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[CRITIQUE] : Poulet Frites


Réalisateur : Jean Libon et Yves Hinant
Avec : -
Distributeur : Apollo Films
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Français, Belge.
Durée : 1h43min

Synopsis :
Striptease n’est pas mort ! Pour son retour un polar noir. Un vrai meurtre et la pièce à conviction ? Une frite !

Critique :

Strip-tease est une émission de télévision belge, crée par Jean Libon et Marco Lamensch. D’abord diffusée exclusivement sur la chaîne RTBF1 à partir de 1985, elle devient belgo-française, s’installe sur Canal +, puis France 3. En 2018, le long-métrage Ni juge, ni soumise, sort en salles. Réalisé par Jean Libon et Yves Hinant (un autre familier de Strip-Tease), il suivait la juge belge Anne Gruwez. Le deuxième long-métrage du duo s’intitule Poulet Frites. Ce dernier a été tourné au début des années 2000 et a d’abord disposé d’un montage destiné à Tout ça (ne nous rendra pas le Congo), un programme similaire à Strip-Tease, par les créateurs de Strip-Tease, mais sous un format de 52 minutes. Le film a été retravaillé pendant le premier confinement, un nouveau montage a été effectué avec les images. Le documentaire, devenu long-métrage en noir et blanc présente une enquête policière dont la clef du mystère semble être détenue par une sombre histoire de frites surgelées.

Copyright LE BUREAU - CHEZ GEORGES - ARTÉMIS PRODUCTIONS - RTBF - 2021

Strip-tease avait comme vocation de faire les portraits de personnes « mises à nues ». Poulet Frites part du même principe mais, au lieu d’un portrait intime, il propose une vision désabusée d’une enquête policière. Poulet Frites n’est ni plus ni moins que la représentation sans fard d’un fait divers comme ceux qui fascinent depuis toujours. Le film est également relativement exempt des défauts moraux qui avaient été soulevés lors de Ni juge ni soumise. Dans ce dernier, le point de vue amenait, à plusieurs reprises, à des questions de représentation de la « misère humaine ». C’étaient d’ailleurs des éléments inhérents à tout Strip-Tease, dont l’humour soulignait l’absurdité de la vie. L’émission proposait, à travers ses court-métrages, de questionner aussi le spectateur sur lui-même avec le slogan « vous déshabille », s’adressant directement à la personne derrière son écran.

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L’axe choisit par Poulet Frites est différent : la trame prend le dessous sur les témoignages humains, qui deviennent alors tous justifiés. Il n’y a pas de moquerie gratuite, seulement un constat, aussi triste que drôle grâce à l’absurde, de vies brisées par la petite criminalité. Le film est un polar noir dominé par cette absurdité des situations. Les protagonistes, accusés perdus ou policiers dépassés, ne jouent pas avec la caméra, la caméra ne se joue pas d’eux mais observe l’absence de romanesque dans cette affaire. Le spectateur, lui, est invité à assister à l’enquête, tout en cherchant le dénouement du suspense comme il aurait pu le faire avec une œuvre de fiction. Poulet Frites ne déshabille pas le spectateur en le mettant face à une personnalité originale mais en le positionnant à côté des policiers, faisant de lui l’élément le plus impuissant de tout le film. A défaut d’avoir des repères, il ne lui reste plus qu’à en rire. Dans Ni Juge ni soumise, Jean Libon et Yves Hinant présentaient Anne Gruwez comme une figure divine. Dans Poulet Frites, ils accordent au Créateur un jour de congé pour laisser les humains patauger dans leur quête de justice.

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La trame narrative est en or : une femme est retrouvée assassinée, il s’avère qu’elle se prostituait, son petit-ami toxicomane est accusé. Son discours est incohérent mais il est impossible de trouver une preuve solide contre lui. Un autre suspect arrive : un émigré bengalais, qui a quitté la ville. Une chasse à l’homme commence, dans laquelle on retrouve des relents racistes, dans le Bruxelles du début des années 2000 en noir et blanc. Poulet Frites devient le portrait de l’époque de son tournage et de conditions sociales pas toujours très gaies voire choquantes. La réalité rejoint les stéréotypes que pourrait présenter une fiction. Ou la réalité rattrape la fiction, à un point où on ne sait plus si c’est la réalité qui se moque de la fiction ou la fiction de la réalité.

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L’enquête se déroule dans une certaine nonchalance, puisque les forces de l’ordre piétinent à plusieurs reprises, le rythme du récit est, logiquement assez dilué. C’est aussi le principal défaut de l’œuvre : l’équilibre entre la lenteur volontairement frustrante de l’enquête et le confort du spectateur n’est pas toujours en place, malgré l’invitation pour ce dernier à s’impliquer dans le récit. Outre cette maladresse formelle, le film s’illustre comme procédé particulièrement intéressant, d’autant plus qu’il arrive (un peu par hasard) à l’âge d’or du true crime sur Youtube. On entre, avec cette œuvre typiquement belge, dans un délicieux contraste total avec les récits du genre qui pullulent sur Internet.


Manon Franken

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