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[SƎANCES FANTASTIQUES] : #85. In The mouth of madness

© 1994 New Line Cinema. All rights reserved.

Parce que les (géniales) sections #TouchePasAMes80s et #TouchePasNonPlusAMes90s, sont un peu trop restreintes pour laisser exploser notre amour du cinéma de genre, la Fucking Team se lance dans une nouvelle aventure : #SectionsFantastiques, ou l'on pourra autant traiter des chefs-d'œuvres de la Hammer que des pépites du cinéma bis transalpin, en passant par les slashers des 70's/80's (et même les plus récents); mais surtout montrer un brin la richesse des cinémas fantastique et horrifique aussi abondant qu'ils sont passionnant à décortiquer. Bref, veillez à ce que les lumières soient éteintes, qu'un monstre soit bien caché sous vos fauteuils/lits et laissez-vous embarquer par la lecture nos billets !



#85. L'Antre de la Folie de John Carpenter (1994)

Fort d'une reconnaissance avérée et d'une carrière déjà longue de deux décennies à l'époque, c'est en 1994 que John Carpenter se penche enfin sur des œuvres plus personnelles tout en creusant son genre de prédilection; l'horreur. Particulièrement inspiré par H.P. Lovecraft, écrivain américain connu pour ses récits fantastiques et dont les protagonistes mettent toujours en péril leur santé mentale, il va entreprendre de cerner Lovecraft sans pour autant l'adapter.

C'est dans cette démarche que naîtra l'excellent L'Antre de la Folie (In the Mouth of Madness version original), film majeur du réalisateur à l'intelligence folle qui clôture sa « Trilogie de l'Apocalypse » les deux premiers volets étant The Thing et Prince des ténèbres, respectivement sortis en 1982 et en 1987.

© 1994 New Line Cinema. All rights reserved.

Nous y suivons John Trent (Sam Neil) un enquêteur des fraudes à l'assurance chargé de retrouver Sutter Cane (Jürgen Prochnow), écrivain émérite disparu juste avant la sortie de son prochain roman. Celui n'est d'ailleurs pas sans rappeler Stephen King notamment cité dans le film et déjà adapté en 1983 par Carpenter avec le film Christine tiré du roman du même nom. Son enquête mènera Trent dans une réalité subversive où les livres de Cane prennent vie et le plongeront dans une folie insidieuse.
La première partie du film repose essentiellement sur le sentiment permanent d'insécurité transmis au spectateur en le perdant sous une masse de situations dérangeantes. À ce stade, le Mal s'est déjà immiscé subtilement dans nos esprits et s'y installe jusqu'au point de non-retour. C'est dans cette transition que la fiction deviendra la réalité.

Nous arrivons à Hobb's End, petit village qui semble tout droit sorti des œuvres de Cane et où tous les détails ou presque vous conduisent à croire que vous êtes dans ses livres. Le personnage de Trent totalement affecté par le syndrome de Scully (terme souvent utiliser pour décrire le scepticisme d'un personnage face à la véracité des faits et qui fait référence à l'agent Dana Scully de la série X-Files, ndlr), se perd en justifications fortuites jusqu'à ce que l'évidence devienne inéluctable. Il va devoir accepter que chaque centimètre de Hobb's End respecte scrupuleusement les récits de Cane et le conduisent vers un destin sinistre et infaillible.

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La force de cette scène réside dans le fait que le spectateur ne sait plus s’il regarde le film ou s’il lit un roman. La perfection de l'image, des plans et la direction des acteurs sont tels que si l’œuvre était écrite, notre imaginaire de lecteur nous livrerait la même représentation des lieux, des saveurs et les mêmes sentiments. Absorbé par une sensation de malaise profond, on a la sensation d'être transporté à travers l'écran et de devenir acteur de cette scène. Transcendé, dissocié entre l'évidence et l'appréhension, on a envie d'en voir plus, d'en « lire » plus.

On dit qu'adapter une œuvre littéraire au cinéma est presque impossible et toujours largement critiqué et ce notamment par le simple fait que les deux supports sont antagonistes dans leur utilisation première. On peut d'ailleurs ajouter que même en cas d'adaptation précise et valable, il ne faut jamais oublier que le réalisateur s’approprie lui aussi un écrit et adapte sa version de l’œuvre à partir de ses sentiments et de son ressenti.
Et même si ici Carpenter n'adapte aucune œuvre précise, il transpose à la perfection la façon de voir et de penser de H.P. Lovecraft en sachant lire entre ses mots et en livrant les mécanismes de pensée de l'auteur. Jamais aucune tentative d'adaptation de l'auteur au cinéma (NecronomiconRe-Animator,...) n’a été si proches de son Œuvre.

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Le spectateur en ressort changé, touché, se questionnant sur qui détient la vérité ou quelle est la limite de la croyance des supports populaires. En laissant résonner sa doctrine de la vie imitant l'art, l'art imitant la vie, Carpenter signe avec L'Antre de la Folie, l'une des œuvres cinématographiques les plus intéressantes qui soit et probablement l'une des meilleures œuvres littéraires qui aurait pu être.
Qui n'a jamais rêvé de voir un film comme un livre ? Carpenter l'a fait.


Jess

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