[CRITIQUE] : Sunless Shadows
Avec : -
Budget : -
Distributeur : Les Films du Whippet
Genre : Documentaire.
Nationalité : Iranien, Norvégien.
Durée : 1h14min.
Synopsis :
Dans un centre de détention, des adolescentes se livrent devant la caméra de Mehrdad Oskouei. Il parvient à tisser un lien étroit avec les détenues dont il observe les conversations franches, les échanges ludiques. Elles révèlent leurs pensées intimes, leurs sentiments et leurs doutes. Il devient petit à petit clair qu’au-delà de la prison, cet environnement fermé et entièrement féminin représente un refuge qui les protège d’une société dominée par les hommes.
Critique :
Comme pour #DesRêveSansÉtoiles, le doc #SunlessShadows suit une poignée de jeunes femmes iraniennes emprisonnées et leur offre l'occasion de s'exprimer, des femmes longtemps maltraitées qui trouvent enfin et paradoxalement, leur liberté et leur épanouissement dans l'incarcération pic.twitter.com/3j1MuYPucR
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) January 29, 2022
Si le cinéaste iranien Merhad Oskouei avait déjà donné la parole aux adolescentes d'un établissement correctionnel pour mineurs de Téhéran, dans le formidable documentaire Des rêves sans étoiles en 2017, il enfonce le clou dans son nouvel effort, Sunless Shadows, en donnant encore plus de corps aux témoignages d'une poignée de femmes criminelles (mineurs pour la majorité) mais aussi et surtout victime de négligences familiales et institutionnelles, alimentées par une société et un système pénale qui ne tient pas compte de ce qu'elles ont subi au quotidien.
Copyright Les Films du Whippet |
Une prolongation de la même enquête du cinéaste en somme, ou il suit cette fois ces gemmes jugées pour avoir tué un parent de sexe masculin, sondant les raisons de leur passage à l'acte (un point de rupture qui est très souvent, un manque de soutien à tous les niveaux) tout en dressant, à travers leurs mots, un portrait accablant de la politique et de la hiérarchies de genre dans la société iranienne.
Plus encore que pour Des rêves sans étoiles, Oskouei s'efface complètement ou presque derrière ses interlocutrices, via un dispositif de configuration vidéo-confessionnelle, dans lequel ses sujets parlent directement et sans intermédiaire, à la caméra en s'adressant soit à leurs victimes, soit à d'autres membres - mères à ou soeurs - de leur famille elles aussi emprisonnées (ce qui amène les séquences les plus déchirantes du documentaire, quand les mères voient les vidéos que leurs filles leur ont adressés).
Stoïquement stimulant dans l'éventail imposant des points de vue qu'il présente, démontrant qu'écouter les témoignages ne signifie pas toujours être en accord avec ce qui est dit, même si l'empathie est bel et bien présente et l'émotion palpable.
Ne se perdant jamais dans un misérabilisme ou une surenchère émotionnelle putassière et forcée (il est même réconfortant, malgré la tragédie évidente, de voir les jolies touches quotidiennes d'humour et de joie éphémère que les filles trouvent entre elles), Oskouei noue un rapport de confiance avec ces jeunes femmes et leur donne l'occasion de simplement s'exprimer, chose essentielle qui leur a été refusée jusqu'à présent.
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Des femmes qui admettent sans sourciller que la vie entre les murs de la prison est plus sûre, plus calme et plus épanouissante que la vie à l'extérieur; des femmes longtemps maltraitées qui trouvent enfin et, paradoxalement, leur liberté et leur épanouissement dans l'incarcération.
Et la beauté dévastatrice de Sunless Shadows est de pointer cette vérité avec grâce du bout de sa caméra, sans jamais le surligner plus que de raison.
Jonathan Chevrier