Breaking News

[CRITIQUE] : After Blue (Paradis Sale)


Réalisateur : Bertrand Mandico
Acteurs : Elina Löwensohn, Paula Luna, Vimala Pons,...
Distributeur : UFO Distribution
Budget : -
Genre : Science-fiction, Thriller.
Nationalité : Français.
Durée : 2h07min.

Synopsis :
Dans un futur lointain, sur une planète sauvage, Roxy, une adolescente solitaire, délivre une criminelle ensevelie sous les sables. A peine libérée, cette dernière sème la mort. Tenues pour responsables, Roxy et sa mère Zora sont bannies de leur communauté et condamnées à traquer la meurtrière. Elles arpentent alors les territoires surnaturels de leur paradis sale…



Critique :


Rares sont les films dit de la " confirmation " qui cherchent à dérouter autant si ce n'est plus, que les premiers efforts de cinéastes déjà gentiment singuliers, et c'est sans doute parce que son cinéma ne ressemble à aucun autre dans l'hexagone, que Bertrand Mandico s'est dit qu'il allait passer plus que la seconde avec After Blue (Paradis Sale).
Une véritable proclamation cinématographique de son " Manifeste de l'incohérence " dont les premiers instants (la rencontre entre Roxy et Kate) laissant - faussement - transparaître l'idée d'une relecture féministe et dystopique d'Aladdin racontée avec des paillettes, des filtres rouges et bleus et un bon paquet d'érotisme, avant qu'il n'épouse pleinement ses contours de western science-fictionnel lesbien et surréaliste, rejeton hybride et interdit entre les cinémas de Lynch, Waters et Jodorowski.

Copyright Paname Distribution / UFO

Comme pour Les Garçons Sauvages, qui dans une excitation fébrile et sauvage scrutait un monde s'effondrer et un autre émerger de zéro, ou chaque norme était remise en question, After Blue dépeint une humanité - ou tout du moins, ce qu'il en reste - qui erre sur une planète lointaine; sorte d'ancien paradis transformé en friche ou l'Armageddon n'a laissé aucune machine, aucun écran et même aucun homme.
En son cœur se trouve Roxy, une adolescente vivant avec sa mère Zora (Elina Löwensohn, actrice fétiche du cinéaste) dans un village niché dans un coin reculé de la planète. 
Au début du film, elle erre le long de la plage et se fait harceler par trois filles de son âge jusqu'à ce qu'elle aperçoit soudain une tête sortant du rivage.
Ce serait Katajena Bushowsky, alias Kate Bush, une criminelle enterrée vivante dans le sable par une milice étrangère dans l'espoir qu'elle se noierait à la première marée haute - ce dont Roxy n'a nullement connaissance.
Lorsque la tête enduite d'algues demande de l'aide, elle n'hésite pas une seule seconde, répond à l'appel et arrache l'étrangère du sable.
En échange de la miséricorde de Roxy, elle lui promet de réaliser trois de ses souhaits " inavoués ", dont le premier est tout simplement de massacrer les trois filles qui l'avaient tout juste tourmenté.
Mais il ne faut pas longtemps pour que la nouvelle du triple meurtre se répande dans le village et, cherchant à se venger, les mères des adolescentes décédées ordonnent à Zora et à sa fille de quitter le village et de ne revenir qu'une fois qu'elles auront traqué puis tué Kate Bush...

Copyright Paname Distribution / UFO

S'ensuit alors une véritable fable déglinguée et organique, un pur morceau de Fantasy quelque part entre les Cosmicomics d'Italo Calvino et l'univers sombre et surréaliste des livres de William Burroughs (déjà l'une des grandes inspirations des Garçons Sauvages); une plongée dans une sorte de décharge extraterrestre, un monde déliquescent et excentrique ou tout pourri, qui regorge d'une luxure furieusement débridée et ou le désir dégouline et suinte de corps en corps dans une sorte d'osmose chargée.
Mais si le sexe y est encore plus présent que pour Les Garçons Sauvages (relecture érotico-hallucinatoire de Sa Majesté les mouches), Mandico ne cherche pas tant à rendre palpable et viscérale la fluidité des genres et l'éveil sexuel de sa jeune héroïne, qu'à sonder un esprit tout aussi instable et changeant : l'esprit communautaire, comme s'il était une ressource vitale essentielle à l'humanité.
C'est dans cette mouvance de devoir être souder coûte que coûte pour survivre, que le cinéaste tisse une touchante dynamique mère-fille, ou la matriarche lutte pour ne pas freiner l'éveil sexuel de sa fille, tout en faisant face à sa propre solitude (bien aidé par la performance nuancée et follement mélancolique de Löwensohn).
Moins provocant et captivant que sa démystification des genres au sein de son premier effort, sans doute un poil plombé par son rythme lancinant et une durée passablement étirée (quitte à souvent caler en plein parcours), After Blue regorge néanmoins suffisamment de bizarreries pour maintenir l'attention.

Copyright Paname Distribution / UFO

Des références/détritus du consumérisme, vestiges d'un monde révolu qui, dans la chronologie du film, semblent savoureusement absurdes (des flingues nommés d'après les marques de luxe - Gucci, Paul Smith -, un androïde, seul personnage masculin du film, transformé et désigné comme une marchandise et nommé " Louis Vuitton "), qui peuvent se voir autant comme les fruits d'une remarque sarcastique sur la société de consommation contemporaine, que les maux hantés qui nous mèneront à une apocalypse humaine annoncée.
Dégoulinant d'érotisme sale, fantasme kaléidoscopique d'un cinéaste canalisant toutes ses références (de Krull à Barbarella en passant par Emmanuelle ou encore Apocalypse Now) aussi bien que les talents d'une équipe technique totalement vouée à sa cause (de la partition new wave hypnotique de Pierre Desprat aux décors viscéraux et organiques de Thomas Salabert); After Blue, aussi inégal qu'il puisse être au final (bien qu'on ne peut totalement lui reprocher sa générosité d'effets proche de l'indigestion), n'en reste pas moins une vision exaltante d'une humanité désenchantée, d'un Eden pourri et décadent qui ne pouvait que mal tourner.


Jonathan Chevrier


Aucun commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.