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[CRITIQUE] : Apollo 10 ½ : Les fusées de mon enfance


Réalisateur : Richard Linklater
Avec :  Zachary Levi, Jack Black, Glen Powell, ...
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Animation, Aventure, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h37min

Synopsis :
Apollo 10 1/2 : Les fusées de mon enfance retrace l'histoire du premier voyage sur la Lune selon deux points de vue croisés. Le film raconte ainsi l'incroyable épopée de l'été 1969 non seulement du côté des astronautes et du centre de contrôle de mission, mais aussi à travers les yeux d'un enfant qui vit à Houston au Texas et qui nourrit ses propres rêves intergalactiques.
Inspiré de la vie du cinéaste oscarisé Richard Linklater, Apollo 10 1/2 : Les fusées de mon enfance dresse un portrait de la vie aux États-Unis dans les années 60, entre passage à l'âge adulte, regard sur la société et aventure d'un autre monde.



Critique :


Il y a quelque chose de magique avec le conteur fantastique qu'est Richard Linklater, tant il s'échine continuellement à catapulter son auditoire dans des univers richement authentiques, souvent inspirés de sa propre existence.
Des oeuvres qui sont moins intéressés par leurs intrigues où des objectifs narratifs bien précis, qu'incarner de vrais instantanés réalistes, des explorations frappées de détails presque anthropologiques, visant à faire ressentir au spectateur que c'était que d'être en vie aux côtés des personnages, à un certain endroit et/où à une certaine époque.
De vrais morceaux de vies retranscrivant à la perfection les nuances et l'universalité du quotidien, au travers de personnages aussi furieusement empathiques qu'ils nous semblent toujours réels. 
Et son nouvel effort, Apollo 10 ½ : Les fusées de mon enfance, ne déroge absolument pas à cette règle.

Copyright Netflix

Dans la droite lignée de Dazed and Confused et Everybody Wants Some !!, tout en embrassant une variante de la même technique d'animation usée pour Waking Life et A Scanner Darkly (des scènes de prises de vues réelles couplées à une animation dessinée à la main et à des CGI), le film se veut comme un pur souvenir cinématographique nostalgique et profondément personnel de Houston au printemps 1969, où le cinéaste capture sa jeunesse texane à une heure où tout tournait autour de l'excitation des missions spatiales de la NASA, mais aussi de la beauté de l'ennui pré-Internet. 
Nous ramènant au plus près de la course à la conquête spatiale et juste avant que Neil Armstrong et les membres de son équipe Apollo 11 ne se rendent sur la lune, Linklater imagine un amusant de rêve d'enfance dans lequel la NASA aurait construit accidentellement un module lunaire bien trop petit pour un adulte, mais d'une taille parfaite pour qu'un pré-ado comme le jeune Stanley (un élève de quatrième année qui a des notes moyennes et surtout aucune compétence particulière discernable, pour faire fonctionner le module), puisse s'envoler pour la lune.
Mais plus qu'une mission spatiale extraordinaire captée par le prisme d'un regard enfantin, le film brosse autant avec minutie le portrait de ce que cela signifiait être un môme d'une banlieue moyenne dans les 60s, qu'il expose la paranoïa réelle de cette époque, le tout enrobé dans une légèreté aussi enivrante que salutaire.

Copyright Netflix

Se concentrant sur des petits détails concrets pour rendre son histoire réelle (la routine quotidienne de la famille, les petites querelles entre frères et sœurs, les jeux que les enfants inventent lorsqu'ils s'ennuient un jour de pluie, les disputes pour le contrôle fugace de la télécommande,...), tout en montrant l'importance que pouvait avoir la télévision et le cinéma pour nourrir l'imaginaire des gosses de l'époque (où comment ne pas rater le dernier épisode de Dark Shadows est plus important que tout), le cinéaste se sert de la bulle de l'enfance et des rêves lunaires pour mieux distraire son auditoire sur l'horreur bien réelle du présent, une distraction tendre pour ne pas observer les maux d'une Amérique malade (les manifestations contre l'alunissage, scandales et assassinats politiques, la guerre du Vietnam, la précarité, le racisme envers la communauté afro-américaine, la peur d'une guerre atomique, alertes sur le réchauffement climatique et les dommages écologiques irréparables,...).
Le pendant adulte de Stanley, qui sert de narrateur/banque à souvenirs aussi ironique que mélancolique, fait justement ressortir cette dissonance culturelle dans sa propre existence, avec un soupçon de tristesse et de regret alors qu'il explique à quel point ce moment d'enfance était unique, en raison de la juxtaposition entre l'excitation/l'optimisme face à la quête spatiale et la nouvelle technologie rendant la vie plus excitante et facile, masquant en partie l'horreur de vivre au milieu d'une guerre. 

Copyright Netflix

Exprimant pleinement la notion de mémoire sélective, en donnant donner vie aux souvenirs troubles d'un enfant tout en accentuant le fantasme qu'ils incarnent à l'intérieur de la réalité (cette façon étrange mais fascinante dont nos souvenirs peuvent parfois se transformer avec le temps, créant ainsi des fantasmes individuels sur ce qu'était réellement notre passé), Apollo 10 ½: A Space Age Childhood peut se voir comme une étude fantaisiste, inventive et visuellement saisissante sur la manière dont les enfants voient et traversent les événements historiques qui se déroulent autour d'eux, et comme cette vision peut les affecter une fois qu'ils se construisent en tant qu'adulte.
Une réflexion sournoisement perverse mais follement pertinente sur les limites de la mémoire humaine, suggérant finalement que la mémoire déforme et amplifie autant qu'elle préserve.
Avec un hyperréalisme digne d'une carte postale, Linklater croque une épopée fantastique qui incarne à la fois une reconstruction amoureuse de son passé, mais également un regard lucide sur une époque qui, quoiqu'en pense son subconscient et ses nombreux souvenirs, n'était pas aussi rose.


Jonathan Chevrier


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