[CRITIQUE] : Retour à Séoul
Réalisateur : Davy Chou
Acteurs : Park Ji-min, Oh Kwang-rok, Guka Han, Kim Sun-young, Yoann Zimmer, Louis-Do de Lencquesaing,...
Distributeur : Les Films du Losange
Genre : Drame.
Nationalité : Belge, Français, Allemand, Qatari,
Durée : 1h59min
Synopsis :
Sur un coup de tête, Freddie, 25 ans, retourne pour la première fois en Corée du Sud, où elle est née. La jeune femme se lance avec fougue à la recherche de ses origines dans ce pays qui lui est étranger, faisant basculer sa vie dans des directions nouvelles et inattendues.
Critique :
Parmi toutes les fonctions qu'elle peut avoir, l'image a cette capacité de révéler des choses que les mots ne peuvent exprimer. De trouver des sentiments, des sensations, des états qui étaient jusque là invisibles. Davy Chou a cette caractéristique dans son cinéma. Déjà avec son premier long-métrage, le documentaire Le sommeil d'or, le cinéaste a cette intention de creuser dans le passé, pour explorer quelque chose qui manque. Avec Retour à Séoul, il est à nouveau dans cette recherche, pour compléter un tableau comportant des zones d'ombres. Son troisième film parle de l'adoption en Corée du Sud : depuis les années 1970, des enfants coréens sont envoyés un peu partout en Occident pour être adoptés. Frédérique, ou Freddie comme tout le monde la surnomme dans le film, en fait partie. A 25 ans, elle souhaite faire un voyage au Japon mais son vol est annulé et finit par atterrir en Corée du Sud. Elle y arrive comme touriste, juste pour visiter, pendant deux semaines. Mais avec un concours de circonstances, elle rencontre Tena qui lui évoquera l'existence d'un institut qui lui permettrait de retrouver ses parents biologiques.
Les premiers mots du film sont un échange entre Freddie et la réceptionniste d'un hôtel, celle-ci lui disant en premier « Bienvenue ». La notion d'accueil est très importante dans le film de Davy Chou, car la protagoniste ne connaît absolument rien de la Corée du Sud, ni même de la langue. Tout comme elle n'avait pas prévu du tout de prendre ce chemin pour prendre contact avec ses parents biologiques. Au lieu de déambuler seule comme l'avait prévu, elle se retrouve donc accompagnée et épaulée dans ce nouveau chemin. En allant explorer les fantômes du passé de Freddie, en cherchant les pièces manquantes à son identité, le cinéaste révèle petit à petit une solitude jusque là contenue fortement. Celle qui, à force d'être sollicitée et d'être ramenée à un état de conscience, se transforme en chaos. Parce que si la mise en scène montre une errance dans les rues, les clubs et les restaurants de Séoul, c'est aussi un égarement interne. Le corps exacerbe ce que l'esprit essaie de combattre. C'est ce qui rend le voyage de Freddie, dans ce nouveau chemin, totalement imprévisible.
L'importance des images comme filtre révélateur de l'invisible prend son sens ici même, dans le dépaysement qui entoure la protagoniste. Retour à Séoul est proche d'un film d'humeurs, basé sur les états d'âmes des personnages. Et surtout sur ceux des plus perdus émotionnellement, comme Freddie ou son père biologique. La construction s'effectue sur différentes couleurs, que ce soient via des rencontres un peu éparpillées (à Séoul ou à Gunsan) ou via des moments suspendus (comme des repas, des nuits à s'amuser, etc). La narration et le montage se concentrent sur les sentiments, en se focalisant sur les moments les plus brûlants de ce parcours qui s'ouvre. Comme si Freddie était balancée de moments de vie en moments de vie, d'éléments fondateurs en éléments fondateurs, où chaque scène pourrait être un basculement chaotique. C'est un film d'humeurs car chaque scène surgit en rapport avec une fragilité instantanée, comme si Freddie changeait de peau constamment. Elle se façonne une armure face ce voyage imprévisible, face à cette vie qui n'avait pas demandé à être bouleversée. Dès lors que la prise de contact a été exécutée avec le père biologique, elle semble absorbée entièrement par cette esthétique de la modernité. Il y a les ellipses qui la transporte et la transforme, il y a des rencontres et des moments de vie qui pourraient être des mirages, et il y a ce paysage environnant qui fabrique sa propre digression (celui dont Freddie dit « c'est toxique pour moi » en parlant de Séoul).
Davy Chou utilise même la musique pour renforcer le mystère qui entoure le caractère éphémère des sentiments. Chaque fragment de vie dans cette Corée du Sud n'est jamais solaire ou obscur, mais toujours très sensible sous le regard du cinéaste. Il s'agit de trouver le juste milieu entre le chaos et la pudeur de la (dé)construction. Parce qu'effectivement, il ne s'agit pas que de construire sur les zones d'ombres, mais aussi de déconstruire une âme qui pensait être complète. Le cinéaste ne juge jamais aucun de ses personnages, même lorsqu'ils cherchent à forcer Freddie de rester. Il ne cherche pas non plus l'excès dans le chaos qui peut s'installer dans la digression. Toute la mise en scène dans ces fragments éphémères est faite de confrontation mélancolique avec les origines, avec une culture, avec cet environnement étranger. Les humeurs s'y enchaînent dans un système où l'âme s'échappe, s'approprie, fantasme et bouscule tout ce qu'elle rencontre. C'est une mise en scène du tâtonnement, où chaque flottement consiste à être absorbé par l'électricité et l'énergie de la ville. Freddie se laisse embarquer dedans dans un mouvement permanent, malgré sa solitude, comme dans un envoûtement illuminé. Celui où une jeunesse déracinée et perdue cherche un sens à la vie.
Teddy Devisme
Acteurs : Park Ji-min, Oh Kwang-rok, Guka Han, Kim Sun-young, Yoann Zimmer, Louis-Do de Lencquesaing,...
Distributeur : Les Films du Losange
Genre : Drame.
Nationalité : Belge, Français, Allemand, Qatari,
Durée : 1h59min
Synopsis :
Sur un coup de tête, Freddie, 25 ans, retourne pour la première fois en Corée du Sud, où elle est née. La jeune femme se lance avec fougue à la recherche de ses origines dans ce pays qui lui est étranger, faisant basculer sa vie dans des directions nouvelles et inattendues.
Critique :
Proche d'un film d'humeurs basé sur les états d'âmes de ses personnages, #RetourÀSéoul est une errance captivante dans les rues de Séoul où le corps exacerbe ce que l'esprit veut combattre, où l'importance des images se fait un filtre révélateur de l'invisible. (@Teddy_Devisme) pic.twitter.com/MLzPNoR02U
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) January 20, 2023
Parmi toutes les fonctions qu'elle peut avoir, l'image a cette capacité de révéler des choses que les mots ne peuvent exprimer. De trouver des sentiments, des sensations, des états qui étaient jusque là invisibles. Davy Chou a cette caractéristique dans son cinéma. Déjà avec son premier long-métrage, le documentaire Le sommeil d'or, le cinéaste a cette intention de creuser dans le passé, pour explorer quelque chose qui manque. Avec Retour à Séoul, il est à nouveau dans cette recherche, pour compléter un tableau comportant des zones d'ombres. Son troisième film parle de l'adoption en Corée du Sud : depuis les années 1970, des enfants coréens sont envoyés un peu partout en Occident pour être adoptés. Frédérique, ou Freddie comme tout le monde la surnomme dans le film, en fait partie. A 25 ans, elle souhaite faire un voyage au Japon mais son vol est annulé et finit par atterrir en Corée du Sud. Elle y arrive comme touriste, juste pour visiter, pendant deux semaines. Mais avec un concours de circonstances, elle rencontre Tena qui lui évoquera l'existence d'un institut qui lui permettrait de retrouver ses parents biologiques.
Copyright Les Films du Losange |
Les premiers mots du film sont un échange entre Freddie et la réceptionniste d'un hôtel, celle-ci lui disant en premier « Bienvenue ». La notion d'accueil est très importante dans le film de Davy Chou, car la protagoniste ne connaît absolument rien de la Corée du Sud, ni même de la langue. Tout comme elle n'avait pas prévu du tout de prendre ce chemin pour prendre contact avec ses parents biologiques. Au lieu de déambuler seule comme l'avait prévu, elle se retrouve donc accompagnée et épaulée dans ce nouveau chemin. En allant explorer les fantômes du passé de Freddie, en cherchant les pièces manquantes à son identité, le cinéaste révèle petit à petit une solitude jusque là contenue fortement. Celle qui, à force d'être sollicitée et d'être ramenée à un état de conscience, se transforme en chaos. Parce que si la mise en scène montre une errance dans les rues, les clubs et les restaurants de Séoul, c'est aussi un égarement interne. Le corps exacerbe ce que l'esprit essaie de combattre. C'est ce qui rend le voyage de Freddie, dans ce nouveau chemin, totalement imprévisible.
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L'importance des images comme filtre révélateur de l'invisible prend son sens ici même, dans le dépaysement qui entoure la protagoniste. Retour à Séoul est proche d'un film d'humeurs, basé sur les états d'âmes des personnages. Et surtout sur ceux des plus perdus émotionnellement, comme Freddie ou son père biologique. La construction s'effectue sur différentes couleurs, que ce soient via des rencontres un peu éparpillées (à Séoul ou à Gunsan) ou via des moments suspendus (comme des repas, des nuits à s'amuser, etc). La narration et le montage se concentrent sur les sentiments, en se focalisant sur les moments les plus brûlants de ce parcours qui s'ouvre. Comme si Freddie était balancée de moments de vie en moments de vie, d'éléments fondateurs en éléments fondateurs, où chaque scène pourrait être un basculement chaotique. C'est un film d'humeurs car chaque scène surgit en rapport avec une fragilité instantanée, comme si Freddie changeait de peau constamment. Elle se façonne une armure face ce voyage imprévisible, face à cette vie qui n'avait pas demandé à être bouleversée. Dès lors que la prise de contact a été exécutée avec le père biologique, elle semble absorbée entièrement par cette esthétique de la modernité. Il y a les ellipses qui la transporte et la transforme, il y a des rencontres et des moments de vie qui pourraient être des mirages, et il y a ce paysage environnant qui fabrique sa propre digression (celui dont Freddie dit « c'est toxique pour moi » en parlant de Séoul).
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Davy Chou utilise même la musique pour renforcer le mystère qui entoure le caractère éphémère des sentiments. Chaque fragment de vie dans cette Corée du Sud n'est jamais solaire ou obscur, mais toujours très sensible sous le regard du cinéaste. Il s'agit de trouver le juste milieu entre le chaos et la pudeur de la (dé)construction. Parce qu'effectivement, il ne s'agit pas que de construire sur les zones d'ombres, mais aussi de déconstruire une âme qui pensait être complète. Le cinéaste ne juge jamais aucun de ses personnages, même lorsqu'ils cherchent à forcer Freddie de rester. Il ne cherche pas non plus l'excès dans le chaos qui peut s'installer dans la digression. Toute la mise en scène dans ces fragments éphémères est faite de confrontation mélancolique avec les origines, avec une culture, avec cet environnement étranger. Les humeurs s'y enchaînent dans un système où l'âme s'échappe, s'approprie, fantasme et bouscule tout ce qu'elle rencontre. C'est une mise en scène du tâtonnement, où chaque flottement consiste à être absorbé par l'électricité et l'énergie de la ville. Freddie se laisse embarquer dedans dans un mouvement permanent, malgré sa solitude, comme dans un envoûtement illuminé. Celui où une jeunesse déracinée et perdue cherche un sens à la vie.
Teddy Devisme