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[CRITIQUE] : Spencer

Réalisateur : Pablo Larraín
Avec : Kristen Stewart, Timothy Spall, Jack Farthing, Sean Harris, Sally Hawkins, …
Budget : -
Distributeur : Amazon Prime Video France
Nationalité : Britannique, Allemand
Genre : Biopic, Drame
Durée : 1h57min

Synopsis :
Le mariage de la princesse Diana et du prince Charles s'est terni depuis longtemps. Bien que les rumeurs de liaisons et de divorce abondent, la paix est ordonnée pour les festivités de Noël au domaine de la reine à Sandringham. Il y a à manger et à boire, à tirer et à chasser. Diana connaît le jeu. Mais cette année, les choses seront bien différentes. Spencer est une illustration de ce qu’il aurait pu se passer pendant ces quelques jours fatidiques.



Critique :


S’il y a bien un réalisateur bravant avec talent l’exercice du biopic, c’est Pablo Larraín. Avec Jackie, il avait rigoureusement peint le portrait de l’ex-Première Dame des États-Unis au moment où, subitement, elle perdait son mari. Il réitère l’exploit avec son nouveau film, Spencer, qui sort directement en SVOD le 17 janvier sur Prime Video.

Lady Di, figure éternellement tragique de la famille royale anglaise, continue d’exercer une fascination morbide. Sa mort, survenue pendant l'été 1997, mettait un point final à une existence médiatisée depuis son mariage avec le Prince de Galles, futur roi d’Angleterre. La série The Crown a ravivé cette fascination l’année dernière, en proposant de nous montrer, dans sa saison 4, la rencontre de ce couple mal assorti. Spencer s’inscrit dans la continuité de la série et nous emmène au moment de Noël, où toute la famille se réunit à Sandringham House pour les fêtes. Kristen Stewart endosse brillamment la voix douce et la fébrilité de Diana pour ce qui semble être ses derniers moments en famille, mariée à Charles.

Copyright Pablo Larraín,DCM

Pour certain⋅es, le moment des fêtes est synonyme de retrouvailles et de joie. Pour d’autres, c'est un calvaire sans fin. Diana se rend seule aux festivités, complètement perdue dans ces terres qui l’on vu naître pourtant. Dans sa petite voiture, peu habillée pour contrer le froid hivernal de la campagne anglaise, elle demande naïvement son chemin à des autochtones, bouche bée de voir en chair et en os leur princesse adorée. Loin du conte de fée, cette princesse se rend de son plein gré dans sa prison dorée, pour trois jours de torture. Les cuisines, où le chef et ses troupes vont préparer le repas, nous l’annoncent « Silence, ils peuvent nous entendre ! ». Diana en fera douloureusement les frais. Il n’existe aucun secret entre ces murs, aucune parole ne reste sans conséquence.

Sandringham House se mue en château hanté sous le regard du cinéaste chilien, et Diana en héroïne gothique, naïve au premier abord, perdue, sans substance. Mais déjà, la princesse se rebelle. Elle refuse d’être pesée, refuse le changement de sa femme de chambre, refuse de suivre le protocole. La famille royale et surtout la reine, plane au-dessus d’elle, comme une épée de Damoclès. On ne les verra peu et pourtant, leur présence diffuse amène une atmosphère de suspens, parfois intenable. Ils sont dans les tenues qu’elle doit porter, dans la façon qu’ont les domestiques de la scruter, dans ces murs et ces portes qui semblent avoir des yeux et des oreilles. Diana cherche constamment la solitude et le calme mais elle sera constamment interrompue. Si le cadre explore sa détresse lors de gros plans, les autres protagonistes forcent la mise en scène à l’élargir pour rentrer dans le champ et faire revenir Diana sur le droit chemin. Pablo Larraín joue intelligemment sur cette dichotomie. Alors que les plans larges sont souvent synonyme de liberté, il semblerait qu’ici se soient les plans resserrés qui offrent au personnage un semblant de liberté et d’émancipation, auxquelles Diana aspire de plus en plus. La lumière de Claire Mathon joue dans ce sens également, clair-obscure. C’est dans le creux de la nuit, dans la pénombre que Diana chercher à s’échapper et retrouver la maison de son enfance maintenant abandonnée. La lumière claire cherche seulement à l’enfermer encore plus et à révéler sa vulnérabilité.

Copyright Pablo Larraín,DCM

C’est par son corps que Diana semble trouver un semblant de contrôle. Par les habits qu’elle décide de mettre (ou de ne pas mettre). Par la nourriture qu’elle ingurgite et qu’elle décide de ne pas garder en elle (dans de douloureuses scènes de vomissement). Un corps sur lequel la famille royale essaye de reprendre le contrôle, en lui demandant de ne pas le dévoiler à la fenêtre comme elle dévoile sa vie privée. On lui coud alors ses rideaux, avec comme prétexte des journalistes fictifs, qui viendraient la déposséder de son histoire. Mais ce sont plutôt les membres royaux, figés dans leur tradition et leur idéaux, qui la dépossèdent de son être. Seuls ses enfants, William et Harry, ravivent les flammes de son moi. Son rôle de mère, qu’elle prend au sérieux, la tient debout et l’aide à traverser les épreuves.

Plus qu’une histoire royale, Spencer dévoile surtout le destin d’une femme qui perd le contrôle. C’est en faisant corps avec son passé, avec le passé de la famille royale (et le fantôme de Anne Boleyn, autre figure tragique d’épouse de roi d’Angleterre) et avec son avenir (ses enfants) que Diana retrouvera son identité et choisira de faire fi des convenances.


Laura Enjolvy



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