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[CRITIQUE/RESSORTIE] : A Bittersweet Life


Réalisateur : Kim Jee-woon
Avec : Lee Byung-hun, Hwang Jung-min, Jeong Yu-mi,...
Distributeur : The Jokers / Les Bookmakers
Budget : -
Genre : Policier, Action, Drame.
Nationalité : Sud-coréen.
Durée : 1h58min

Date de sortie : 10 mai 2006
Date de ressortie : 15 novembre 2023

Synopsis :
Un chef de gang soupçonne sa petite amie Hee Su d'avoir une liaison avec un autre homme. Il demande à son bras droit, Sun Woo, de la suivre, avec l'ordre de les tuer tous les deux s'il les surprend ensemble.



Critique :


Quand bien même cette réflexion peut caractériser à elle seule bon nombre de péloches ayant irriguées ce qu'il est commun d'appeler le " Nouveau cinéma sud-coréen " (comme Old Boy de Park Chan-wook sorti deux ans plus tôt, où J'ai rencontré le diable qui lui emboîtera le pas quelques années plus tard), plusieurs œuvres du cinéma béni de Kim Jee-woon s'articule sur l'idée - très bis et 70s pour le coup - d'une vengeance plus brutale que les maux reçus, d'une vengeance punitive où la frontière entre châtiment et torture est volontairement floue, franchit aveuglément par des personnages se sentant - souvent - légitimes dans la douleur qu'ils infligent (là encore, justifiée selon leur propre raisonnement).

Cette vengeance - ici double -, irrationnelle et primitive, est le cœur même, l'outil principal de la narration de A Bittersweet Life, véritable plongée douce-amère (tout est dans le titre) au cœur d'un cycle de violence âpre et spectaculaire, qui cite directement Melville et Peckinpah, où un acte vraisemblablement irraisonné (où, paradoxalement, le moins vide de sens de toute une existence) vient bousculer toute une vie jusqu'ici aussi rangée que désespérée.
Soit Kim Sun-woo, bras droit d'un chef de gang, M. Kang, chargé par celui-ci de suivre sa femme qu'il suspecte d'adultère, et qu'il ne doit pas hésiter à liquider en cas de trahison.

Copyright The Jokers Films

D'ordinaire dévoué à son travail, le bonhomme va ruiner sa vie au moment même où il prendra une décision par lui-même pour la première fois - ne pas la tuer ni elle, ni son amant.
Cette décision, complètement inhabituelle, va conduire à sa chute puisque Kang, voulant faire de lui un exemple afin d'empêcher toute future désobéissance d'un des siens, ordonne à ses de lyncher sans pitié Sun-woo puis de l'enterrer vivant.
Mais il survit, et entame alors une vengeance implacable, pour corriger le châtiment odieux qui lui a été infligé, totalement conscient que la mort est devenue sa seule issue...

Pur exercice de style aussi savoureusement barbare qu'il est mélancoliquement onirique, qui peut autant se voir comme la vendetta virile et rédemptrice d'un homme envers le seul pour qui il avait un certain attachement (l'un se pense invincible, l'autre se sait condamné), que comme la prise de prise de conscience, dans le sang et la rédemption, d'une solitude dévastatrice où la délivrance par l'amour (soudain et écrasant, puisqu'il semble dépassé par la beauté de la vie elle-même) ne peut mener qu'à la mort; A Bittersweet Life se fait une douloureuse et spectaculaire tragédie, dont le classicisme de la narration se voit constamment contrebalancé par la maîtrise formelle grandiose de Jee-woon.
Peut-être son film le plus sauvagement beau de son auteur.


Jonathan Chevrier