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[CRITIQUE] : Aya


Réalisateur : Simon Coulibaly Gillard
Avec : Marie-Josée Degny Kokora, Patricia Egnabayou, Junior Asse, Mariam Traore, …
Distributeur : La Vingt-Cinquième Heure
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Belge, Français
Durée : 1h31min

Synopsis :
Aya grandit avec sa mère sur l’île de Lahou. Joyeuse et insouciante, elle aime cueillir des noix de coco et dormir sur le sable. Pourtant, son paradis est voué à disparaître sous les eaux. Alors que les vagues menacent sa maison, Aya fait un choix : la mer peut bien monter, elle ne quittera pas son île.


Critique :


La puissance d’une image vaut bien mille mots. Simon Coulibaly Gillard l’a bien compris. Dans son premier long métrage, Aya, il mêle la fiction au documentaire et nous offre une image douce et hantée par le désir de sa protagoniste principale, interprétée par Marie-Josée Degny Kokora. L’île où elle vit disparaît de plus en plus sous les eaux, obligeant les habitants à se rabattre vers la capitale. Mais Aya semble appartenir corps et âme à ce lieu qui l’a vue naître et grandir et malgré son jeune âge, sa volonté est indéfectible : elle ne partira pas.

« Si on ouvrait les gens, on trouverait des paysages » disait la regrettée Agnès Varda. Si on ouvrait Aya, on trouverait peut-être l’eau bleue pastel qui envahit le cadre dès les premières secondes du film. L’héroïne déambule dans son île, son territoire. Elle en connaît chaque recoin, chaque être qui la peuple. Un territoire en mouvance qui se ressert, avalé par cette eau bleue qui avance implacablement. Aya n’a pas envie de partir car ce serait renoncer à son enfance, à ses souvenirs. Ce serait renoncer à une part d’elle, disparue dans les flots. Indissociable du décor, le personnage explore l’île, de jour comme de nuit et la regarde comme on regarderait un tableau. Son regard porte le désir qu’elle possède de rester et de se battre contre un élément plus grand et plus fort, contre une nature injuste poussant tout un peuple à la migration.

Copyright MICHIGAN FILMS

Cette eau, que l’on voit au début, nous donne l’impression qu’elle déborde du cadre, qu’elle envahit l’espace et notre imaginaire. Pourtant, quand on plonge dans les souvenirs du film, la mer y est absente tant Aya capte l'intérêt de la caméra, jusqu’au bout. Le cinéaste la suit et souligne sa présence à l’intérieur de ce territoire. Au lieu de filmer dans l’urgence, au sein d’une situation qui pourrait déclencher cette réaction, Aya se calque sur sa protagoniste et prend le temps d’établir une véritable connexion avec le public. Le lieu, qui devrait nous paraître hostile, devient plutôt un lieu chargé d’histoire et de fantômes, qu’il faut traverser avec précaution et respect.

Simon Coulibaly Gillard s’est déjà confié sur la façon dont il appréhendait un récit. Il s’ancre dans une réalité, mais raconte une histoire. De docu-fiction, nous préférons le terme « fiction du réel », peut-être plus proche de ce que le cinéaste propose. Si Aya est un véritable personnage de cinéma, tout comme sa mère Patricia (Patricia Egnabayou), l'enjeu du film s’inscrit dans une terrible réalité et documente le présent de l’île Lahou, qui deviendra le passé de demain. Il y a alors un sentiment d'inéluctabilité qui transparaît, que le personnage apprend à ressentir.

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Aya n’est pas proche de son île, elle est l’île, tant la caméra ne la dissocie jamais de Lahou. Elle dort sur la plage, elle joue, travaille, rit sur cette plage. Cette eau immense, qui dessine son avenir, prend également une dimension onirique la nuit, tandis qu’elle parcourt la plage munie d’une lampe torche, déchirant l’obscurité avec sa minuscule lumière bleue. Pendant la nuit, le repos des morts est troublé tandis que les habitants les déterrent pour les enterrer ailleurs, dans un endroit qui ne risque pas d’être enseveli par l’eau. Tout comme le peuple avikam et leur maison, la mémoire est ainsi déplacée pour retenir, autant que ce peut, la lente disparition d’un territoire rempli d’histoire.

Aya dévoile un passé, montre un présent et dessine un avenir d’un village entier qui bientôt n’existera plus. Le cinéaste capte alors les contours d’une histoire et offre un bel objet de mémoire d’un peuple associé à son territoire.


Laura Enjolvy