[CRITIQUE] : Les repentis
Réalisateur : Iciar Bollain
Acteurs : Blanca Portillo, Luis Tosar, Maria Cerezuela, Urko Olazabal,...
Distributeur : Epicentre Films
Budget : -
Genre : Drame, Biopic.
Nationalité : Espagnol.
Durée : 1h56min.
Synopsis :
L’histoire réelle de Maixabel Lasa, la veuve de Juan Maria Jauregui, un homme politique assassiné par l’organisation terroriste ETA en 2000. Onze ans plus tard, l’un des auteurs du crime qui purge sa peine en prison demande à la rencontrer, après avoir rompu ses liens avec le groupe terroriste.
Critique :
Un film sur l'assassinat du politicien basque Juan Maria Jauregui pourrait être un thriller politique, avec toute la dimension historique que cela implique. Sauf que la cinéaste Iciar Bollain n'a pas l'intention de faire un portrait de l'Espagne, ni une exploration de la région basque espagnole, ni même de se focaliser sur la partie politique. Le récit se déroule en trois temps. Il y a d'abord le contexte, en Juillet 2000, où le mari de Maixabel Lasa se fait assassiner. A ce moment, la famille du politicien profite de la vie, tandis que les coupables prennent la fuite. Dès lors, la cinéaste fait comprendre par le montage qu'il y aura deux points de vue. Dans lesquels se succèdent deux sauts dans le temps : d'abord en 2004 pour le procès, puis en 2010 où l'intrigue et le sujet du film démarrent véritablement. Le titre original (Maixabel) et le titre français (Les repentis) montrent très bien la dichotomie : à chaque temporalité, à chaque événement du récit, il y a le parcours de Maixabel Lasa et celui de Ibon Etxezarreta. L'une est victime (veuve) et l'autre est coupable (de l'assassinat). Les repentis fonctionne alors comme une double chronique, toutes deux centrées sur le pardon, la réconciliation, la remise en question.
Deux parcours mis en miroir pour suivre leur psychologie respective, entre la rédemption et l'apprentissage d'une nouvelle vie. Mais c'est aussi l'histoire d'une fille. En arrière-plan de ces deux chroniques, il y a Maria Jauregui : sa vie qui se construit dans l'ombre, avec toujours la même peine et la même crainte. La volonté de rester proche de sa mère, celle de ne pas quitter cet endroit pourtant rempli de douleurs, sont des détails qui donnent une perspective à l'ensemble. Maria est même le point d'ancrage de chaque psychologie : Ibon qui hésite à rencontrer Maixabel par peur de la réaction de la famille, et elle qui doit faire avec la divergence de sa fille. Pourtant, les deux parcours finiront par se rejoindre. Sauf que la mise en miroir ne révèle pas grand chose, ne va jamais au cœur des émotions et des personnages. Tout le cheminement qui mène à la rencontre n'est fait que d'hésitations, que ce soit pour les personnages ou même pour la cinéaste. A force de tout miser sur la parole, sur les interactions entre personnages, Les repentis oublie que la psychologie n'est pas que des états d'âmes. Surtout au cinéma. La parole occupe bien trop de place, surtout lorsqu'elle s'étire et se répète. Parce qu'à force d'hésitations, les personnages stagnent et leur rapport à leur environnement également.
Alors que le temps progresse et que les personnages secondaires font leur vie, comme Maria (le personnage le plus intéressant du film, qui aurait été mérité une plus grande place et importance), Maixabel et Ibon sont coincés dans les questions posées par la cinéaste. Ainsi, Iciar Bollain ne fait que dessiner les contours de ses personnages et de leur parcours, sans jamais véritablement y pénétrer. Le peu d'intimité disponible pour chacun ne permet pas de comprendre leur complexité, ni ce qui les a poussé à en arriver à ces raisonnements. Contrairement à la séquence finale qui n'a pas besoin de beaucoup de mots, mais d'une mise en scène du regard et de la stupeur, l'ensemble du film manque cruellement de perspectives. Toujours trop illustratif, voire vain, Les repentis n'arrive jamais à sortir des limites de son cadre théorique. Les deux protagonistes sont certes seuls dans leurs pensées et leur parcours, mais ils ne sont jamais connectés à leur quotidien. A aucun moment Iciar Bollain n'explore comment leur environnement est affecté, comment le paysage social est transformé. Comme si la psychologie des protagonistes consisterait à poser constamment des questions, sans jamais chercher leurs ressentis à travers elles.
Même une scène censée être remplie d'émotions, où Maixabel et sa fille Maria reviennent sur les lieux du crime, est dénuée de sensibilités au profit d'un dialogue qui n'a rien à ajouter aux précédents. Tous les espaces sont aussi figés les uns que les autres, comme s'il n'y avait plus rien de vivant à l'intérieur. Les protagonistes existent uniquement à travers leur objectif, et dans les étapes de leur parcours. La mise en scène de Iciar Bollain semble être constamment en attente : les personnages sont tellement enfermés dans leur condition (la veuve qui cherche à avancer, l'assassin repenti qui cherche la réconciliation), qu'ils ne semblent jamais affectés par l'environnement dans lequel ils évoluent. Alors que l'ETA continue d'exercer ses violences et ses menaces, alors que la confusion est censée régner, le film reste aux abords, aux contours. La fausse complexité des psychologies entraîne une atmosphère qui se cache, qui refuse de voir les zones d'ombres. C'est alors que les personnages avancent dans le vide, aveuglément, laissés au rang de symboles théoriques.
Teddy Devisme
Acteurs : Blanca Portillo, Luis Tosar, Maria Cerezuela, Urko Olazabal,...
Distributeur : Epicentre Films
Budget : -
Genre : Drame, Biopic.
Nationalité : Espagnol.
Durée : 1h56min.
Synopsis :
L’histoire réelle de Maixabel Lasa, la veuve de Juan Maria Jauregui, un homme politique assassiné par l’organisation terroriste ETA en 2000. Onze ans plus tard, l’un des auteurs du crime qui purge sa peine en prison demande à la rencontrer, après avoir rompu ses liens avec le groupe terroriste.
Critique :
A force de tout miser sur la parole, sur les interactions entre personnages, #LesRepentis oublie que la psychologie n'est pas que des états d'âmes. Toujours trop illustratif, voire vain, le film n'arrive jamais à sortir des limites de son cadre théorique. (@Teddy_Devisme) pic.twitter.com/Zq2wX4FI7O
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) October 27, 2022
Un film sur l'assassinat du politicien basque Juan Maria Jauregui pourrait être un thriller politique, avec toute la dimension historique que cela implique. Sauf que la cinéaste Iciar Bollain n'a pas l'intention de faire un portrait de l'Espagne, ni une exploration de la région basque espagnole, ni même de se focaliser sur la partie politique. Le récit se déroule en trois temps. Il y a d'abord le contexte, en Juillet 2000, où le mari de Maixabel Lasa se fait assassiner. A ce moment, la famille du politicien profite de la vie, tandis que les coupables prennent la fuite. Dès lors, la cinéaste fait comprendre par le montage qu'il y aura deux points de vue. Dans lesquels se succèdent deux sauts dans le temps : d'abord en 2004 pour le procès, puis en 2010 où l'intrigue et le sujet du film démarrent véritablement. Le titre original (Maixabel) et le titre français (Les repentis) montrent très bien la dichotomie : à chaque temporalité, à chaque événement du récit, il y a le parcours de Maixabel Lasa et celui de Ibon Etxezarreta. L'une est victime (veuve) et l'autre est coupable (de l'assassinat). Les repentis fonctionne alors comme une double chronique, toutes deux centrées sur le pardon, la réconciliation, la remise en question.
Copyright Epicentre Films |
Deux parcours mis en miroir pour suivre leur psychologie respective, entre la rédemption et l'apprentissage d'une nouvelle vie. Mais c'est aussi l'histoire d'une fille. En arrière-plan de ces deux chroniques, il y a Maria Jauregui : sa vie qui se construit dans l'ombre, avec toujours la même peine et la même crainte. La volonté de rester proche de sa mère, celle de ne pas quitter cet endroit pourtant rempli de douleurs, sont des détails qui donnent une perspective à l'ensemble. Maria est même le point d'ancrage de chaque psychologie : Ibon qui hésite à rencontrer Maixabel par peur de la réaction de la famille, et elle qui doit faire avec la divergence de sa fille. Pourtant, les deux parcours finiront par se rejoindre. Sauf que la mise en miroir ne révèle pas grand chose, ne va jamais au cœur des émotions et des personnages. Tout le cheminement qui mène à la rencontre n'est fait que d'hésitations, que ce soit pour les personnages ou même pour la cinéaste. A force de tout miser sur la parole, sur les interactions entre personnages, Les repentis oublie que la psychologie n'est pas que des états d'âmes. Surtout au cinéma. La parole occupe bien trop de place, surtout lorsqu'elle s'étire et se répète. Parce qu'à force d'hésitations, les personnages stagnent et leur rapport à leur environnement également.
Copyright Epicentre Films |
Alors que le temps progresse et que les personnages secondaires font leur vie, comme Maria (le personnage le plus intéressant du film, qui aurait été mérité une plus grande place et importance), Maixabel et Ibon sont coincés dans les questions posées par la cinéaste. Ainsi, Iciar Bollain ne fait que dessiner les contours de ses personnages et de leur parcours, sans jamais véritablement y pénétrer. Le peu d'intimité disponible pour chacun ne permet pas de comprendre leur complexité, ni ce qui les a poussé à en arriver à ces raisonnements. Contrairement à la séquence finale qui n'a pas besoin de beaucoup de mots, mais d'une mise en scène du regard et de la stupeur, l'ensemble du film manque cruellement de perspectives. Toujours trop illustratif, voire vain, Les repentis n'arrive jamais à sortir des limites de son cadre théorique. Les deux protagonistes sont certes seuls dans leurs pensées et leur parcours, mais ils ne sont jamais connectés à leur quotidien. A aucun moment Iciar Bollain n'explore comment leur environnement est affecté, comment le paysage social est transformé. Comme si la psychologie des protagonistes consisterait à poser constamment des questions, sans jamais chercher leurs ressentis à travers elles.
Copyright Epicentre Films |
Même une scène censée être remplie d'émotions, où Maixabel et sa fille Maria reviennent sur les lieux du crime, est dénuée de sensibilités au profit d'un dialogue qui n'a rien à ajouter aux précédents. Tous les espaces sont aussi figés les uns que les autres, comme s'il n'y avait plus rien de vivant à l'intérieur. Les protagonistes existent uniquement à travers leur objectif, et dans les étapes de leur parcours. La mise en scène de Iciar Bollain semble être constamment en attente : les personnages sont tellement enfermés dans leur condition (la veuve qui cherche à avancer, l'assassin repenti qui cherche la réconciliation), qu'ils ne semblent jamais affectés par l'environnement dans lequel ils évoluent. Alors que l'ETA continue d'exercer ses violences et ses menaces, alors que la confusion est censée régner, le film reste aux abords, aux contours. La fausse complexité des psychologies entraîne une atmosphère qui se cache, qui refuse de voir les zones d'ombres. C'est alors que les personnages avancent dans le vide, aveuglément, laissés au rang de symboles théoriques.
Teddy Devisme