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[CRITIQUE/RESSORTIE] : La Ricotta


Réalisateur : Pier Paolo Pasolini
Acteurs : Mario Cipriani, Laura Betti, Orson Welles, Tomás Milián,...
Distributeur : Carlotta Films
Budget : -
Genre : Drame, Comédie.
Nationalité : Italien.
Durée : 0h35min.

Date de sortie : 1 décembre 1991
Date de ressortie : 20 juillet 2022

Synopsis :
Stracci, figurant dans une superproduction basée sur la vie du Christ, est chargé d’incarner le troisième larron dans la scène de la crucifixion. En dehors des moments de tournage, il est obsédé par une chose : la nourriture. À tel point qu’il est devenu la risée des autres membres de l’équipe. Stracci profite alors d’une pause pour partir s’acheter une grosse part de ricotta, qu’il s’empresse d’engloutir...

Sketch du film collectif RoGoPaG.



Critique :


Il est presque paradoxal de se dire qu'aujourd'hui, à une heure où les salles de cinéma tout autant que le septième art en lui-même, ont besoin d'être activement soutenus, on ne voit plus du tout voir poindre des oeuvres collectives et chorales telles que - l'inégal certes - RoGoPaG, regroupements de plusieurs courts en un seul et même programme initié par Pier Paolo Pasolini, Roberto Rossellini, Jean-Luc Godard et Ugo Gregoretti.
Comme si les collaborations collégiales entre les cinéastes s'étaient fanées au fur et à mesure que le cinéma entrait dans une phase si ce n'est plus productive, mais plus compétitive d'un point de vue rentabilité.
Typique d'une époque où l'empreinte du cinéma d'auteur dominait une grande partie de la production et où les anthologies/collaborations entre pairs étaient monnaie courante, RoGoPaG tient en son sein l'un des plus captivants efforts de Pasolini, La Ricotta, court-metrage/segment tournant autour du tournage d'un film sur la Passion du Christ, par un cinéaste incarné par Orson Wells himself.
Mais ce n'est pas tant vers le réalisateur que pointe l'intention de Pasolini mais bien d'un figurant, Stracci (excellent Mario Cipriani), " chiffon " en italien, qui incarne l'un des deux criminels crucifiés qui ont accompagné Jésus dans son martyre, et qui va être la victime d'une série d'abus/humiliations de la part de l'équipe technique et les autres membres de la distribution.

© DR Arco Film

Par ce personnage, le cinéaste voit plus loin que la simple prise en grippe de l'élitisme de certains faiseurs de rêves intellectuels (avec un Wells savoureusement caricatural) où le manque d'engagement des artisans pour ce qu'ils filment, tant il dénonce avant tout et surtout l'hypocrisie même du septième art, mettant en scène de manière hypocrite la pauvreté tout en la causant elle-même (la faim subie par Stracci, un homme nécessiteux et père de famille nombreuse, châtié et moqué par une équipe technique qui ne lui fera jamais l'aumône), dans une sorte de cirque de la production cinématographique - où tous sont issus de secteurs bourgeois - qui épouse parfaitement la critique de l'ordre social capitaliste et de son conservatisme compulsif, qui anime son propre cinéma.
Sondant avec crudité le pusillanisme, l'individualisme profond et la cupidité objectivante de l'âme humaine, parfois dans des scènes surréalistes d'une violence rare (comme la scène où Stracci mange ses gourmandises - les fameuses ricottas du titre - dans la solitude d'une grotte tout en étant tourmenté par les autres membres de la distribution et de l'équipe), Pasolini fait de La Ricotta autant un petit bijou d'oeuvre burlesque, que la rencontre improbable, sur une poignée de minutes, entre son cinéma et celui de Wells.
Immanquable.


Jonathan Chevrier


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