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[CRITIQUE/RESSORTIE] : La Vie criminelle d'Archibald de La Cruz


Réalisateur : Luis Buñuel
Avec : Ernesto Alonso, Ariadna Welter, Chabela Durán,…
Distributeur : Tamasa Distribution
Budget : -
Genre : Comédie.
Nationalité : Mexicain.
Durée : 1h29min

Date de sortie : 25 septembre 1957
Date de ressortie : 27 avril 2022

Synopsis :
Alors qu’il est enfant, Archibald apprend par la bouche de sa jolie gouvernante que la boîte à musique offerte par sa mère dispose d’un extraordinaire pouvoir : donner la mort à la personne de son choix. Par jeu, il pense à la mort de la jeune femme. La belle s’écroule, touchée par la balle perdue d’un révolutionnaire. Devenu adulte, Archibald retrouve la boîte à musique qui lui rappelle le délicieux cadavre de la gouvernante, la robe très remontée sur ses belles jambes. Archibald concçoit alors le projet de tuer toutes celels qu’il aimera, grâce au funeste pouvoir de la boîte magique…



Critique :


Toute la maestria qui anime La Vie criminelle d'Archibald de la Cruz de Luis Buñuel, est savoureusement distillée dans son introduction magistrale, de loin l'une des plus imposantes de toute la filmographie du cinéaste.
Le jeune Archibald de la Cruz écoute religieusemenr sa belle nounou lui parler de bêtises/rumeurs superstitieuses entourant la boîte à musique que lui a offerte sa mère, et sa capacité étrange à inciter les auditeurs de ses douces sonorités, au meurtre de la personne de leur choix.
Soudainement, une balle, fruit d'un tir égaré d'une insurrection politique, fracasse la fenêtre et la tue instantanément, son corps sans vie s'effondrant sue le sol, sa jupe remontant au moment de sa chute pour relever le haut de ses bas noirs, laissant apparaître ses jarretières en dentelle et ses cuisses galbées.

Copyright Tamasa Distribution

Dès lors va se nouer dans la psyché d'Archibald, un lien profond et troublant entre l'air de la boîte à musique, la luxure (ici le corps de la femme, fruit ultime de la tentation sexuelle) et la mort - soit deux des thèmes majeurs du cinéma de Buñuel.
Laissant constamment transparaître l'idée perverse mais fascinante, que les pulsions érotiques ont toujours la capacité de submerger tout esprit humain lorsque que la violence et le sexe s'emmêlent, le cinéaste orchestre une odyssée envoûtante entre fantasme et réalité, vissé sur les aternoiements d'un homme littéralement obsédé - voire même prisonnier - par ce premier contact intense avec la petite et la grande mort, qu'il cherche inlassablement à revivre.
Tellement qu'il se persuade même d'avoir tué sa propre fiancé, et qu'il tente de convaincre - de son propre gré - un juge qu'il devrait être incarcéré pour meurtre.
À partir de cette image, cette psychanalyse surréaliste entre un (finalement non) coupable et son juge au travers d'épisodes spécifiques narrées au travers de flash-backs, présentant De la Cruz à son plus repentant (humain ?), que Buñuel nourrit une comédie noire acerbe sur un homme coupable d'être tiraillés par ses fantasmes et ses frustrations morbides (où la boîte à musique se fait autant le moteur de sa culpabilité autant que l'élément déclencheur du basculement vers le fantastique pur, une projection de crimes potentiels qu'il ne va jamais commettre), loin des contours mesquins et nihiliste putassiers dans lesquels tout cinéaste moins habile serait tombé.

Copyright Tamasa Distribution

Moins pessimiste et grinçant que Los Olvidados (sans pour autant péter le compteur de l'optimisme non plus), tout en chargeant sans gants la religion et la bourgeoisie, La Vie criminelle d'Archibald de La Cruz, emballé dans une mise en scène plus sobre qu'à l'accoutumée chez le cinéaste, se fait la chronique surréaliste et Freudienne d'un tueur en série qui n'en est finalement pas un, l'exorcisme du fétichisme et des pulsions inavouées et inassouvies d'un être machiavélique et humain à la fois, dangereux mais férocement impuissant.
Une petite merveille, rien de moins.


Jonathan Chevrier