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[CRITIQUE] : Madame de Sévigné


Réalisatrice : Isabelle Brocard
Acteurs : Karin Viard, Ana Girardot, Cédric Kahn, Noémie Lvovsky, Robin Renucci,...
Distributeur : Orange Studio Distribution / Ad Vitam
Budget : -
Genre : Drame, Historique.
Nationalité : Français.
Durée : 1h32min.

Synopsis :
Milieu du XVIIème siècle, la marquise de Sévigné veut faire de sa fille une femme brillante et indépendante, à son image. Mais plus elle tente d’avoir une emprise sur le destin de la jeune femme, plus celle-ci se rebelle. Mère et fille expérimentent alors les tourments d’une relation fusionnelle et dévastatrice. De ce ravage, va naître une œuvre majeure de la littérature française.



Critique :


Karin Viard est de ces talents sincères et enthousiastes capable de nous vendre presque toutes les tambouilles possibles sur pellicules ces dernières années, des comédies pas toujours défendables (L'Origine du mondeVoyez comme on danse) aux suites non-désirées de franchises ne supportant pas le poids des années (Les Visiteurs : La Révolution), en passant par des drames profondément bouleversants (Les Chatouilles, Chanson Douce).

Ces talents sont rares mais essentiels pour nous faire déplacer dans des salles obscures et soutenir un cinéma hexagonal toujours aussi - stupidement - dévalorisé.

Copyright Julien Panié

Définitivement omniprésente dans les salles obscures, on l'avait retrouvé par cinq fois, en sage-femme d’expérience au caractère bien trempé dans l'excellent Sage-Homme de Jennifer Devoldere, en conseillère immobilière gentiment perturbée dans Wahou! de Bruno Podalydès, en chancelière du diocèse dans Magnificat de Virginie Sauveur mais aussi dans deux romances : le wannabe Before Sunrise, Une Nuit, d'Alex Lutz, puis le bien plus conventionnel Nouveau Départ de Philippe Lefebvre.

2024 démarre sous les mêmes auspices puisque en attendant Fils de de Carlos Abascal Peiró, elle nous revient avec l'étonnant Madame de Sévigné, second long-métrage tardif d'Isabelle Brocard (Ma Compagne de nuit date, déjà, de 2011), qui s'inscrit - toute propension gardée, évidemment - dans une lignée pas si éloignée de celle du Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma, sensiblement dans sa façon d'aborder le film d'époque avec un regard à la fois profondément contemporain (où les clins d'œil n'ont pas besoin d'être appuyés pour être claire et limpide), et naturellement féministe.
Librement inspirée de la vie de l'épistolière du même nom (formidable Karin Viard), et des lettres qu'elle écrivit à sa fille, Françoise-Marguerite de Sévigné (une délicieuse Ana Girardot), l'écriture noue sa narration autour de relation ambivalente (à l'image de son époque) et passionnée entre la mère et sa fille, sous fond de transmission de valeurs et de dépendance affective.

Copyright Julien Panié

Un parti pris risqué mais payant, tant la cinéaste sait séduire son auditoire à travers la manière qu'elle a aussi bien de déjouer les codes faciles du biopic/drame historique estampillé moderne (on est très loin de la popote familière et redondante de l'hagiographie Wikipedia-esque), que de véhiculer avec force (et par le truchement culturel) les notions de consentement (avec Louis XIV en prédateur alpha ultime), d'émancipation et d'indépendance féminine, dans son portrait nuancé d'une époque où la femme n'était censé (sur)vivre que par/pour son rapport à l'homme - le mariage - et son respect des conventions/traditions.

Dommage que cette ambition dans le ton (sous forte influence Campionienne), ne se traduit pas fondamentalement dans sa structure dramaturgique, assez redondante puisque engoncée dans la mécanique d'une relation épistolaire avec un point de vue quasiment unique - celui de la matriarche.
Pas de quoi gâcher pour autant cette agréable séance, embaumée dans la jolie photographie de George Lechaptois.


Jonathan Chevrier


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