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[CRITIQUE] : The Housewife


Réalisatrice : Yukiko Mishima
Avec : Kaho, Tasuku Emoto, Shôtarô Mamiya,…
Distributeur : Art House
Budget : -
Genre : Romance, Thriller.
Nationalité : Japonais.
Durée : 2h03min

Synopsis :
C’est en recroisant son ancien amant de faculté, que Toko, depuis longtemps femme au foyer, voit soudain renaître en elle le désir de travailler, et de reprendre son métier d’architecte. Mais peut-on jamais réinventer sa vie ?



Critique :


La magie d'avoir pu découvrir en salles il y a quelques semaines, le cinéma - essentiel - de Kinuyo Tanaka (toujours en salles, laissez-vous tenter sans la moindre réserve !), fait que l'on ne peut plus voir le mélodrame japonais moderne que par son prisme, tant il est indiscutable qu'elle a marqué, tout comme son oeuvre elle-même à été marquée par Ozu, Mizoguchi et Naruse, toutes les générations de cinéastes qui l'ont suivi.
Si Naomi Kawase est, sans l'ombre d'un doute, sa plus digne et naturelle héritière depuis un petit bout de temps maintenant, Yukiko Mishima semble tout autant prétendre au statut de relève de son cinéma, elle aussi s'attachant à ausculter au travers de son mélo romantico-existentiel sous fond de quête d'émancipation douloureuse, The Housewife, le statut de la femme au sein d'une société nippone contemporaine toujours aussi gangrenée par ses relents patriarcaux anxiogènes.
Adaptation du roman de l'auteure Rio Shimamoto, le film se fait le portrait d'une femme las des hypocrisies patriarcales d'un mariage conventionnel, et qui se demande intimement si une vie bourgeoise terne mais sécurisante, vaut pleinement le sacrifice de son épanouissement personnel.
Soit Toko, trente-deux ans au compteur, qui a volontairement abandonné une carrière dans l'architecture pour épouser Shin, salarié de classe supérieure issu d'un milieu très conservateur (comprendre : il ne prend ses décisions que sous l'aval de ses parents), et devenir la mère d'une petite fille, Midori.

Copyright Art House

Elle se sent condamnée dans un mariage malheureux tant elle est traitée comme une servante dans sa propre maison, et est censée répondre aux besoins de son mari tandis que les siens ne sont jamais satisfaits.
Tout change le jour où elle retrouve son amour de jeunesse, Kurata, qui réveille en elle son envie d'émancipation et de se retrouver, au point qu'elle bouscule son quotidien de ménagère ennuyée pour réintégrer un cabinet d'architecte, tout autant qu'elle laisse exploser ses désirs et besoins charnels, même si elle a la furieuse impression de trahir quelque chose en se choisissant enfin...
Trompant l'aspect éprouvé de sa narration autant que l'idée, résolument d'une autre époque (quoique), de punir son héroïne pour avoir poursuivit la voie de la passion, en la repoussant vers une vie de respectabilité " traditionnelle " en la forçant à accepter sa maternité au prix de son bonheur personnel (ou, plus tragiquement encore, d'accepter que la seule liberté qui lui est offerte ne réside que dans la mort); The Housewife, sous ses jolis contours sentimentaux et fiévreux, est un juste et déchirant mélodrame sur l'émancipation féminine et la question du désir de la femme au coeur d'une société ultra-traditionnelle, où choisir est un synonyme de sacrifice inéluctable.
Rester et vivre un mensonge monotone sans âme, ou partir et accepter que la censure sociale et les scrupules insidieusement distillés, soit le poids quotidien de la liberté.
Dans tous les cas de figure, Toko, symbole de milliers d'autres femmes, ne pas tout avoir et est piégée, pour toujours, et cette prison existentielle est filmée avec une intensité et une délicatesse rares par Yukiko Mishima, définitivement un talent à suivre à l'avenir.


Jonathan Chevrier


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