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[CRITIQUE] : Motel Destino


Réalisateur : Karim Aïnouz
Acteurs : Fábio Assunção, Nataly Rocha, Iago Xavier,...
Budget : -
Distributeur : Tandem
Genre : Thriller, Érotique.
Nationalité : Brésilien, Français, Allemand, Britannique,  Australien.
Durée : 1h55min

Synopsis :
Ce film est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2024.

Ceará, côte nord-est du Brésil. 30 degrés toute l’année. Chaque nuit, au Motel Destino, se jouent à l’ombre des regards de dangereux jeux de désir, de pouvoir et de violence. Un soir, l’arrivée du jeune Heraldo vient troubler les règles du motel.


Critique :



La notion de désir, plurielle et terreau de tous les possibles, a toujours été le moteur vibrant du cinéaste brésilien Karim Aïnouz, que ce soit dans son approche stylistique ou même narrative, qu'il soit celui de deux sœurs voulant renouer contact (La Vie invisible d'Eurídice Gusmão), la propre volonté du réalisateur à se réapproprier ses racines géographiques et culturelles algériennes (Marin des montagnes), où encore ceux réprimés de Catherine Parr, sixième et dernière épouse du roi Henri VIII (Le Jeu de la reine).

Il en est une nouvelle fois question avec son dernier effort en date, Motel Destino, fraîchement adoubé par la dernière réunion cannoise et énième adaptation (très) libre et singulière du facteur sonne toujours deux fois de James M. Cain, le désir ici de la chair non pas uniquement comme jouissance, mais comme une déclaration, une affirmation d'existence.

Copyright Maria Lobo-Santoro

Ici, l'action se fixe au coeur d'un bordel sensiblement sordide rythmé par une cacophonie de gémissements sans fin, un espace sauvage et clandestin peuplé de corps tout en chaleur et en souffrance, ou surnage le jeune et suave Heraldo, qui fuit la police mais aussi la colère vengeresse du trafiquant de drogue pour qui il est à la solde, après qu'une expédition punitive raté (qu'il a bazardé pour un simple plan fesse) ait coûté la peau de son frère.
Frappé par le sceau de la culpabilité, il trouvera en ce lieu un refuge à la fois torride autant qu'un territoire de tous les possibles...

Thriller érotique aux couleurs criardes, presque brûlées par l'abondance des néons, enfermé entre les murs d'un espace liminal dominé par un appétit du sexe proprement insatiable, où se noue un hypothétique triangle amoureux ou la figure maritale et violente, devient un objet de mort pour la femme adultère et son jeune amant, Motel Destino pèche sensiblement dans sa narration, profondément prétexte (même si elle a le bon ton de ne pas jouer la carte de la prévisibilité dans son dernier tiers), là où il explose dans sa forme, débordante d'une sexualité à la fois absurde et furieuse, où le désir de jouir se fait le compagnon d'une envie de (sur)vivre face à une société oppresive et violente, ou la mort, petite comme grande, gronde au moindre recoin.

Copyright Maria Lobo-Santoro

Volontairement exagéré, comme la prestation chorale d'une distribution cabotinant avec joie, autant qu'il est d'une précision chirurgicale dans sa mise en scène, Motel Destino séduit comme il peut décontenancer dans son exploration du désir et la frontière poreuse entre sexe et la notion de pouvoir, ici poussés jusqu'aux limites de l'abus.
Une expérience à part, hallucinatoire et évidemment perfectible, mais loin d'être dénué d'intérêt et de charme.


Jonathan Chevrier