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[CRITIQUE] : Dieu est une femme


Réalisateur : Andrés Peyrot
Acteurs : -
Distributeur : Pyramide Distribution
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Panaméen, Français, Suisse.
Durée : 1h25min.

Synopsis :
En 1975, Pierre-Dominique Gaisseau, explorateur français oscarisé pour son documentaire Le Ciel et la Boue, se rend au Panama pour réaliser un film sur la communauté fermée des Kunas, où la femme est sacrée. Gaisseau, son épouse et leur fille Akiko vivent avec les Kunas pendant une année. Mais le projet fait faillite et la copie est confisquée par une banque. Cinquante ans plus tard, les Kunas attendent toujours de découvrir « leur » film, devenu une légende transmise par les plus anciens aux plus jeunes. Un jour, une copie cachée est retrouvée à Paris...



Critique :



Parce que l'idée même de filmer et de se filmer est devenu totalement anecdotique au sein de nos sociétés occidentales, l'authenticité d'une vidéo, d'un film a donc totalement perdu sa singularité, quand bien même elle sacralise un instant précis, l'inscrit dans l'éternité - comme une photographie, et encore plus une photographie d'époque.
Mais ce qui est une vérité pour nous, n'en est pas forcément une pour tous, et l'idée de filmer, de faire d'une histoire jadis orale quelque chose de physique, reste sacrée et authentique pour d'autres.

Copyright Pyramide Distribution

Comme nous le prouve assez clairement Dieu est une femme du réalisateur suisse/panaméen Andres Peyrot, qui se fait autant une réponse à un effort cinématographique qu'à l'histoire orale qui en a découlé : le documentaire éponyme du documentariste français Pierre-Dominique Gaisseau, qui s'était rendu en 1975, dans un endroit reculé du Panama pour réaliser un film sur le peuple Kuna qu'il considérait comme un matriarcat en raison de certaines coutumes.
Faute de fonds, la banque a saisit les bandes et pendant cinquante ans, les Kunas n'ont pas pu découvrir ces images (d'autant qu'il ne leur est pas du tout évident d'aller dans une salle de cinéma, évidemment), ni découvrir ce que la caméra de Gaisseau, qui les avait objectivés, le sujet de ses images devenant à leur tour, une de ces histoires partagées oralement par le peuple au fil du temps.

Sorte de retour à la " maison " de ces images, le film se fait avant et surtout une intense réflexion sur la nature même du cinéma, tant l'effort documentaire prend ici les contours d'une vraie expérience historique et communautaire qui a pris et prendra part à la narration sociale et identitaire de tout un peuple qui peut désormais se réapproprier ce regard extérieur et occidental (propre à Gaisseau), s'extirper de sa symbolique biaisée - même sous le sceau des bonnes intentions - tout en ayant, de manière singulière pour eux, la possibilité de procéder à une réappropriation cathartique du temps en voyant ce qui s'est justement passé, par ses images du passé (trop de passé dans cette phrase).

Copyright Pyramide Distribution

Mais là où le film se fait, peut-être, encore plus intéressant et symbolique, c'est dans la manière que s'orchestre l'expression du cinéma à travers la vision d'un auteur, terrain peu foulée puisque l'envers du décor des documentaires est rarement exposé dans le même mouvement que le sujet même, de l'œuvre.
Car au-delà d'être un documentaire à part (fruit à la fois d'un documentaire autre tourné quasiment cinquante ans plus tôt, jamais terminé ni vu, mais également d'une réflexion sur le septième art, l'histoire, le temps et son altérité, voire même sur la décolonisation), il symbolise le caractère vampirique de la vision occidentale sur les minorités qui, à l'instar de ce que Gaisseau - volontairement ou non -, interroge ni n'observe moins la réalité, qu'elle ne cherche à donner de l'eau au moulin de sa théorisation (quitte à fictionnaliser le réel).

Une vision archaïque qui ne fait que soutenir la distance entre les peuples, et à l'instar des Kunas qui peuvent renouer par l'image avec le passé, Dieu est une femme nous permet de percevoir - si besoin était - la nécessité de changer la perception narrative d'histoires qui nous sont étrangères.


Jonathan Chevrier


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