[CRITIQUE/RESSORTIE] : Chronique d’un amour
Réalisateur : Michelangelo Antonioni
Avec : Lucia Bosè, Massimo Girotti, Ferdinando Sarmi,…
Budget : -
Distributeur : Carlotta Films
Genre : Drame, Romance
Nationalité : Italien.
Durée : 1h36min.
Date de sortie : 1 juin 1951
Date de reprise : 26 janvier 2022
Synopsis :
Un riche industriel engage un détective privé pour enquêter sur le passé de sa femme. Se rendant à Ferrare, ville où Paola a vécu et fait ses études, l’homme apprend que sept ans auparavant, la jeune femme a aimé Guido, un modeste vendeur de voitures dont la fiancée s’est suicidée...
Critique :
À l'aube d'une transition post-Seconde guerre mondiale, point de départ de ce qui sera les deux décennies de l'hégémonie quasi-totale du cinéma italien sur le septième art mondial (passé l'âge d'or, Hollywood reprendra réellement la main face à l'industrie ritale qu'au début des années 70), les premiers pas en tant que cinéaste de Michelangelo Antonioni aurait pu s'inscrire, tout comme ses efforts en tant que documentariste, dans un néo-réalisme conventionnel déjà porté par les maîtres Rossellini, Visconti ou encore De Sica.
Sauf que le bonhomme a choisi, consciemment, un chemin opposé et résolument plus existentiel (ou tout du moins plus centrée sur la conscience individuelle), même s'il tire lui aussi ses racines du genre néo-réaliste, un voyage créatif plus abstrait et métaphorique, nourrit d'angoisses et d'amour.
Tout premier long-métrage de fiction qu'il soit, Chronique d'un amour (Cronaca di un amore en V.O.), porte en lui autant tout l'aura de ce qui sera un style qui lui est propre, que toute l'essence même de cette passion irrationnelle, destructrice et sans boussole que l'on retrouvera avec fascination aussi bien dans L'Avventura ou La Notte.
Sorte d'union entre le mélodrame et le film noir Hollywoodien des 40s, le tout à la sauce transalpine, le film suit les affres d'un adultère passionné, entre la jeune Paola, femme du riche industriel jaloux Enrico, et son ancien amant Guido, avec qui elle s'était déjà unit sous le poids de la culpabilité par le passé (ils s'étaient " débarrassés " de la petite amie de ce dernier, Giovanna, deux jours avant leur mariage).
Rappelant instinctivement l'une des matrices du film noir, le roman Le Facteur sonne toujours deux fois de James M. Cain (qui avait déjà été adapté par Visconti pour son premier long-métrage, Ossessione, ou figurait déjà Massimo Girotti), avec son triangle amoureux tortueux et appelé à connaître une issue tragique, Antonioni ne s'intéresse pourtant pas ici à mettre en images la déliquescence des âmes sous les affres d'une passion torride (le pendant extrême de cette romance ne sera d'ailleurs jamais montré à l'écran, même si elle implique deux morts violentes et une enquête policière), mais plus le revers des événements qu'elle provoque, ses conséquences et ce que deux amants ont fait pour minimiser leur impact sur leur vie passée, présente et même future.
Il sanctifiera ici tous les fondements mêmes de son cinéma : l'exploration des relations affectives abîmées, l'anomie de la société italienne de l'époque, l'insatisfaction personnelle des classes supérieures, l'aridité spirituelle et la froideur morale d'une partie de la bourgeoisie (à une heure ou le contexte économique était plus que difficile) ou même le lien intime entre le désir et la mort.
Avec un néo-réalisme qui lui est propre (une interaction complexe entre objectivité et subjectivité, une envie constante de toujours déjouer les attentes de son auditoire ainsi qu'une mise en scène stylisée, porté par de longs plans-séquences), le cinéaste dresse un portrait acéré de la bourgeoisie milanaise, jungle urbaine dans laquelle les gens semblent perdus et ou le luxe scandalisant s'accompagne toujours d'une insatiable et désespérante insatisfaction.
Usant à merveille de sa gestion sûre et ferme des espaces et des décors pour appuyer la psychologie et les motivations de ses personnages (volontairement très archétypaux, des outils symboliques lui permettant de nourrir ses complexes questionnements existentiels) plus qu'avec des mots (une distance qui ne fait que renforcer sa vision), autant qu'il permet à ses comédiens de laisser exploser toute la puissance évocatrice de leur jeu (si le créateur de mode Ferdinando Sarmi et le populaire Massimo Girotti en impose, c'est la merveilleuse Lucia Bosé, ancienne Miss Italie dont c'était le second rôle au cinéma à l'époque, qui vole le show); avec Chronique d'un amour, Antonioni sublime la froideur d'âmes incapables de trouver le moindre réconfort dans leur existence, conscientes qu'elles sont condamnés et ne seront jamais heureuses.
La première pierre à l'édifice d'un cinéma à part, dont les quêtes de vérités tout comme l'amour, sont souvent inconfortables et désenchantés...
Jonathan Chevrier
Avec : Lucia Bosè, Massimo Girotti, Ferdinando Sarmi,…
Budget : -
Distributeur : Carlotta Films
Genre : Drame, Romance
Nationalité : Italien.
Durée : 1h36min.
Date de sortie : 1 juin 1951
Date de reprise : 26 janvier 2022
Synopsis :
Un riche industriel engage un détective privé pour enquêter sur le passé de sa femme. Se rendant à Ferrare, ville où Paola a vécu et fait ses études, l’homme apprend que sept ans auparavant, la jeune femme a aimé Guido, un modeste vendeur de voitures dont la fiancée s’est suicidée...
Critique :
Avec #ChroniquedunAmour, Antonioni dresse autant un portrait acéré de la bourgeoisie milanaise, jungle urbaine ou le luxe s'accompagne toujours d'une désespérante insatisfaction, que celui désenchanté d'âmes condamnées à ne jamais trouver le moindre réconfort dans leur existence. pic.twitter.com/3OeKiDCnLq
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) January 28, 2022
À l'aube d'une transition post-Seconde guerre mondiale, point de départ de ce qui sera les deux décennies de l'hégémonie quasi-totale du cinéma italien sur le septième art mondial (passé l'âge d'or, Hollywood reprendra réellement la main face à l'industrie ritale qu'au début des années 70), les premiers pas en tant que cinéaste de Michelangelo Antonioni aurait pu s'inscrire, tout comme ses efforts en tant que documentariste, dans un néo-réalisme conventionnel déjà porté par les maîtres Rossellini, Visconti ou encore De Sica.
Sauf que le bonhomme a choisi, consciemment, un chemin opposé et résolument plus existentiel (ou tout du moins plus centrée sur la conscience individuelle), même s'il tire lui aussi ses racines du genre néo-réaliste, un voyage créatif plus abstrait et métaphorique, nourrit d'angoisses et d'amour.
Tout premier long-métrage de fiction qu'il soit, Chronique d'un amour (Cronaca di un amore en V.O.), porte en lui autant tout l'aura de ce qui sera un style qui lui est propre, que toute l'essence même de cette passion irrationnelle, destructrice et sans boussole que l'on retrouvera avec fascination aussi bien dans L'Avventura ou La Notte.
Copyright Les Acacias / Carlotta Films |
Sorte d'union entre le mélodrame et le film noir Hollywoodien des 40s, le tout à la sauce transalpine, le film suit les affres d'un adultère passionné, entre la jeune Paola, femme du riche industriel jaloux Enrico, et son ancien amant Guido, avec qui elle s'était déjà unit sous le poids de la culpabilité par le passé (ils s'étaient " débarrassés " de la petite amie de ce dernier, Giovanna, deux jours avant leur mariage).
Rappelant instinctivement l'une des matrices du film noir, le roman Le Facteur sonne toujours deux fois de James M. Cain (qui avait déjà été adapté par Visconti pour son premier long-métrage, Ossessione, ou figurait déjà Massimo Girotti), avec son triangle amoureux tortueux et appelé à connaître une issue tragique, Antonioni ne s'intéresse pourtant pas ici à mettre en images la déliquescence des âmes sous les affres d'une passion torride (le pendant extrême de cette romance ne sera d'ailleurs jamais montré à l'écran, même si elle implique deux morts violentes et une enquête policière), mais plus le revers des événements qu'elle provoque, ses conséquences et ce que deux amants ont fait pour minimiser leur impact sur leur vie passée, présente et même future.
Il sanctifiera ici tous les fondements mêmes de son cinéma : l'exploration des relations affectives abîmées, l'anomie de la société italienne de l'époque, l'insatisfaction personnelle des classes supérieures, l'aridité spirituelle et la froideur morale d'une partie de la bourgeoisie (à une heure ou le contexte économique était plus que difficile) ou même le lien intime entre le désir et la mort.
Avec un néo-réalisme qui lui est propre (une interaction complexe entre objectivité et subjectivité, une envie constante de toujours déjouer les attentes de son auditoire ainsi qu'une mise en scène stylisée, porté par de longs plans-séquences), le cinéaste dresse un portrait acéré de la bourgeoisie milanaise, jungle urbaine dans laquelle les gens semblent perdus et ou le luxe scandalisant s'accompagne toujours d'une insatiable et désespérante insatisfaction.
Copyright Les Acacias / Carlotta Films |
Usant à merveille de sa gestion sûre et ferme des espaces et des décors pour appuyer la psychologie et les motivations de ses personnages (volontairement très archétypaux, des outils symboliques lui permettant de nourrir ses complexes questionnements existentiels) plus qu'avec des mots (une distance qui ne fait que renforcer sa vision), autant qu'il permet à ses comédiens de laisser exploser toute la puissance évocatrice de leur jeu (si le créateur de mode Ferdinando Sarmi et le populaire Massimo Girotti en impose, c'est la merveilleuse Lucia Bosé, ancienne Miss Italie dont c'était le second rôle au cinéma à l'époque, qui vole le show); avec Chronique d'un amour, Antonioni sublime la froideur d'âmes incapables de trouver le moindre réconfort dans leur existence, conscientes qu'elles sont condamnés et ne seront jamais heureuses.
La première pierre à l'édifice d'un cinéma à part, dont les quêtes de vérités tout comme l'amour, sont souvent inconfortables et désenchantés...
Jonathan Chevrier