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[CRITIQUE] : All We Imagine as Light



Réalisatrice : Payal Kapadia
Acteurs : Kani Kusruti, Divya Prabha, Chhaya Kadam,...
Distributeur : Condor Distribution
Budget :
Genre : Drame.
Nationalité : Luxembourgeois, Hollandais, Français, Indien.
Durée : 1h54min.

Synopsis :
Ce film est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2024.

Infirmière à Mumbai, Prabha voit son quotidien bouleversé lorsqu’elle reçoit un cadeau de la part de son mari qu’elle n’a pas vu depuis des années. De son côté, Anu, sa jeune colocataire, cherche en vain un endroit dans la ville pour partager un peu d’intimité avec son fiancé. A l'occasion d’un séjour dans une station balnéaire, pourront-elles enfin laisser leurs désirs s’exprimer ?



Critique :



Trente ans, toute une vie ou presque, que le cinéma indien, pourtant plus prolifique que jamais, n'avait plus pointé le bout de son nez du côté de la très sélecte (et définitivement trop riche en habitués) Compétition, avec Swaham de Shaji N. Karun.

Autant dire donc, que le second long-métrage - son premier de fiction - de la cinéaste de Mumbai, Payal Kapadia, revêt une importance toute particulière, presque essentielle, sans que jamais cette pression, que ce poids ne se ressente à travers la douceur cotonneuse qui émane de ce formidable portrait de femmes aux générations disparates, tout en désirs, en frustrations et en hypothétiques tournants existentielles, au coeur de l'oppressante et continuellement en mouvement, mégalopole du Maharashtra.

Copyright Condor Distribution

Le magnifique documentaire Toute une nuit sans savoir, qui convoquait le cinéma soviétique - notamment dans son montage perturbant délibérément la linéarité du temps -, dans un mouvement de cinéma politique radical et inspirant, scrutant au plus près la rébellion face à l'effondrement du monde et de l'humanité, nous avait déjà initié à la veine lyrique profonde autant qu'à la faculté exceptionnelle de coller au plus près de la réalité de Payal Kapadia.
Avec All We Imagine as Light, elle pousse sensiblement les potards un peu plus loin en épousant plus franchement les courbes de la fiction, consciente qu'un regard politique pertinent ne peut pas être impactant sans qu'il s'imprègne d'une réalité agitée et tout en contradictions, tiraillée entre ses désirs d'embrasser toutes les mouvances cosmopolites en son sein, mais aussi un respect des traditions parfois férocement obtu.

D'autant que délicatesse ne signifie par pour autant superficialité, et force est d'admettre qu'elle parvient une nouvelle fois à retranscrire toutes les dystonies de la société indienne autant à travers le théâtre vivant qu'incarne Mumbai, les destinées de ses trois figures féminines centrales aux douleurs innommables (des personnages qui, bien que fictifs, sont incroyablement vrais dans leur désir de liberté), mais aussi et surtout à travers un naturalisme extrême, par la transparence d'une mise en scène qui épouse sans artifice le réel tout en s'offrant quelques saillies lyriques incroyablement magnétiques.

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Magnifique et honnête évasion tout en soupirs, en silence et en conversations brisées, sur l'élan de sororité entre trois femmes acculées de toutes parts, qui se soutiennent face aux élans de coercitions patriarcales d'une société indienne anxiogène, All We Imagine as Light saisit l'insaisissable pour le rendre palpable, dessine son odyssée émotionnelle sans jamais se perdre dans les méandres artificiels du mélodrame, au sein d'un canevas à la simplicité complexe, d'un poème à la beauté proprement incandescente.


Jonathan Chevrier


Copyright Condor Distribution

All We Imagine as Light a reçu le grand prix à Cannes cette année. Compte tenu de la qualité du film, d’autres prix n’auraient pas été de trop. Il s’agit du premier long-métrage de fiction de Payal Kapadia, réalisatrice installée à Mumbai, qui avant cela, reçu l’ours d’or du meilleur documentaire pour Toute une nuit sans savoir (2021), film à la forme hybride qui scrute la jeune indienne en pleine ébullition par l’intermédiaire de lettre écrites par une étudiante en cinéma à son amoureux.  

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All We Imagine as Light est animé de cette même énergie, celle de la ville. En tout cas, pendant la première partie du film qui vit au rythme de Mumbai. L’hôpital dans lequel travaillent Prabha et Anu, leur appartement, les petits restaurants, les bus et métros… Les décors rythment le film et installent ce climat de liberté étrange que seule une grande ville peut dégager. Payal Kapadia retranscrit à l’écran cette spécificité de la ville de Mumbai. Si l’Inde est un pays où il est difficile d’être libre en tant que femme, Mumbai accueille de nombreuses femmes vivant et travaillant seule à l’instar de nos deux personnages.  

Lorsque le film se déplace dans un petit village côtier, symbole de la mer oblige, c’est pour se rapprocher de la vérité sans pour autant sacrifier cette liberté précieuse permise par le mouvement de la ville. Face à la mer des révélations sont faites, des décisions sont prises et le temps s’arrête … un peu. Ces femmes profitent un moment du calme, de la joie d’être elles-mêmes et entourées de leurs sœurs de cœur. Juste le temps de faire le point sur leur vie et envies futures. Un instant suspendu dans le temps.  

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All We Imagine as Light est un doux portrait de femmes construit comme un film “tranche de vie”. Les deux bombayennes sont particulièrement  attachantes. L’écriture minutieuse et l’interprétation irréprochable de Kani Kusruti, Divya Prabha et l’ensemble du casting donnent corps à ces histoires de quête d’émancipations intérieures qui s'entremêlent. 


Éléonore Tain