Arnold (Compétition officielle


Bailey a douze ans et vit dans un squat avec son père, Bug et son frère Hunter. Son père, qui a eut ses enfants très jeune, va se marier et autant dire que la nouvelle ne réjouit pas Bailey qui n’a aucune envie d’accueillir la jeune femme et sa petite fille dans son univers. Elle va balader son spleen auprès de la bande de son frère qui se rêvent en grands justiciers, sauveur de la veuve et l’orphelin et chez sa mère femme sous l’emprise de son nouveau compagnon.  Un jour, elle croise Bird, un homme mystérieux qui cherche sa famille perdue de vue depuis des années. Bird et Bailey vont se porter et s’aider
La cinéaste Andrea Arnold garde la patte qui lui convient si bien : une caméra flottante proche des corps et des émotions de ses personnages, un ton qui oscille entre hyperréalisme et noirceur poétique. Le petit supplément de Bird est son aspect fantastique parfaitement dosé qui ajouté à la poésie du long-métrage.

Copyright Atsushi Nishijima

Bird a quelque chose du mythe de Peter Pan. L’histoire se place à hauteur d’enfant dans un monde où les animaux semblent être des créatures fantastiques, où les adultes semblent vivre dans un autre espace-temps et où la quête pour la liberté règne. Bailey vit son passage vers la puberté, littéralement le fait de grandir, comme un drame. Bird est un film plein d’humanité, une fable hyperréaliste qui réveillera le petit animal en vous.   



Les reines du drame de Alexis Langlois (Semaine de la critique


2055. Steevyshady, youtubeur hyper botoxé raconte le destin incandescent de son idole, la diva pop Mimi Madamour, du top de sa gloire en 2005 à sa descente aux enfers, précipitée par son histoire d’amour avec l'icône punk Billie Kohler. Pendant un demi-siècle, ces reines du drame ont chanté leur passion et leur rage sous le feu des projecteurs.
Le cinéaste camp Alexis Langlois passe enfin au long-métrage. Ses courts, Les démons de Dorothy et De la terreur, mes sœurs ! avaient été particulièrement remarqués, l’attente pour son premier long était assez palpable. D’autant que des romances lesbiennes sur grand écran, il n’y en a pas tant que ça. Impossible de ne pas comparer cette séance, vivifiante, bienveillante, avec la séance spéciale de Love lies bleeding, autre romance lesbienne à venir, au BIFFF qui avait été gâchée par des agissements homophobes. 

Copyright LES FILMS DU POISSON

Alexis Langlois manie le kitsch comme personne et Les reines du drame n’y fait pas exception. Il capture avec perfection tout ce qui faisait l’essence de la pop culture dans les années 2000 : l’aspect ludique tout comme et ses répercussions négatives. Derrière la romance excessive, c’est un regard sur la société du spectacle de ces vingt dernières années qu’Alexis Langlois nous propose et ce qu’elle a pu avoir de douloureux pour la communauté LGBTQIA+. Et avec du gloss et des paillettes, c’est encore mieux.  




Emilia Perez de Jacques Audiard (Compétition officielle


Surqualifiée et surexploitée, Rita use de ses talents d’avocate au service d’un gros cabinet plus enclin à blanchir des criminels qu’à servir la justice. Mais une porte de sortie inespérée s’ouvre à elle, aider le chef de cartel Manitas à se retirer des affaires et réaliser le plan qu’il peaufine en secret depuis des années : devenir enfin la femme qu’il a toujours rêvé d’être.
Emilia Perez est aussi étonnant que flamboyant. Jacques Audiard réalise une comédie musicale dans les règles de l’art mais choisi un sujet pour le moins incongru : la rédemption d’un chef de cartel par le changement de sexe, le tout narré par une avocate mexicaine désillusionnée par la justice de son pays. Emilia Perez brille par sa mise en scène et ses numéros aussi variés que convaincants. C’est un véritable spectacle qui saura vous emporter 

Copyright PAGE 114 – WHY NOT PRODUCTIONS – PATHÉ FILMS - FRANCE 2 CINÉMA - SAINT LAURENT PRODUCTIONS - Shanna Besson

L’enthousiasme du visionnage n’est pourtant pas absolu. Si on est facilement subjugué par les numéros, il est impossible de ne pas se poser la question du sens derrière la rédemption par le genre d’un homme profondément mauvais. Jacques Audiard ne prend pas vraiment de pincettes et on peut sentir un certain opportunisme et surtout un gros manque de nuance derrière certains choix scénaristiques. Le personnage de la femme, jouée par Selena Gomez, en est un exemple assez frappant. Il y avait tant à faire et pourtant elle reste bloquée dans le rôle un peu simpliste de l’amoureuse. 



Rumours de Guy Maddin, Evan et Galen Johnson (Hors compétition)


Les dirigeants des sept nations composant le G7 se réunissent pour leur sommet annuel mais se perdent dans les bois et doivent, malgré tout, rédiger une déclaration sur une crise mondiale.
Rumours commence un peu à la façon d’une pièce absurde : unité de lieu hors du temps, but inatteignable et totale vacuité dans les dialogues. Et rien d’étonnant à cela quand on pense à l’attrait des réalisateurs pour le surréalisme, qui se fera une place de choix dans le métrage. Finalement, ce choix de registre est parfait pour évoquer l’incompétence de nos dirigeants et amène le rire avec une facilité plaisante. 

Copyright Bleecker Street Media

Le trio de réalisateurs ajoute une pincée de soap-opera, une louche de science-fiction pour un résultat sympathique mais moyennement convaincant. Le film se repose trop sur son concept et ses acteurs - qui s’en donnent à coeur joie - et finit par tourner en rond. Il n’en reste pas moins une jolie découverte à l’univers atypique. 



Les femmes au balcon de Noémie Merlant (Séance de minuit)


Trois femmes, dans un appartement à Marseille en pleine canicule. En face, leur mystérieux voisin, objet de tous les fantasmes. Elles se retrouvent coincées dans une affaire terrifiante et délirante avec comme seule quête, leur liberté.
Les réalisatrices françaises se mettent au cinéma de genre et forcément cela a de quoi intriguer. Noémie Merlant s’est créé une étonnante carrière d’actrice choisissant des rôles étranges, n’hésitant pas à aller dans des univers particuliers. Les femmes au balcon est sa seconde réalisation et pour se faire elle part dans le registre de la comédie horrifique, même si bien plus comédie héritée des screwball comedies que véritable film d’horreur. Amateurs de frissons, il faudra vous contenter de quelques séquences un tantinet sanguinolentes et de quelques fantômes plus agaçants que véritablement effrayants

© 2024 NORD-OUEST FILMS - FRANCE 2 CINE'MA

Les femmes au balcon fonctionne grâce à l’alchimie du trio d’actrices, Sanda Codreanu, Souheila Yacoub et Noémie Merlant. Le film montre une histoire d’amitié, de sororité, un trio de femmes qui se portent et s’entraident face aux différentes violences que la société patriarcale infligent aux femmes. Noémie Merlant ne tombe pas toujours très juste mais tout ce dynamisme, cette énergie ne peuvent être que saluée.


 Jour 3 : 19 mai 2024


Kinds of kindness de Yórgos Lánthimos (Compétition officielle


Kinds of kindness est une fable en tryptique qui suit : un homme sans choix qui tente de prendre le contrôle de sa propre vie ; un policier inquiet parce que sa femme disparue en mer est de retour et qu’elle semble une personne différente ; et une femme déterminée à trouver une personne bien précise dotée d’un pouvoir spécial, destinée à devenir un chef spirituel prodigieux.
Trop de Lánthimos ne tue pas le  Lánthimos, mais tout de même il faudrait songer à se faire plus rare. Si Pauvres Créatures explorait de nouvelles facettes du cinéaste, Kinds of kindness semble tourner en rond, à la fois dans la diégèse du film ce qui n’est pas forcément un mal, mais surtout dans la carrière du réalisateur, ce qui est un peu plus dommageable. Ne vous méprenez pas, j’aime toujours autant le regard à la fois cynique et ludique qu’il porte sur notre société mais Kinds of kindness me semble être un film plutôt mineur 

Copyright Searchlight Pictures

Le film propose une variation sur le libre arbitre, la collectivité et la notion d’identité. Chaque histoire se répond mais le format court ne permet pas de se plonger totalement dans chaque univers. Par contre, le film est un véritable terrain de jeu pour ses acteurs qui semblent tous s’amuser à créer ces personnages étranges. 



The substance de Coralie Fargeat (Compétition officielle


Elisabeth Sparkle, vedette d’une émission d’aérobic, est virée le jour de ses 50 ans par son patron à cause de son âge. Au moment où elle rentre chez elle, le moral au plus bas, elle reçoit une proposition inattendue. Un mystérieux laboratoire lui propose une « substance » miraculeuse : si elle se l’injecte, elle deviendra « la meilleure version » d’elle-même, « plus jeune, plus belle, plus parfaite ».
Quelque part entre Le Portrait de Dorian Gray et All About Eve, The Substance est une fable punk et gore réjouissante qui reprend l’un des plus vieux marronniers hollywoodiens et le remet au goût du jour. Coralie Fargeat avait déjà revisité la figure de la lolita dans Revenge, Avec The Substance, elle fait un petit tour vers la hagsploitation et se place dans la peau d’une actrice has been. C’est à la fois grotesque, hilarant mais aussi terriblement désespérant, dans le bon sens du terme.

Copyright Working Title

Coralie Fargeat a un univers très américain et on sent qu’elle a intégré des réflexions autour de le théorie du genre que ce soit sur la mascarade de la féminité, la toxicité du regard masculin ou le rapport entre monstrueux et féminité. Derrière la blague, se trouve une véritable réflexion sur le corps féminin particulièrement touchante. 


Jour 4 : 20 mai 2024


My Sunshine de Hiroshi Okuyama (Un Certain Regard)


Sur l’île d’Hokkaido, l’hiver est la saison du hockey pour les garçons. Takuya, lui, est davantage subjugué par Sakura, tout juste arrivée de Tokyo, qui répète des enchaînements de patinage artistique. Il tente maladroitement de l’imiter si bien que le coach de Sakura, touché par ses efforts, décide de les entrainer en duo en vue d’une compétition prochaine… À mesure que l’hiver avance, une harmonie s’installe entre eux malgré leurs différences. Mais les premières neiges fondent et le printemps arrive, inéluctable.
My Sunshine est un film d’une douceur et d’une subtilité infini. Hiroshi Okuyama propose une histoire d’une simplicité rafraîchissante. Simple mais pas simpliste. Chacun des personnages possède une certaine profondeur. My Sunshine aborde humblement es sujet de l’acceptation de la différence.

Copyright 2024「BOKU NO OHISAMA」Production Committee & COMME DES CINEMAS

La sérénité qui se dégage du film vient également du travail sur la photographie. La lumière est douce et se reflète sur la neige ou la glace. Les couleurs sont joliment désaturées. My Sunshine est un film apaisant et juste



Palme d’or d’honneur au studio Ghibli


Lors de la séance de remise de la palme d’or d’honneur au studio Ghibli, les festivaliers présents ont eu l’honneur de découvrir quatre films d’Hayao Miyazaki inédits en France : Mei et le chatonbus, A la recherche d’une maison, M. Pâte et la princesse Œuf et Boro la petite chenille Les quatre films sont diffusés dans le musée Ghibli à Tokyo.

Mei et le chatonbus - Copyright 2002. Studio Ghibli

Les quatres courts films sont de jolis histoires simples et poétiques. Certaines reprennent des personnages cultes des long-métrages du dessinateur, d’autres ont un style moins reconnaissable mais tout aussi charmant. 



Les linceuls de David Cronenberg (Compétition officielle


Karsh, 50 ans, est un homme d’affaires renommé. Inconsolable depuis le décès de son épouse, il invente un système révolutionnaire et controversé, GraveTech, qui permet aux vivants de se connecter à leurs chers disparus dans leurs linceuls. Une nuit, plusieurs tombes, dont celle de sa femme, sont vandalisées. Karsh se met en quête des coupables.
Les linceuls a quasi tous les éléments qui font le cinéma de Cronenberg : le lien mince entre corps et technologie, un rapport à la mort mélancolique et un certain érotisme. Sauf que cette fois-ci, il manque l’équilibre qui font de ces films des œuvres fascinantes, captivantes. 

Copyright Pyramide Distribution

Les linceuls est un film bavard où la parole n’est pas précieuse. Les dialogues semblent anodins et on perd vite l’intérêt. Les enjeux sont risibles et le film tombe à côté dans sa description de la technologie. Le tout est saupoudré de misogynie qui ne fait que rendre le résultat plus amer. 


 Jour 5 : 21 mai 2024


Santosh de Sandhya Suri (Un Certain Regard)


Après la mort de son mari, Santosh, une jeune femme, hérite de son poste, comme la loi le permet, et devient policière. Lorsqu’elle est appelée sur le lieu du meurtre d’une jeune fille de caste inférieure, Santosh se retrouve plongée dans une enquête tortueuse aux côtés de la charismatique inspectrice Sharma, qui la prend sous son aile.
Santosh est un film policier de facture plutôt classique mais assez convaincant. Le rythme assez lent est à la fois un défaut et une qualité de ce dernier. Il se pose bien plus en observateur de la situation et oublie parfois d’impliquer le spectateur. 

Copyright Taha Ahmad

Les actrices sont plutôt talentueuses et portent le film. La réalisatrice a choisi un point de vue féminin pour évoquer le très grave problème d’injustice lié aux castes et de misogynie qui touche l’Inde. Derrière ce qui ressemble à une chronique de faits divers sordide se trouve une critique d’un système surannée et destructeur. 



Veteran 2 de Seung-wan Ryoo (Séance de minuit


Suite du succès Vétéran (2015), le film est centré sur une crise à laquelle est confrontée la division des enquêtes sur les crimes violents dirigée par le détective Seo Do-cheol.
Veteran 2 est une comédie policière qui démarre avec un bang. Une séquence de traque dans un casino underground assez délirante. Une belle promesse qui n’est malheureusement pas tenu sur le long-terme. La mise en scène très pop de cette première scène laissera place à un scénario un peu facile et des retournements de situation attendus. 

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Seung-wan Ryoo lance quelques pistes de réflexion sur les fake news et la toxicité de l’information par les influenceurs. C’est superficiel mais on en attendait pas plus. Au final, Veteran 2 reste un film agréable à regarder même si sans grandes ambitions. 



September Says de Ariane Labed (Un Certain Regard)


Les sœurs July et September sont inséparables. July, la plus jeune, vit sous la protection de sa grande sœur. Leur dynamique particulière est une préoccupation pour leur mère célibataire, Sheela. Lorsque September est exclue temporairement du Lycée, July doit se débrouiller seule, et commence à affirmer son indépendance. Après un événement mystérieux, elles se réfugient toutes les trois dans une maison de campagne, mais tout a changé…
Ariane Labed passe à la réalisation et propose pour son premier une petite étrangeté. September says est un film inclassable au style rêche qui demande un peu de temps pour se laisser apprivoiser. Les deux jeunes filles présentées ont des personnalités atypiques assez inhabituelles au cinéma. Le film se concentre sur leur relation fusionnelle qui est assez fascinante à regarder.

Copyright New Story

La mère semble alors de trop et on se demande si le personnage aurait pu prendre un peu moins de place. 
Le film derrière son style à part, presque poétique et son mélange des genres assumés propose une réflexion sur l’acceptation de la différence, quelle qu’elle soit, sur le harcèlement scolaire et la difficulté du passage à l’âge adulte. 



East of noon de Hala Elkoussy (Quinzaine des Cinéastes)


East of noon est une fable, celle d'un jeune prodige, Abdou, qui fait de sa musique un outil de révolte contre ses aînés, dans une contrée confinée hors du temps. Shawky, le bouffon excentrique, règne sur ce monde en mêlant spectacle et terreur. Jalala, la conteuse, soulage les peines des hommes avec des histoires de la Mer que nul n'a jamais vue.
Hala Elkoussy est une artiste plasticienne égyptienne, notamment exposée à la Tate Modern. Plus qu’un simple long-métrage de fiction, East of noon est un poème visuel. Son noir et blanc peu contrasté et son grain sont d’une douceur particulièrement agréable à regarder.

Copyright Vriza

Le style décousu et lent sont dans un premier temps difficile à suivre mais finit par emporter. 
East of noon est une dystopie qui joue avec les codes du genre. La réalisatrice Hala Elkoussy raconte la fougue de la jeunesse, sa recherche de liberté dans une société autoritaire. Impossible de ne pas penser aux révolutions de la jeunesse de 2011 face à ce film qui renvoie à des concepts et images connus de tous. 



Eat the night de Caroline Poggi et Jonathan Vinel (Quinzaine des Cinéastes)


Pablo et sa sœur Apolline s’évadent de leur quotidien en jouant à Darknoon, un jeu vidéo qui les a vus grandir. Un jour, Pablo rencontre Night, qu’il initie à ses petits trafics, et s’éloigne d'Apolline. Alors que la fin du jeu s’annonce, les deux garçons provoquent la colère d’une bande rivale…
Eat the night avait tous les éléments pour intriguer : un monde virtuel complexe, la promesse d'un récit d'apprentissage au féminin et la menace d'une fin de monde qui plane.

Copyright Tandem Films

À la place, nous nous retrouvons avec une bête histoire de trafic de drogue.
Tout le travail artistique est assez fascinant. Un monde entier virtuel a été créé pour les besoins du film. Dommage que tout ce travail plutôt réussi n'ait pas plus servi dans le film. Le film commence par la voix off de la jeune Apolline. Tout laisse à penser que nous allons nous retrouver face à un coming of age au féminin qui risque de se passer grandement dans Darknoon. Les deux promesses ne seront malheureusement pas tenus


Jour 6 : 22 mai 2024


Viet and Nam de Minh Quý Trương (Un Certain Regard)


Nam et Viêt s’aiment. Tous les deux travaillent à la mine de charbon, à 1000 mètres dans les profondeurs de la terre. Alors que Nam rêve d’une vie meilleure, un mystérieux chaman lui promet de retrouver la dépouille de son père, soldat disparu lors de la guerre du Vietnam. Avec sa mère, et l’aide de Viêt, il se lance dans cette quête, pour retrouver les fantômes du passé.
Viet and Nam est une romance queer et politique assez absconse pour les non initiés à l'histoire du pays.

Copyright Nour films

Reste un florilège de belles images qui semblent flotter, suffisantes pour fasciner le spectateur. 
À la limite entre le documentaire, l'expérimental et la fiction, Viet and Nam annonce une jeune réalisateur au style fort et défini. Un profil atypique à suivre.



Éléonore Tain


© Shochiku Co., Ltd. – Rhapsodie en août d’Akira Kurosawa (1991) / Création graphique © Hartland Villa