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[CRITIQUE/RESSORTIE] : Damnation


Réalisateur : Béla Tarr
Avec : Miklos B. Szekely, Vali Kerekes, Hedi Temessy, ...
Distributeur : Carlotta Films
Budget : -
Genre : Drame, Romance, Policier.
Nationalité : Hongrois.
Durée : 2h02min

Date de sortie : 20 avril 2005
Date de ressortie : 6 avril 2022

Synopsis :
Karrer vit depuis des années coupé du monde. Il passe ses journées à errer dans la ville désœuvrée, sous la pluie battante, et à observer ses habitants. Le soir venu, il se rend au Titanik Bar où se produit une séduisante chanteuse avec laquelle il entretient une liaison. Lorsque le tenancier du bar, Willarsky, lui propose de convoyer de la drogue afin de gagner un peu d’argent, Karrer lui suggère à la place d’employer le mari de la chanteuse. Il compte profiter de l’absence de ce dernier pour passer un peu de temps auprès de sa maîtresse...



Critique :


Pour un néophyte, débuter la foisonnante cinématographique du fantasque cinéaste hongrois Béla Tarr avec une oeuvre telle que Damnation, c'est se familiariser tranquillement mais sûrement avec un cinéma de tous les possibles, qui peut passer d'une représentation affreusement minutieuse la désintégration d'une communauté agricole hongroise sur près de 7h30 - Le Tango de Satan -, à un cauchemar existentialiste et apocalyptique sur la perte d'identité d'une petite ville hongroise - Les Harmonies Werckmeister.
Enfin tranquillement... on se comprend, car si le prisme choisi ici est résolument moins démesuré, il n'en est pas moins emprunt d'une mélancolie et d'un fatalisme désespéré cher à un cinéaste pour qui l'importance ne réside pas dans la richesse où l'originalité de la narration, mais bien dans la manière dont on grave les histoires sur la pellicule.
Filmé en noir et blanc à la fin de l'occupation socialiste soviétique et catapulté au coeur d'une petite ville hongroise marquée par la guerre et un duel tacite entre un brouillard constant et une pluie écrasante, le récit suit trois âmes solitaires piégées dans une vie de désespoir tranquille, gravitant autour d'un bar au nom ironiquement funeste - le Titanik bar.

Copyright Carlotta Films

Soit un ouvrier mutique désespérément amoureux d'une chanteuse de cabaret mal mariée, et le dit mari de celle-ci, qu'il faut éloigner tant bien que mal du cadre.
Ce genre d'histoire maudite, de triangle amoureux empoisonné dont on connaît tellement la mélodie malheureuse que l'on n'a pas besoin d'en entendre toutes les notes pour être persuadé que tout finira mal, pour tout le monde.
Construit comme une succession imposante de longs plan-séquences embaumés dans la photographie digne d'un film noir de Gábor Medvigy (une beauté incendiaire qui se retrouve jusque dans la manière obsessionnelle qu'à Tarr de composer chacun de ses plans), Damnation se fait une incroyable experience sensorielle et contemplative à la tristesse insondable; un long poème onirique et charbonneux dans un purgatoire à ciel ouvert dont on ne peut totalement s'échapper sans y laisser son humanité.
Un balet des sens fascinante où l'espoir (l'amour) n'est qu'une chimère qui divertit l'esprit qu'une poignée de secondes, dans une réalité apocalyptique qui nous ramène inlassablement, telle la pluie qui s'abat et meurtrie les corps comme la terre, à notre triste condition.
S'abandonner dans un songe cinématographique de Béla Tarr et se laisser bercer par ses images mélancoliques, est intimement de ses voyages uniques que tout amoureux du septième art se doit de vivre au moins une fois.
Autant dire que c'est une vraie chance de pouvoir le faire à nouveau aujourd'hui, dans une salle obscure.


Jonathan Chevrier


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