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[CRITIQUE] : Rocky IV : Rocky Vs. Drago


Réalisateur : Sylvester Stallone
Acteur : Sylvester Stallone, Dolph Lundgren, Talia Shire, Carl Weathers, Burt Young, Tony Burton, Michael Pataki, Brigitte Nielsen,...
Distributeur : Park Circus France
Budget : -
Genre : Drame, Action.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h33min

Synopsis :
La version "Director's Cut" par Sylvester Stallone en utilisant la technologie moderne pour améliorer, voire restaurer, le son du film de 1985.



Critique :


Opus le plus faible cinématographiquement parlant de la saga pour certains, film le plus jubilatoire et divertissant pour d'autres (la vérité, bien plus complexe qu'elle n'en a l'air, se situe certainement à la croisée de ses deux avis), Rocky IV symbolise toute la folie des 80s dans sa relecture très bis de David contre Goliath, qui dénigre certes l'envahisseur russe (froid, violent, dopé), mais qui n'offre pas forcément non plus, à l'instar de Rambo II - La Mission, une image toute blanche de l'Amérique triomphante, engoncée dans un consumérisme abusif, une arrogance pédante (et une fierté mal placée jusqu'au bout, même face à une défaite annoncée), un voyeurisme morbide (le début de la sur-présence des médias) mais surtout une haine viscérale pour tout pays ne suivant pas son idéologie (l'ennemi est toujours celui qui n'a pas les mêmes croyances et valeurs).

Un objet OFNI-esque qui caractérise presque à lui seul la carrière de son géniteur, un divertissement violent, spectaculaire et totalement conscient de ses faiblesses, qui n'a que pour seul but d'offrir un vrai et mémorable morceau de fun à son auditoire.

Copyright Park Circus France

Un pur produit de son époque et sensiblement en avance sur son temps (si...), férocement influencé par la culture MTV et l'avènement du vidéo-clip qui envahit tous les foyers américains, tellement qu'il en vient même à renier dans sa propre chair quelques canons essentiels de sa propre franchise : l'absence d'une vraie présence féminine vitale (Adrian est là sans vraiment l'être, ne comprend pas Rocky avant de finalement vite partir le soutenir en Russie), mais aussi d'un traitement émotionnel fort (malgré la mort d'Apollo), tandis que l'absence du score mélancolique et entraînant de Bill Conti (occupé - mais pas que - par Karaté Kid de... John G. Avildsen, papa de Rocky et Rocky V) se voit remplacée par la partition synthétique de Vince DiCola ainsi que par, il est vrai, quelques titres qui marquent salement les écoutilles (Living in America de James Brown, Burning Heart de Survivor, No Easy Way Out de Robert Tepper mais SURTOUT la merveilleuse Heart's on Fire de John Cafferty and The Beaver).

Une raison sans doute pour laquelle trente-cinq ans plus tard, non sans une certaine maturité doublée d'un vrai recul sur sa carrière et son oeuvre, Stallone s'est décidé à s'attaquer à son plus fragile bébé pour le (re)façonner avec un regard nouveau (scènes inédites en prime) et, pour le coup, résolument plus cohérent même si plutôt trompeur dans son annonce originale (si les 42 minutes de séquences supplémentaires sont bien présentes, elles ne font gagner que 2 minutes à la durée totale du métrage, en comparaison du montage initial).

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Exit le film de boxe/revenge movie clipesque et criard - mais génial, attention -, qui se faisait un instantané de la vie de Sly (au point que cette fois, Brigitte Nielsen est gentiment gommée dans presque la quasi-totalité de ses scènes), et bonjour la rumination étrangement sombre et grisante sur le code d'honneur du guerrier, qui va plus loin qu'un simple dialogue esquissé entre un Rocky songeur et un Apollo déterminé à retourner sur le ring une dernière fois.
Et c'est clairement ce dernier, en parfaite adéquation avec le dernier spin-off de la saga - Creed II -, qui en ressort le plus grandit, au même titre que le Drago de Dolph Lundgren (plus humain et conscient de sa condition) et Nicoli Koloff (estampillé grand vilain du métrage), bras armé du polite-bureau/gouvernement russe.

Dès l'introduction, sensiblement rallongée (avec de longues séquences de Rocky III, véritable récapitulatif de leur collaboration avant la revanche face à Clubber Lang), l'accent est mis sur l'amitié entre Apollo et Rocky, remettant au coeur du débat l'importance du premier dans la vie du second pour donner autant plus de corps à sa vengeance, que de retentissement face à sa perte.
Apollo est le second pilier de la vie de Rocky derrière Adrian - et Rocky Jr aussi -, le " remplaçant " de Mickey, le frère qu'il n'a jamais eu mais surtout l'artisan majeur de ce qu'il est aujourd'hui, celui qui lui a doublement donné la chance d'être champion du monde, avant d'être celui qui l'a fait remonter en selle, une nouvelle fois pour être le meilleur.

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En ce sens, si son affrontement avec Drago conserve son issue inéluctable, et même encore plus tragique ici (appuyé par une scène d'enterrement plus émouvante et respectueuse de l'importance qu'il a eu dans les vies de Duke et Rocky, séquence qui renforce dans leurs discours l'analogie du guerrier amorcé par les scènes supplémentaires centrées sur Apollo), le combat est lui moins une boucherie qu'une exposition certes déséquilibrée - même s'il se débat plus - mais essentielle pour montrer les faiblesses du jeune boxeur russe, que Duke et Rocky vont exploiter par la suite.
Mieux, combattre Drago n'est plus un acte d'orgueil stupide mais bien une obligation intime et même politique, une nouvelle fois rappelé de la plus belle des manières dans l'éloge funèbre de Duke - son père de substitution -, qui défend avec éloquence la décision fatale de son poulain (" Le guerrier a le droit de choisir son mode de vie et sa façon de mourir "); mais aussi dans le court dialogue, le dernier que se lanceront Rocky et Apollo, pendant le combat où le premier supplie son ami de " ne pas lui faire ça ", alors que le second lui répond, presque en titubant, qu'il le fait pour lui-même.

Des changements subtils qui donnent également une toute autre importance au combat Rocky vs Drago, qui ne répond plus à une simple vengeance puisque Balboa lui aussi obéit à ce même code du guerrier, au point de ne plus écouter personne, pas même sa femme qui pense que ce combat est du suicide.

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Adrian aussi a plus de grain à moudre ici, tant elle cherche constamment à alarmer les deux boxeurs autant qu'à déculpabiliser Rocky face à son erreur (ne pas avoir arrêter plus tôt le combat et avoir écouter son meilleur ami), ici plus dévastatrice que par le passé.
Mais si les affrontements gagnent en ampleur dramatique, ces modifications influencent aussi le développement en lui-même du camp opposé aux héros, avec un propos politique certes toujours un peu mécanique, mais plus consistant (une Russie qui instrumentalise pleinement son poulain pour " éduquer " le monde de la boxe et surtout dompter la sur-domination américaine).

Dans cette version, Drago n'est plus un boxeur/pantin à la rébellion tardive et ridicule (à peine plus forte qu'une crise d'adolescence, dans le dernier round), mais bien un sportif instrumentalisé, un participant maladroit à la propagande russe.
Cette fois, il y a bel et bien un humain, glacial certes mais humain, sous la façade robotique et rondement orchestrée par Nicoli Koloff, qui tente d'exister par lui-même même si son supérieur, tout comme son épouse, n'ont de cesse d'interrompre toutes ses tentatives d'exister (une résistance perceptible pendant les combats - il est comme un enfant déconcertée lors de la performance de James Brown - mais surtout lors des conférences de presse, qui explosera définitivement durant les 33 ans qui sépareront Rocky IV et Creed II).
Dommage cela dit, que Stallone - les affres du mariage -, réduit son ex-épouse à une caricature froide et déshumanisée, dont l'utilité ici est toute relative (comme pour Creed II).

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Les combats aussi en ressortent plus grandit, expurgés de nombreux - mais pas tous - faux raccords et autres coups de points manqués, devenant dès lors plus féroces mais surtout plus réalistes (dans le choix des plans comme dans son issue), tant chaque coup atterrit avec un bruit sourd sur leur cible (l'aspect irréaliste des conceptions sonores originales ont été intelligemment réduites au silence).
Stallone gomme même subtilement l'aspect candide du final (le discours de Rocky n'est plus applaudi sans réserve par le public russe), tout en en renforçant la puissance
 avec un renversement habile du montage, pointant un Koloff qui termine seul face à sa propre défaite - plus terrible en conséquences, que celle de Drago -, délesté de tous les membres du polite-bureau.

Mais tout changement à un prix, et encore plus avec une oeuvre que l'on connaît (pour la plupart... bon seulement nous) sous toutes les coutures.
Même avec toute la bonne volonté du monde, Stallone ne peut pas transformer diamétralement son film, et ce director's cut dans son aspect plus tragique, délaisse complètement toute l'aura légère et régressive - voire même franchement cartoonesque - qui faisait le sel du montage de 1985.
Si l'absence du robot ne fait pas forcément tâche, la diminution du temps de présence de Paulie en tant que relief comique est cependant plus remarqué (ce qui atténue d'autant plus sa déclaration maladroitement touchante à Rocky avant son combat), ces petites respirations étant ici pourtant encore plus essentielles face à ce renforcement dramatique.

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Si le retour du score de Bill Conti fait écho autant aux retours des scènes du troisième opus - essentielles pour la relation amicale et fraternelle Creed/Balboa -, qu'à son ralliement total avec la saga, puisque son absence renforçait l'aspect vilain petit canard du film (le seul à ne pas avoir repris les thèmes phares des premiers opus); en revanche, difficile de comprendre la présence très/trop marquée de Eye of The Tiger, notamment dans un final où il n'a pas sa place, excepté pour surligner ce qui n'a pas besoin de l'être (oui, Rocky a toujours l'oeil du tigre vu qu'il a " maté " Drago...).
Dommage également qu'il tronque/surcharge le sacro-saint training montage avec de nouveaux plans - parfois très subtils - qui ne s'implantent pas vraiment bien dans le cadre minutieusement huilé de la version originale, aussi galvanisante que profondément motivante.

Pas meilleur (là encore, c'est une question de point de vue) ni totalement différent de la version originale (ce n'est pas le Snyder Cut de Justice League, mais plus The Godfather, Coda : The Death of Michael Corleone), ce Rocky IV : Rocky Vs. Drago ressuscite des scènes essentielles autant qu'il offre un regard plus cohérent et intime, même si moins jubilatoire, sur une oeuvre cultissime - et pas forcément pour les meilleures raisons.
Mais deux Rocky IV valent toujours mieux qu'un et ce n'est pas les amoureux hardcore de la saga Rocky que nous sommes, qui diront le contraire...


Jonathan Chevrier


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