[CRITIQUE] : Oh, Canada
Réalisateur : Paul Schrader
Acteurs : Richard Gere, Jacob Elordi, Uma Thurman, Michael Imperioli, Kristine Frøseth,...
Distributeur : ARP Selection
Budget : -
Genre : Comédie, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h35min.
Synopsis :
Le film est présenté en compétition au Festival de Cannes 2024.
Un célèbre documentariste canadien, condamné par la maladie, accorde une ultime interview à l’un de ses anciens élèves, pour dire enfin toute la vérité sur ce qu’a été sa vie. Une confession filmée sous les yeux de sa dernière épouse…
Acteurs : Richard Gere, Jacob Elordi, Uma Thurman, Michael Imperioli, Kristine Frøseth,...
Distributeur : ARP Selection
Budget : -
Genre : Comédie, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h35min.
Synopsis :
Le film est présenté en compétition au Festival de Cannes 2024.
Un célèbre documentariste canadien, condamné par la maladie, accorde une ultime interview à l’un de ses anciens élèves, pour dire enfin toute la vérité sur ce qu’a été sa vie. Une confession filmée sous les yeux de sa dernière épouse…
Critique :
Et si la réception, plutôt tiède, du dernier long-métrage en date de Paul Schrader, Oh, Canada, n'était pas tant en rapport à la qualité du long-métrage en lui-même, qu'en sa réception erronée par ceux s'attendant à voir autre chose venant d'un cinéaste qui, sur ses derniers efforts en date, nous avait frappé par ses portraits transcendentaux de figures meurtris ?
La question à le mérite d'être posée (comme celle, tout aussi intéressante, de la vision sensiblement obstruée d'une bonne frange de la critique, mais là n'est pas le moment), d'autant que le film s'inscrit pourtant, justement, dans le même parcours d'une quête hypothétique de rédemption, à ceci près que la contrition se fait décemment plus poétique, voire même infiniment personnelle, comme une auto-réflexion existentielle, un auto-exorcisme par le cinéma pour Schrader qui s'appuie sur un texte lui-même semi-autobiographique de feu Russell Banks (à qui le film est logiquement dédié).
Point de prêtre ou d'ancien nazillon ici, mais un documentariste malade d'un cancer, Leonard Fife, qui se lance dans un ultime jeu de piste avec sa propre mémoire, alors que la mort attend sagement au pied de son lit.
Un jeu embaumé par la puissance du Dieu cinéma, ou il conte face caméra, devant un ancien élève comme devant sa dernière épouse, la vérité ignoble de sa propre histoire qu'il avait jusqu'ici, savamment caché aux yeux du monde.
Une confession aux sombres contours de messe funéraire, tout en mensonges et en lâchetés masquées, pleine de regrets et d'amertume, ou le poids des mots/maux importe au moins autant que celui des images (l'alternance des tons comme des cadres et formats, en fond instinctivement l'un des films les plus méticuleusement travaillés de son auteur).
La résonance autobiographique est indéniable, ce qui permet a Schrader de creuser encore un peu plus le sillon de la notion d'identité, à travers celle que l'on s'invente pour ne pas dévoiler la vérité, cette mise en scène de nous-mêmes presque insaisissable qui ne peut qu'être appelée à se faire bouffer par nos doutes moraux, une fois l'heure du crépuscule sonnée.
Une mise en exergue fascinante et très Rohmerienne des contradictions entre une conscience accrue de soi, et une représentation extérieure savamment opposée, entre un auteur talentueux salué pour la puissance de son cinéma vérité, et une âme méprisable qui a bâti sa renommée sur une seconde existence mensongère; un homme qui a sondé l'hypocrisie, l'immoralité des autres pour mieux la plaquer devant sa caméra, tout en cachant consciemment la sienne derrière.
Car, contre toute attente, Fife ne détonne absolument pas des autres figures du cinéma de Schrader, celles qui symbolisent une certaine misère humaine que le cinéaste n'a pourtant jamais considéré comme telle, lui qu'il l'a toujours comprise et même sublimé.
Ce qui pèche in fine ici, plus que dans les précédents efforts du cinéaste (et au-delà même de sa voix-off), c'est sa manière de se plonger dans la jeunesse esquissée par le documentariste, la genèse d'un monstre méprisant et immoral; cette tentative émotionnelle de reconstituer une mémoire brisée dans un puzzle qui n'a définitivement pas le même impact que sa narration au présent, en grande partie dû par l'opposition entre la partition plate de Jacob Elordi, et celle tout en complexité d'un Richard Gere des grands jours (de loin son plus grand rôle depuis longtemps).
Oh Canada incarne néanmoins une œuvre fascinante, celle sur un homme désirant obtenir le pardon et la rédemption avant de s'éteindre, tout en ayant pleinement conscience qui lui est impossible de l'avoir, la faute à l'inauthenticité même du processus de ses aveux (parce qu'il va mourir mais surtout parce qu'il ne conçoit ceux-ci qu'à travers le prisme d'une caméra, pour mieux les immortaliser), sorte de carnaval auto-satisfait où sa mort elle-même sera mise en scène.
Une odyssée confessionnelle où vérité et mensonge se confondent dans un tout captivant, qui n'a assurément rien d'une œuvre mineure.
Jonathan Chevrier
Malgré quelques maladresses, #OhCanada incarne une œuvre fascinante, une odyssée confessionnelle où vérité et mensonge se confondent dans la quête rédemptrice d'un homme désirant obtenir le pardon avant de s'éteindre, tout en ayant conscience qui lui est impossible de l'avoir. pic.twitter.com/DOc051aKWT
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) May 26, 2024
Et si la réception, plutôt tiède, du dernier long-métrage en date de Paul Schrader, Oh, Canada, n'était pas tant en rapport à la qualité du long-métrage en lui-même, qu'en sa réception erronée par ceux s'attendant à voir autre chose venant d'un cinéaste qui, sur ses derniers efforts en date, nous avait frappé par ses portraits transcendentaux de figures meurtris ?
La question à le mérite d'être posée (comme celle, tout aussi intéressante, de la vision sensiblement obstruée d'une bonne frange de la critique, mais là n'est pas le moment), d'autant que le film s'inscrit pourtant, justement, dans le même parcours d'une quête hypothétique de rédemption, à ceci près que la contrition se fait décemment plus poétique, voire même infiniment personnelle, comme une auto-réflexion existentielle, un auto-exorcisme par le cinéma pour Schrader qui s'appuie sur un texte lui-même semi-autobiographique de feu Russell Banks (à qui le film est logiquement dédié).
Copyright Oh Canada-LLC ARP |
Point de prêtre ou d'ancien nazillon ici, mais un documentariste malade d'un cancer, Leonard Fife, qui se lance dans un ultime jeu de piste avec sa propre mémoire, alors que la mort attend sagement au pied de son lit.
Un jeu embaumé par la puissance du Dieu cinéma, ou il conte face caméra, devant un ancien élève comme devant sa dernière épouse, la vérité ignoble de sa propre histoire qu'il avait jusqu'ici, savamment caché aux yeux du monde.
Une confession aux sombres contours de messe funéraire, tout en mensonges et en lâchetés masquées, pleine de regrets et d'amertume, ou le poids des mots/maux importe au moins autant que celui des images (l'alternance des tons comme des cadres et formats, en fond instinctivement l'un des films les plus méticuleusement travaillés de son auteur).
La résonance autobiographique est indéniable, ce qui permet a Schrader de creuser encore un peu plus le sillon de la notion d'identité, à travers celle que l'on s'invente pour ne pas dévoiler la vérité, cette mise en scène de nous-mêmes presque insaisissable qui ne peut qu'être appelée à se faire bouffer par nos doutes moraux, une fois l'heure du crépuscule sonnée.
Copyright Foregone Film PSC |
Une mise en exergue fascinante et très Rohmerienne des contradictions entre une conscience accrue de soi, et une représentation extérieure savamment opposée, entre un auteur talentueux salué pour la puissance de son cinéma vérité, et une âme méprisable qui a bâti sa renommée sur une seconde existence mensongère; un homme qui a sondé l'hypocrisie, l'immoralité des autres pour mieux la plaquer devant sa caméra, tout en cachant consciemment la sienne derrière.
Car, contre toute attente, Fife ne détonne absolument pas des autres figures du cinéma de Schrader, celles qui symbolisent une certaine misère humaine que le cinéaste n'a pourtant jamais considéré comme telle, lui qu'il l'a toujours comprise et même sublimé.
Ce qui pèche in fine ici, plus que dans les précédents efforts du cinéaste (et au-delà même de sa voix-off), c'est sa manière de se plonger dans la jeunesse esquissée par le documentariste, la genèse d'un monstre méprisant et immoral; cette tentative émotionnelle de reconstituer une mémoire brisée dans un puzzle qui n'a définitivement pas le même impact que sa narration au présent, en grande partie dû par l'opposition entre la partition plate de Jacob Elordi, et celle tout en complexité d'un Richard Gere des grands jours (de loin son plus grand rôle depuis longtemps).
Copyright Oh Canada-LLC ARP |
Oh Canada incarne néanmoins une œuvre fascinante, celle sur un homme désirant obtenir le pardon et la rédemption avant de s'éteindre, tout en ayant pleinement conscience qui lui est impossible de l'avoir, la faute à l'inauthenticité même du processus de ses aveux (parce qu'il va mourir mais surtout parce qu'il ne conçoit ceux-ci qu'à travers le prisme d'une caméra, pour mieux les immortaliser), sorte de carnaval auto-satisfait où sa mort elle-même sera mise en scène.
Une odyssée confessionnelle où vérité et mensonge se confondent dans un tout captivant, qui n'a assurément rien d'une œuvre mineure.
Jonathan Chevrier