[CRITIQUE] : Ne dis rien
Avec : Morten Burian, Sidsel Siem Koch, Fedja Van Huet,…
Distributeur : Swift Distribution
Budget :
Genre : Épouvante-horreur, Thriller.
Nationalité : Danois, Hollandais.
Durée : 1h37min
Synopsis :
En vacances en Toscane, une famille danoise se lie d’amitié avec une famille néerlandaise, qui quelques mois plus tard les invite à passer un week-end chez eux. Mais ce séjour idyllique où se rencontrent la discrétion et l’extraversion va virer au cauchemar.
Critique :
Pur morceau de terreur psychologique à la lisière du drame social réaliste, imprimé par le sadisme brutal et dérangeant du cinéma d'Haneke, #NeDisRien incarne une impitoyable et déroutante satire sociale autant qu'une étude troublante et fascinante de la psychologie humaine. pic.twitter.com/n9a3OfUXhb
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) September 11, 2022
Il y a un sentiment étrange qui habite les premières minutes du second long-métrage de Christian Tafdrup, Ne dis rien, sorte de farce joyeuse et touristique engoncé dans une bulle illusoire, un mensonge consenti dans lequel peu pourtant naître - au moins en apparence - de belles relations amicales et humaines.
Dans le doux Eden italien qu'est la Toscane, le film narre connection intense et naturelle qui lie une famille néerlandaise a une autre danoise, à tel point qu'elle ne cherche pas à rompre le contact une fois que leurs séjours respectifs se terminent : la première invite la seconde à passer un week-end aux Pays-Bas.
Si tout paraît un brin précipité, c'est sensiblement la peur de rompre avec les convenances de notre société moderne, et le souci de ne pas fragiliser une cordialité tout aussi sacrée, qui pousse à ce que cette proposition ait une issue positive.
Comme prévu, les Danois arrivent chez les Hollandais et, si l'accueil est chaleureux, la - fausse - atmosphère de camaraderie commence gentiment mais sûrement à se dissoudre à la suite d'un léger malentendu qui débouche sur un petit accident...
COURTESY OF SUNDANCE INSTITUTE/ERIK MOLBERG |
Les choses se crispent durement, et l'amitié sincère d'hier dans un territoire neutre laisse place dès lors à un affrontement feutré en terre hostile, où les hôtes font en sorte que leurs invités se sentent comme ils ont toujours été et seront toujours à leur yeux : des étrangers.
À l'instar d'un Ruben Östlund qui pique les dérives de notre société contemporaine pour mieux pointer ses faiblesses dans un ballet absurde et dégénéré où le malaise est - souvent - partout, Tafdrup triture les tensions (économiques, sociales,...) et le clivage culturel balbultiant qui gangrènent l'idée d'une union entre les nations européennes, au coeur d'une étude troublante et fascinante de la psychologie humaine, et notre nature auto-destructrice à nous rendre vulnérables dans une quête désespéré pour éviter toute tension pourtant inévitable.
Mais aux tics d'Östlund, le cinéaste se laisse aller à une violence sourde et dérangeante tout droit sortie des cauchemars sadiques d'Haneke, où les prédateurs jouent avec des proies dans le déni, qui creusent leurs propres tombes par courtoisie forcée, victimes insatisfaites des conventions sociétales qui respectent toujours les règles.
Pur morceau de terreur psychologique à la lisière du drame social réaliste, porté par la photographie froidement distancée d'Erik Molberg Hansen, Ne dis rien est une impitoyable et déroutante satire sociale, intelligemment complexe et au final férocement brutal.
Un uppercut, rien de moins.
Jonathan Chevrier