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[CRITIQUE] : Hunger Games : La ballade du serpent et de l'oiseau chanteur


Réalisateur : Francis Lawrence
Acteurs : Tom Blyth, Rachel Zegler, Josh Andrés Rivera, Jason Schwartzman, Viola Davis, Peter Dinklage,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Science-fiction, Action, Aventure.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h38min

Synopsis :
Le jeune Coriolanus est le dernier espoir de sa lignée, la famille Snow autrefois riche et fière est aujourd’hui tombée en disgrâce dans un Capitole d'après-guerre. À l’approche des 10ème Hunger Games, il est assigné à contrecœur à être le mentor de Lucy Gray Baird, une tribut originaire du District 12, le plus pauvre et le plus méprisé de Panem. Le charme de Lucy Gray ayant captivé le public, Snow y voit l’opportunité de changer son destin, et va s’allier à elle pour faire pencher le sort en leur faveur. Luttant contre ses instincts, déchiré entre le bien et le mal, Snow se lance dans une course contre la montre pour survivre et découvrir s’il deviendra finalement un oiseau chanteur ou un serpent.



Critique :

Même s'ils étaient des best-sellers au succès éprouvé, c'est véritablement son adaptation cinématographique qui a fait que la saga Hunger Games a pu solidement ancré son impact culturel sur les deux dernières décennies, aussi bien du côté de la littérature que d'un septième art où une énorme vague d'histoires dystopiques lui ont emboîtés le pas, sans pour autant la surpasser (de son univers intelligemment structuré à sa manière de subvertir quelques tropes faciles, tout en restant vissée sur ses adolescents condamnés mais n'abdiquant jamais face à l'adversité).

À tel point que la saga a presque ouvert le bal pour mieux le clôturer avec son final scindé en deux parties - comme Harry Potter -, tant ce sous-genre du teen movie est vite arrivé à saturation, faute d'innovation.

Copyright Metropolitan FilmExport

Avec quasiment 3 milliards de dollars de recettes au B.O. mondial (2,97 milliards pour être précis), il était quand-même dur pour Lionsgate de laisser sa poule aux oeufs d'or dormir comme Bébé dans un coin, d'autant qu'un quatrième bouquin, La ballade du serpent et de l'oiseau chanteur, toujours écrit par Suzanne Collins - le plus long de la saga -, était sortie dans les librairies en mai 2020.
Prequel chapeauté par le réalisateur maison de la saga, Francis Lawrence, qui se paye le pari audacieux de faire du protagoniste principal, l’antagoniste de la trilogie originale - Coriolanus Snow -, dans une origin story qui n'en est finalement pas totalement une, mais qui use une nouvelle fois avec intelligence, des deux thèmes majeurs de la saga : l'oppression (et son radicalisme) et la rébellion, les inégalités confrontées à l'autoritarisme et la lutte des classes qui en découle, où comment user de la dystopie YA pour refléter les angoisses modernes.

Le parallèle constant entre ce prequel et le premier Hunger Games est d'ailleurs des plus pertinents, non seulement pour scruter l'évolution de Snow sur l'espace de six décennies (d'un jeune homme aussi ambitieux et rusé qu'il est finalement inoffensif, à un politicien endurci, acharné et profondément cruel, nourrit par sa détermination et l'humiliation), que celle des Jeux eux-mêmes, véritable punition brutale pour les factions rebelles, portée par les mêmes règles (24 mômes, traités ici comme du bétail que l'on amène à l'abattoir, et toujours appelés à s'entre-tuer) mais définitivement moins spectaculaires et populaires, même dans un Capitole las de la guerre et en pleine reconstruction.

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Et c'est, sans aucun doute, l'une des plus belles réussites de ce nouvel opus, croquer dans un premier temps cette vision des Jeux dépouillés de leurs ornements criards et glamour (aucun défilés d'hommage, aucun costumes fantaisistes ou aucun exercices d'entra, à la fois brutaux, crus et émotionnellement douloureux, catapulté non pas dans un cadre moderne et élégant, mais bien dans un univers sensiblement rétro-futuriste et marqué par la guerre, où les affrontements se font dans un stade abandonné, une arène désenchantée où les adolescents se matraquent, se déchirent, s'empoisonnent, se poignardent comme des gladiateurs d'un autre temps.
Puis, dans le même mouvement, inverser la perspective originale en faisant de Snow (un Tom Blyth tout en nuances) un anti-héros/outsider du Capitole faussement sympathique, un manipulateur charmant et vénéneux qui serait presque empathique, avant que son glissement vers la violence et la haine, que son acceptation de sa nature égoïste et machiavélique, ne soit totale.

Sa sombre odyssée pleine d'ambition désespérée face à une aristocratie élitiste et méprisante, pour retrouver le statut, l'honneur et la richesse passée de sa famille, appuie pleinement les valeurs d'une société fasciste ou la trahison est la seule voie validée de la survie et du triomphe.
Et cela ressent même dans la relation qu'il tisse avec sa tribut Lucy Gray Baird (une Rachel Zegler convaincante malgré une écriture maladroite, ce qui tranche une nouvelle fois avec les figures féminines fortes de la trilogie originale), fleur fragile mais point délicate, un véritable micmac de contradictions où elle incarne à la fois son billet pour une vie meilleure, mais aussi un test extrême pour son altruisme, peu prompt à tout sacrifier pour elle.

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On est donc loin de la ponction artificielle et prétexte, pour prolonger plus que de raison une saga morte de sa belle mort, c'est un vrai retour solide et intelligent au cœur de Panem en trois parties bien distinctes (les deux premières étant particulièrement réussies), même jusque dans sa galerie de personnages secondaires, Hunter Schafer en douce boussole morale de Snow, à un Jason Schwartzman qui renoue avec la folie du Caesar Flickerman de Stanley Tucci, en passant par une Viola Davis savoureusement machiavélique et un Peter Dinklage plus obscur qu'à l'accoutumée (deux figures matures dont les idéologies contraires, nourrissent et répondent pleinement aux thèmes de cet opus).

Plus sombre et glacial, (même avec son riff à la Roméo et Juliette) mais surtout beaucoup plus politique que ses aînés (tant on assiste pleinement ici à la naissance et à l'institutionnalisation de la mécanique propagandiste, usée par un pouvoir autoritaire pour faire que l'inégalité reste la norme), dommage dès lors que son dernier acte semble trop précipité pour son bien (ce qui atteint un peu l'évolution même de Snow, jusque-là subtile), tant cette ballade du serpent et de l'oiseau chanteur peut intimement se voir comme le meilleur film de la saga, derrière L'Embrasement.


Jonathan Chevrier