[CRITIQUE] : Les Linceuls
Réalisateur : David Cronenberg
Acteurs : Vincent Cassel, Diane Kruger, Guy Pearce, Sandrine Holt,...
Distributeur : Pyramide Distribution
Budget : -
Genre : Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h56min.
Synopsis :
Le film est présenté en compétition au Festival de Cannes 2024.
Karsh, 50 ans, est un homme d’affaires renommé. Inconsolable depuis le décès de son épouse, il invente un système révolutionnaire et controversé, GraveTech, qui permet aux vivants de se connecter à leurs chers disparus dans leurs linceuls. Une nuit, plusieurs tombes, dont celle de sa femme, sont vandalisées. Karsh se met en quête des coupables.
Critique :
Il y a quelque chose d'assez ahurissant dans le fait que bon nombre des critiques et spectateurs ayant pu voir - où non - Les Linceuls, se sont emballés de manière quasi-générique face à l'idée de caractériser le dernier effort en date de David Cronenberg, comme l'un de ses films les plus indigestes voire même, comme c'était déjà le cas pour Les Crimes du Futur, comme une vulgaire oeuvre testamentaire sur le simple fait qu'elle reprenait quelques-unes de ses obsessions phares, ou parce qu'elle était encore plus personnelle et intime que la précédente.
Comme si faire du cinéma impliquait d'avoir une date de péremption vissée sur la caméra, et que tout cinéaste ne saurait plus rien faire une fois qu'il est populairement annoncé comme " trop vieux pour ses conneries ".
Certes, il est impossible d'aborder ce nouveau film sans s'affranchir d'un fait biographique essentiel : le décès de son épouse en 2017, après quarante ans d'union.
À tel point que le Karsh de Vincent Cassel va au-delà du statut du simple alter-ego évident, à l'apparence similaire : il est purement et simplement David Cronenberg, un artiste qui réfléchit constamment sur lui-même et son art, mais avant tout et surtout une âme endeuillée qui lutte pour surmonter le décès de sa femme, Rebecca, qu'il n'accepte pas de voir partir au point même d'inventer une technologie révolutionnaire et controversée : GraveTech, qui permet aux vivants de se connecter à leurs chers disparus dans leurs linceuls.
Le cimetière érigé à Toronto par Karsh n'adhère à aucune confession religieuse et dépasse même toute frontière éthique, ce qui pose un problème pour découvrir les coupables lorsqu'une nuit, plusieurs tombes, dont celle de sa femme, sont vandalisées...
À l'instar des Crimes du Futur, Les Linceuls ne se fait pas tant un film somme qu'une synthèse des nombreux questionnements et thématiques abordées par le cinéaste, de l'annexion de la frontière poreuse entre les différentes réalités par la force de la technologie (EXistenZ), en passant par la mutation organique générée à même la mort (Les Crimes du Futur), où le fétichisme des pulsions enfouies (Videodrome) et de la mort (Crash); une carte mémorielle comme pour mieux voguer ailleurs, pour mieux embrasser une perversion presque Hitchcockienne dans sa manière de se jouer autant des apparences, que de son auditoire - pensez à Vertigo, dans le bon comme dans le mauvais sens de l'hommage.
Car de ses propres thématiques et obsessions, Cronenberg dresse, non sans une certaine ironie et un vrai esprit bordélique, une thriller dramatico-fantastique vissée sur la réflexion d'une connexion à l'autre supplantatrice de la mort, où quand la décomposition des corps - littéralement de la matière morte -, se fait l'objet déclencheur d'une excitation sexuelle à travers l'écran; où quand la douleur du deuil se mêle au désir pour former une entité autonome et malsaine, dans l'exhumation d'une amputation sentimentale et organique (l'immatériel psychique et émotionnelle qui ne peut se connecter au charnel, cette mort insoutenable de l'autre que l'on ne peut conjurer), que la technologie vient faussement tromper.
Pour Cronenberg, ce sont les rapports au corps et aux affections des âmes qui amènent les progrès technologiques, et non l'inverse, et son art ici, peut-être encore plus qu'auparavant, est totalement motivé par le même mouvement.
Alors certes, si le film se fait peut-être trop volubile et labyrinthique pour son bien, comme si le cinéaste lui-même n'arrivait pas à canaliser toutes ses idées au sein d'un effort qui se perd lentement mais sûrement, comme ses personnages, dans des ruminations paranoïaco-absurdes, difficile de ne pas voir en Les Linceuls, la parfaite continuité de la nouvelle direction entreprise avec Les Crimes du Futur.
Après avoir jouit et enterré une chair nouvelle, Cronenberg en montre ici sa lente et sophistiqué putréfaction avec un voyeurisme encore plus exacerbé, vissé sur un homme capable d'aimer et de désirer le cadavre de sa femme, plus fort encore que de son vivant.
L'impact conscient ou non des images est toujours aussi important chez le cinéaste, et encore plus à une heure ou l'artificialité (l'intelligence artificielle) menace l'organique et le réel.
Jonathan Chevrier
Acteurs : Vincent Cassel, Diane Kruger, Guy Pearce, Sandrine Holt,...
Distributeur : Pyramide Distribution
Budget : -
Genre : Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h56min.
Synopsis :
Le film est présenté en compétition au Festival de Cannes 2024.
Karsh, 50 ans, est un homme d’affaires renommé. Inconsolable depuis le décès de son épouse, il invente un système révolutionnaire et controversé, GraveTech, qui permet aux vivants de se connecter à leurs chers disparus dans leurs linceuls. Une nuit, plusieurs tombes, dont celle de sa femme, sont vandalisées. Karsh se met en quête des coupables.
Critique :
Après avoir jouit et enterré une chair nouvelle avec #LesCrimesDuFutur, Cronenberg en montre avec #LesLinceuls sa lente et sophistiqué putréfaction avec un voyeurisme exacerbé, vissé sur un être capable d'aimer et de désirer le cadavre de sa femme, plus fort encore que son vivant pic.twitter.com/EM14CKVPVA
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) May 26, 2024
Il y a quelque chose d'assez ahurissant dans le fait que bon nombre des critiques et spectateurs ayant pu voir - où non - Les Linceuls, se sont emballés de manière quasi-générique face à l'idée de caractériser le dernier effort en date de David Cronenberg, comme l'un de ses films les plus indigestes voire même, comme c'était déjà le cas pour Les Crimes du Futur, comme une vulgaire oeuvre testamentaire sur le simple fait qu'elle reprenait quelques-unes de ses obsessions phares, ou parce qu'elle était encore plus personnelle et intime que la précédente.
Copyright Pyramide Distribution |
Comme si faire du cinéma impliquait d'avoir une date de péremption vissée sur la caméra, et que tout cinéaste ne saurait plus rien faire une fois qu'il est populairement annoncé comme " trop vieux pour ses conneries ".
Certes, il est impossible d'aborder ce nouveau film sans s'affranchir d'un fait biographique essentiel : le décès de son épouse en 2017, après quarante ans d'union.
À tel point que le Karsh de Vincent Cassel va au-delà du statut du simple alter-ego évident, à l'apparence similaire : il est purement et simplement David Cronenberg, un artiste qui réfléchit constamment sur lui-même et son art, mais avant tout et surtout une âme endeuillée qui lutte pour surmonter le décès de sa femme, Rebecca, qu'il n'accepte pas de voir partir au point même d'inventer une technologie révolutionnaire et controversée : GraveTech, qui permet aux vivants de se connecter à leurs chers disparus dans leurs linceuls.
Le cimetière érigé à Toronto par Karsh n'adhère à aucune confession religieuse et dépasse même toute frontière éthique, ce qui pose un problème pour découvrir les coupables lorsqu'une nuit, plusieurs tombes, dont celle de sa femme, sont vandalisées...
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À l'instar des Crimes du Futur, Les Linceuls ne se fait pas tant un film somme qu'une synthèse des nombreux questionnements et thématiques abordées par le cinéaste, de l'annexion de la frontière poreuse entre les différentes réalités par la force de la technologie (EXistenZ), en passant par la mutation organique générée à même la mort (Les Crimes du Futur), où le fétichisme des pulsions enfouies (Videodrome) et de la mort (Crash); une carte mémorielle comme pour mieux voguer ailleurs, pour mieux embrasser une perversion presque Hitchcockienne dans sa manière de se jouer autant des apparences, que de son auditoire - pensez à Vertigo, dans le bon comme dans le mauvais sens de l'hommage.
Car de ses propres thématiques et obsessions, Cronenberg dresse, non sans une certaine ironie et un vrai esprit bordélique, une thriller dramatico-fantastique vissée sur la réflexion d'une connexion à l'autre supplantatrice de la mort, où quand la décomposition des corps - littéralement de la matière morte -, se fait l'objet déclencheur d'une excitation sexuelle à travers l'écran; où quand la douleur du deuil se mêle au désir pour former une entité autonome et malsaine, dans l'exhumation d'une amputation sentimentale et organique (l'immatériel psychique et émotionnelle qui ne peut se connecter au charnel, cette mort insoutenable de l'autre que l'on ne peut conjurer), que la technologie vient faussement tromper.
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Pour Cronenberg, ce sont les rapports au corps et aux affections des âmes qui amènent les progrès technologiques, et non l'inverse, et son art ici, peut-être encore plus qu'auparavant, est totalement motivé par le même mouvement.
Alors certes, si le film se fait peut-être trop volubile et labyrinthique pour son bien, comme si le cinéaste lui-même n'arrivait pas à canaliser toutes ses idées au sein d'un effort qui se perd lentement mais sûrement, comme ses personnages, dans des ruminations paranoïaco-absurdes, difficile de ne pas voir en Les Linceuls, la parfaite continuité de la nouvelle direction entreprise avec Les Crimes du Futur.
Après avoir jouit et enterré une chair nouvelle, Cronenberg en montre ici sa lente et sophistiqué putréfaction avec un voyeurisme encore plus exacerbé, vissé sur un homme capable d'aimer et de désirer le cadavre de sa femme, plus fort encore que de son vivant.
L'impact conscient ou non des images est toujours aussi important chez le cinéaste, et encore plus à une heure ou l'artificialité (l'intelligence artificielle) menace l'organique et le réel.
Jonathan Chevrier