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[CRITIQUE] : How to have sex


Réalisatrice : Molly Manning Walker
Avec : Mia McKenna-Bruce, Samuel Bottomley, Lara Peake, …
Distributeur : Condor Distribution
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Britannique, Grec.
Durée : 1h28min

Synopsis :
Prix Un Certain Regard au Festival de Cannes 2023

Afin de célébrer la fin du lycée, Tara, Skye et Em s'offrent leurs premières vacances entre copines dans une station méditerranéenne ultra fréquentée. Le trio compte bien enchaîner les fêtes, cuites et nuits blanches, en compagnie de colocs anglais rencontrés à leur arrivée. Pour la jeune Tara, ce voyage de tous les excès a la saveur électrisante des premières fois… jusqu'au vertige. Face au tourbillon de l'euphorie collective, est-elle vraiment libre d'accepter ou de refuser chaque expérience qui se présentera à elle ?


Critique :


Il existe de ces films dont on peut aisément confondre la fiction avec notre propre réalité. How to have sex, le premier long métrage de la réalisatrice britannique Molly Manning Walker, montre des vacances entre copines empreintes de la culture du viol. De nombreuses femmes pourront associer leur vécu avec ce qui se passe à l’écran.

Projeté en avant-première lors de la huitième édition du Festival du Film de Fesses, le film, qui a obtenu le Prix Un Certain Regard en mai dernier, fait comme un écho aux œuvres de Kechiche. Le monde si brute, si sensuel, plein de sable, de sexe et de jeunesse des films du cinéaste a une saveur intemporel qui renvoie à une certaine insouciance, à une certaine idéalisation aussi. Molly Manning Walker propose de gratter le vernis idyllique pour mieux se rendre compte que, derrière l’imaginaire cinématographique, se cache une réalité beaucoup plus sombre.

Copyright Condor Distribution

La première partie du film est comme un marathon qu’on n’aurait pas eu le temps de préparer. Trois amies, Tara, Skye et Em, se retrouvent dans une station balnéaire où des jeunes gens viennent fêter dignement leurs vacances. Un spring break anglais avec tout ce qu’on lui associe : alcool, drogue, sexe, dans un esprit de lâcher prise et de liberté assumée. Avant qu’on ait le temps de respirer, les personnages nous entraînent dans leur première soirée et se retrouvent vite ivres, mais heureuses de vivre cette expérience. Chacune essaie d’oublier le futur (proche) et les résultats de leurs examens, qui détermineront leur avenir. Tara a un but supplémentaire : perdre sa virginité pendant le voyage. Les trois amies le prennent à la rigolade, ce serait dommage de commencer sa vie d’adulte sans avoir eu de relations sexuelles en premier lieu ! Mais la pression sociale pointe finalement le bout de son nez. La virginité de Tara devient vite une épée de Damoclès, lorsque Skye y fait allusion parmi des garçons rencontrés il y a peu.

On suit avec plaisir cette explosion de jeunesse, où l’insouciance et le besoin de plaire priment sur tout. La (les !) fête bat son plein, l’alcool coule à flot, les corps se frottent, la sueur se mêle au désir. Cependant, la réalisatrice nous met constamment face à la réalité. L'insistance de Em à ce que chacune d’elles ne partent jamais de leur chambre sans leur portable. Les jeux sexuels qui célèbrent la soumission des femmes et la virilité des hommes. Les comportements déplacés des hommes, sous couvert de l’amusement et de l’alcool. How to have sex nous rappelle une chose terrible : quand les hommes s’amusent, les femmes doivent faire gaffe. Dans un monde fait d’injonctions, l’insouciance est mise à mal, vite remplacée par la pression sociale. Une pression principalement vécue par les personnages féminins dans le film, qui doivent toujours être bien apprêtées, maquillées, prêtes à flirter et à faire plaisir. Badger, seul personnage masculin à sentir le décalage entre son comportement et la réalité, n’ose rien dire cependant quand Tara lui oppose un regard plus dur sur son ami, Paddy. “Il est toujours comme ça, c’est un ami d’enfance” trouve-t-il seulement à dire, ou comment annoncer à demi-mot “je sais mais je ne dirais rien”.

Copyright Nikolopoulos Nikos

How to have sex bascule presque dans le thriller psychologique dans sa deuxième partie, tant la tension de Tara autour de ses premières expériences sexuelles (suffocantes séquences) prend le pas sur la fête. Comme si son corps ne lui appartenait plus. Le plus terrible, c’est l’accord tacite que signe cette jeunesse pendant ces vacances, où les femmes “prêtent” leur corps à la merci des hommes, à leur regard, à leur jeux, avec l’obligation “d’aimer ça”, sans que leur plaisir ou, le plus important leur consentement, les intéressent. Le plus terrible c’est, sans qu’aucun mot ne soit prononcé, Em comprend ce que Tara ne peut lui dire. Comme une fin du monde, la réalisatrice filme la rue vide, véritable cataclysme de lendemain de soirée, quand Tara rentre chez elle après une première nuit fatidique. La fin de son insouciance. Une sorte de walk of shame, mais ce que nous dit la cinéaste britannique, avec pédagogie, avec force, c’est que cette honte n’est plus la nôtre. Elle est celle des agresseurs et de leurs complices tacites.


Laura Enjolvy


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