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[CRITIQUE] : La Mère de tous les mensonges


Réalisatrice : Asmae El Moudir
Avec : -
Distributeur : Arizona Distribution
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Marocain, Égyptien, Saoudien, Qatari.
Durée : 1h37min.

Synopsis :
Casablanca. La jeune cinéaste Asmae El Moudir cherche à démêler les mensonges qui se transmettent dans sa famille. Grâce à une maquette du quartier de son enfance et à des figurines de chacun de ses proches, elle rejoue sa propre histoire. C'est alors que les blessures de tout un peuple émergent et que l’Histoire oubliée du Maroc se révèle.



Critique :


On dit toujours qu'il faut savoir regarder le/notre passé pour construire notre avenir, mais est-ce possible de se forger un futur, une identité qui nous est propre.
Mais que faire lorsque nos souvenirs autant que les artefacts qu'ils nous en reste, ne sont pas fiables et/où absents, quand l'idée même de faire confiance à ce qui est censé être réel, à ce qui nous a toujours été donné comme vérité, est impossible.

C'est autour de cette question - mais pas uniquement - que s'articule le passionnant documentaire La Mère de tous les mensonges de Asmae El Moudir - doublement primé lors de la dernière réunion Cannoise -, qui noue le passé trouble d'une nation marocaine à celle tout aussi difficile de sa propre famille, dans une interrogation/contradiction ambitieuse et audacieuse de l'histoire de ses aînés.

Copyright Insight Films

Tout part d'ailleurs d'une question somme toute banale, la cinéaste voulant savoir pourquoi elle n'a qu'une seule photo de son enfance, mais surtout pourquoi ce n'est même pas elle dessus (mais sa sœur Fatima, l'une des victimes du massacre ordonné par le roi Hassan II à Casablanca en juin 1981, à la suite des émeutes du Pain).

Assez naturellement proche du magnifique Les Filles d'Olfa, dans son soucis de démanteler les codes traditionnels du documentaire, pour mieux sonder et guérir au présent les horreurs d'hier, l'approche de la cinéaste tranche cela dit avec celle plus fictionnelle de Kaouther Ben Hania, puisqu'elle use de sa propre cellule familiale pour la confronter autant à son propre traumatisme qu'à celui de tout un pays, notamment par la construction miniaturisé de leur quartier de l'époque, véritable diorama de leur souffrance.
C'est par la création et sa double résonance, ce souci de recréer toute une époque pour mieux raviver le passé, qu'ils ressuscitent les fantômes qui s'y cachent et qui les ont toujours hantés, pour mieux les confronter, les exorciser.

Copyright Insight Films

La création, et par extension la puissance de l'art, comme un outil de découverte de soi (et des siens) mais aussi et surtout comme un outil curatif, pas tant celui d'une guérison miracle et idéaliste mais d'une première étape, fracturée mais fondatrice, vers une réconciliation avec la douleur - refoulée - d'hier, pour mieux vivre au présent malgré une politique du silence encore ombrageuse (incarnée ici par la figure tyrannique de la grand-mère, une caractérisation évidemment moins vulgaire et nuancée à l'écran).

Avec La Mère de tous les mensonges, Asmae El Moudir use du septième art pour reconstruire, comprendre et esquisser les prémisses d'un nouveau départ, pas uniquement pour les siens mais pour tous ceux décidés à laisser la douleur d'hier au passé.


Jonathan Chevrier


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