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[CRITIQUE] : Zahorí


Réalisatrice : Marí Alessandrini
Avec : Lara Tortosa, Santos Curapil, Cirilo Wesley,…
Distributeur : Norte Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Suisse, Argentin, Chilien, Français.
Durée : 1h45min

Synopsis :
La steppe de Patagonie est balayée par un vent gris... Mora (13 ans) veut devenir "gaucho". Elle se rebelle contre l'école et s'affirme auprès de ses parents, des écologistes suisses italiens, dont le rêve d'autonomie se transforme en cauchemar. Mora va s'enfoncer dans les méandres de la steppe pour aider son seul ami Nazareno, un vieux gaucho Mapuche qui a perdu son cheval, Zahorí.



Critique :


Il y a indiscutablement un air de The Rider qui parcourt toute l'échine du premier long-métrage de Marí Alessandrini, Zahorí, même si ce western minimaliste s'avère in fine sensiblement plus lugubre et énigmatique que le magnifique poème sur pellicule de Chloé Zhao.
Avec son approche observationnelle et non intrusive à la lisière du documentaire, la cinéaste, dont la caméra est vissée sur les paysages désolés et accidentés de la pampa patagonienne (magnifiée par la superbe photographie de Joakim Chardonnens), suit les aternoiements d'une jeune adolescente rebelle, Mora, dont la famille suisse-italienne à quitté la métropole pour tenter de vivre une vie fermière - infructueuse - dans la campagne argentine.
Elle se sent à la fois à part dans sa propre maison (elle n'a pas les mêmes croyances que ses parents, et n'est pas vraiment vegan comme eux) mais également à l'école, où elle sera vite exclue suite aux nombreux affrontements avec les autres élèves (moins âgés), qui ne cesse de lui rappeler qu'elle n'est pas des leur.
Son seul salut, elle le trouve auprès de son voisin Nazareno, un gaucho âgé qui lui apprend la (sur)vie dans ses terres hostiles.
Mais lorsque celui-ci disparait dans les steppes à la recherche de son cheval perdu - Zahorí -, qui s'est enfui à la suite d'un violent orage, elle décide de ne pas le laisser seul face aux éléments et une nature impitoyable, embarquant son jeune frère Himeko dans les vastes plaines solitaires à la recherche du gaucho, où même de son indiscipliné destrier...

Copyright NORTE DISTRIBUTION

Sorte de western inversé et anti-spectaculaire, où l'accent est constamment mis sur les dilemmes moraux et le parcours personnel et initiatique de sa jeune héroïne, désirant briser le moule d'un univers rugueux définitivement dominé par les hommes; Zahorí embrasse l'ambiguïté du quotidien d'une jeune ado doublement engoncée dans une prison de verre anxiogène et à ciel ouvert, entre le machisme ancestral, la discrimination et l'hostilité compréhensible - même si injuste pour elle - que les locaux ont pour l'incarnation de l'entreprise de gentrification entêtée qu'est la ferme de ses parents (elle qui, tout comme eux, ne comprend pas être repoussée par sa culture d'adoption tout autant qu'elle estime être facile d'enraciner sa vie là-bas, sans avoir en elle les connaissances culturelles nécessaires pour comprendre toutes les nuances de ses actions).
En faisant des dilemmes moraux et existentiels de Mora, une représentation de phénomènes sociaux bien plus importants, Alessandrini donne du corps à son récit initiatique vers l'humilité, où la recherche du cheval intime l'idée salvatrice que la quiétude et l'harmonie avec la nature ne réside pas tant dans une quête de domination/contrôle de l'autre, mais bien dans une cohabitation saine expurgée de sa vision condescendante et occidentalisée - celle de ses parents, qui sont le miroir d'un expansionnisme occidental agressif.
Une morale évidente et assénee avec de gros sabots certes, mais c'est pourtant dans cette dissonance cognitive que ce western/fable naturaliste/ode à la liberté tire toute sa force et sa sensibilité, tout comme dans la pertinence de son message sur les ravages d'une crise climatique imminente, résultante des ravages d'une gentrification aveugle et appliquée à une échelle globale.


Jonathan Chevrier


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