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[TOUCHE PAS NON PLUS À MES 90ϟs] : #141. Assassins

© WARNER BROS / SILVER PICTURES

Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 90's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 90's c'était bien, tout comme les 90's, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, prenez votre ticket magique, votre spray anti-Dinos et la pillule rouge de Morpheus : on se replonge illico dans les années 90 !



#141. Assassins de Richard Donner (1995)

Sacrée aventure que celle vécue par Assassins de Richard Donner, dont la vie post-production est devenue bien plus légendaire que le film en lui-même, honnête bisserie qui aurait pourtant pu prétendre à mieux tant elle est passée respectivement entre les plumes des soeurs Wachowski (qui, suite aux nombreuses réécritures, ont voulu retirer leurs noms du générique) et de Brian Helgeland, mais aussi entre les caméras de Joe Johnston (qui voyait Arnold Schwarzenegger et Wesley Snipes en vedette... pourquoi pas) et d'un Richard Donner qui avait d'autres idées de casting en tête : Mel Gibson - parti tourné Braveheart -, Michael Douglas et Sean Connery pour le rôle de Robert Rath, et Christian Slater - booké sur Broken Arrow -, Woody Harrelson où même Tom Cruise pour ce qui deviendra le personnage de Miguel Bain.

Une aventure presque banale au sein d'une Hollywood où les projets naissent, renaissent et meurt parfois plus vite que leurs ombres, mais elle est in fine symptomatique d'une époque où l'on ne savait plus vraiment que faire des actionners musclés tout  comme de ses portes étendards, qui commençaient gentiment mais sûrement à disparaître sous la pression imposante d'une nouvelle figure héroïque, à collants et plus prompte à jouer avec les fonds verts.

© WARNER BROS / SILVER PICTURES

Pourtant, Assassins regorge de vraies qualités dans son mélange maladroit entre l'actionner pépère du dimanche (avec une action frénétique plutôt bien emballée, entre deux, trois gros plans plombants sur des visages ancieux) et le thriller un brin mou du genou (qui rappelle dans sa lenteur sûre, le sympathique Complots sorti deux ans plus tard, également signé par Donner et avec une nouvelle fois Helgeland au scénario), notamment une première demie heure à l'efficacité redoutable, installant avec solidité les enjeux d'un affrontement Rath vs Bain alléchant sur le papier, entre la maturité sûre d'un ancien du métier prêt à raccrocher, et la fougue imprévisible et plus brutale encore d'un jeunot tellement décidé à faire ses preuves, qu'il veut sauter les étapes en faisant la peau au meilleur du business.
Le tout culminant à une excellente balade en taxi à la tension galopante, première étape d'un jeu d'échecs que l'on espérait avancer crescendo jusqu'au money time.

Le hic, c'est que la péloche voit plus/trop grand et rajoute dans son équation une " cible ", Electra, qui va autant pimenter les débats que méchamment les refroidir, la faute à une écriture tiède qui sépare le tandem d'assassins pour mieux les réunir dans un climax visant à reproduire le trauma du premier (il a assassiné, où plutôt pense l'avoir fait, son meilleur ami pour être le numéro un du business) pour mieux adouber le second (reproduire le même meurtre pour à son tour être le numéro un, comme un passage obligé).

© WARNER BROS / SILVER PICTURES

Dite cible campée par une Julianne Moore sympathique même si un brin à la ramasse, pas aidée par un personnage trouble, à la fois cyber-haqueuse/experte en surveillance flirtant avec la criminalité pour quelques milliers de dollars (rendant encore un peu plus gênante l'utilisation accrue d'une informatique paraissant déjà obsolète même à l'époque), voyeuriste à peine masquée (elle espionne littéralement son couple de voisin), caricature de la célibataire à chat et plus où moins associée de fortune de Rath - heureusement cela dit, qu'elle n'en est pas le love interest.
Sa traque couplée à son association avec l'assassin plombe sensiblement un récit jusqu'ici limpide, Donner tentant péniblement de raccrocher les wagons durant tout le ventre mou qu'incarne le milieu du film, jusqu'au duel final où sa présence s'avérera in fine plus décisive que jamais.

Dommage d'ailleurs, tant Stallone s'essayait pour la première fois à un rôle plus ambiguë (même s'il recyclait un brin ses partitions de Cliffhanger et L'Expert), celle d'un assassin vaguement déconnecté qui a certes des principes (on ne tue pas une femme sans défense, ni son chat), mais qui assassine avant tout pour l'argent, quitte à sacrifier son meilleur ami.
On est loin de la face sombre d'un John Rambo certes mais il y avait une jolie matière à faire plus, ce qui sera plus où moins (surtout moins) creusé dans le DTV-esque Du plomb dans la tête, croqué à la va-vite par un Walter Hill en charentaises.

© WARNER BROS / SILVER PICTURES

Idem pour Banderas, encore à cheval entre son côté hispanico-imprévisible - notamment chez Almodovár - et sa transformation en action man charmeur (finalement avorté) après le succès populaire du Desperado de Robert Rodriguez, qui fait preuve néanmoins d'un vrai savoir-faire dans le cabotinage de compétition (lui qui masque habilement son malaise dans les longues séquences de dialogues loin de sa langue maternelle), rendant étonnamment la pareille à un Sly avec qui l'alchimie est savoureusement électrique - à tel point qu'on en sort presque frustré du manque d'empoignades musclées entre eux.

Si le film aurait pu s'avérer bien moins conventionnel (notamment via les questions d'identités qu'abordait le script des Wachowski, que ce soit pour les deux assassins et même Electra, dont l'attirance pour sa voisine - qui justifiait son voyeurisme - était résolument plus marquée; la présence des échecs et son obsession par Rath, plus méchant et moins en maîtrise de ses actes, était encore plus métaphorique,...), il n'en reste pas moins un sympathique ersatz du Flingueur sans excès mais efficace, du Sly des 90s : pas toujours fin mais qui, pour ses fans les plus dévoués - dont nous - se regarde sans faim.


Jonathan Chevrier