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[CRITIQUE] : Un été comme ça


Réalisateur : Denis Côté
Avec : Larissa Corriveau, Aude Mathieu, Laure Giappiconi, Anne Ratte Polle, Samir Guesmi, …
Distributeur : Shellac Distribution
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Québécois
Durée : 2h17min

Synopsis :
Invitées en maison de repos pour explorer leurs malaises sexuels, trois jeunes femmes occupent les jours et les nuits à apprivoiser les démons intimes. Sous la supervision tranquille d’une thérapeute allemande et d’un travailleur social bienveillant, le groupe tente de garder un équilibre fragile. Pour la jeune Geisha, la sombre Léonie et l’imprévisible Eugénie, il s’agit pour 26 jours d’éviter les cris, d’apprivoiser les chuchotements du temps présent et de considérer l’avenir.


Critique :


Présenté à la Berlinale plus tôt dans l’année, le nouveau film de Denis Côté fera sûrement des émules. Parler de sexualité féminine, dans un environnement psychanalytique, n'est pas chose aisée depuis la prise de conscience collective d’un cinéma au regard trop masculin, qui vire souvent au fétichisme lorsqu’il est question de montrer des corps féminins. Difficile de poser des mots sur Un été comme ça quand le générique se termine. Misogyne ? Naïf ? C’est ce qui ressort en premier lieu. Puis, comme un mille-feuille, le film déploie une autre couche sous ces apparences morales faciles pour venir questionner le regard face à des femmes à la sexualité considérée comme hors-norme.

Une discussion entre ami⋅es a donné naissance à ce film solaire où la sexualité tient la place d’honneur. Le cinéma québécois est devenu frileux à montrer les corps nus, à parler de sexualité de manière frontale et assumée dixit Denis Côté. Qu’à cela ne tienne, il décide de relever le défi. Mais le cinéaste québécois n’est pas naïf, il s’est donc entouré de consultantes au scénario, puis à travailler de pair avec ses actrices, pour créer des personnages complexes, nuancés, pour éviter toute érotisation ou positionnement moral. Un été comme ça veut démystifier la sexualité et ouvrir le dialogue. Mettre sur le devant de la scène des personnages que l’on voit rarement au cinéma, en tout cas filmés aussi simplement : des femmes hypersexuelles, en recherche constante de plaisir et de promiscuité.

Copyright Shellac Films

Pour mieux appuyer un sujet tombé en désuétude, le réalisateur choisit le format d’image 1.66 qui se positionne entre l’habituel 1.85 ou le 2.35. Ce format, chez Denis Côté, choque tout d’abord car le début du film est formé uniquement de gros plans. Les visages prennent l’intégralité du cadre, la caméra ne les lâche pas. Par ce choix, le cinéaste se positionne déjà à contre-courant. Il se détourne des codes du cinéma classique, mais ne veut pas enfermer ses personnages. Cet entre-deux est au cœur de Un été comme ça. Le film joue sur notre perception, nos préjugés pour délivrer un propos libre de toute contrainte. Ni érotique, ni subversif, le long métrage de Denis Côté évite tout jugement pré-défini sur ses personnages.

Agissant comme un miroir, le film s’intéresse autant à ces jeunes femmes que l’on veut soigner qu’à ceux et celles qui les accompagnent pendant ces vingt-six jours de camp. Perclu⋅es d’une certaine condescendance face à leur sujet — la créatrice du camp déclame un long discours qu’elle termine par la phrase “prenez ceci comme des vacances dans le chaos qu’est probablement votre vie” — Octavia, la psychothérapeute allemande et Sami, l’accompagnateur social, sont vite arrimé⋅es à une limite, inhérent à la finalité du camp lui-même. Eugénie, Geisha et Léonie doivent-elles être guéries ? Sûrement pas nous dit le film. Mais peut-être avaient-elles besoin d’être écoutées, d’être vues. Le sexe sous leur regard devient un jeu, une façon d’extérioriser ses émotions. La seule chose dont ces trois personnages souffrent c’est de la solitude et des préjugés sexistes. Ainsi, les vingt-six jours de “vacances” leur auront peut-être permis de se trouver.

Copyright Shellac Films

Avec un regard délaissant les tabous, Denis Côté étudie le désir féminin et les pratiques sexuelles hors de la norme bienséante. Un été comme ça peut paraître distant, quasi chirurgical tant il ne veut pas dévier vers l’érotisation de ses sujets, ni vers la fétichisation des corps. L’image est alors brute, crue, et c’est par la parole et l’écoute que la douceur advient, dans un film estival où les corps alanguis se délaisse du poids des regards scrutateurs et de la morale.


Laura Enjolvy


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