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[CRITIQUE] : Souterrain


Réalisatrice : Sophie Dupuis
Acteurs : Joakim Robillard, Théodore Pellerin, James Hyndman,...
Budget : -
Distributeur : Les Alchimistes
Genre : Drame.
Nationalité : Canadien, Québécois.
Durée : 1h37min.

Synopsis :
Maxime, la vingtaine, travaille dans la mine d’or d’une petite ville du Québec. Ici, tout le monde se connaît et tout le monde connaît la mine. A l'origine d'un drame qui a failli coûter la vie à Julien, son ami d'enfance, il est en proie aux doutes et à la culpabilité. Lorsqu'une violente explosion retentit sous terre, Maxime voit l’occasion de se racheter : il descend dans l’antre de la mine avec la ferme intention de ramener chacun de ses collègues et amis vivants…



Critique :


Peu de professions sont aussi périlleuses que peut l'être celle de mineur, souvent choisie d'ailleurs plus par nécessité que par réelle vocation.
Chaque voyage dans les profondeurs obscures de la terre apporte avec lui ses peurs légitimes (explosions, effondrements,...) qui peuvent amener une poignée d'hommes à rester " au mieux " piégés pendant des jours sans nourriture ni eau, ou tout simplement connaître une mort horrible.
Il n'y a pas de science exacte ni de juste milieu : soit les choses se passent bien, soit elles virent à la catastrophe.
Et c'est ce versant et les peurs qu'il (en)traîne avec lui, que choisit la scénariste et réalisatrice Sophie Dupuis comme toile de fond de son second long-métrage, Souterrain, un mélodrame social naturaliste vissé sur une poignée de mineurs d'une équipe de sauvetage confrontés à une explosion dans leur mine, et plus directement le fougueux et troublé Maxime.
Tête brûlée à la masculinité plus qu'affirmée, le récit le suit et l'éprouve au détour de son quotidien de mineur, mais aussi de conjoint (son incapacité à devenir père et la nouvelle fausse couche de sa femme, qu'il prend avec colère surtout quand celle-ci émet le souhait d'adopter un enfant, ce qu'il perçoit presque comme une émasculation volontaire) et d'ami (avec Julian, un ancien ouvrier de la mine qui a subi une grave lésion cérébrale dans un accident de voiture justement causé par la conduite en état d'ébriété de Maxime).

Copyright Les Alchimistes

Vrai film d'hommes capturé avec une empathie sincère et un amour marqué au genre (une tension constamment inconfortable couplée à un dernier tiers peut clairement se voir comme un survival minier), sorte de cousin lointain catapulté au coeur d'une communauté minière du Québec, au formidable Démineurs de Kathryn Bigelow, le long-métrage et sa structure à rebours (tout en flashbacks, dans l'élan même d'une catastrophe qui sert d'ouverture), se veut autant comme une plongée réaliste dans un univers profondément viriliste - à la camaraderie à toute épreuve -, que la lente quête de rédemption d'une âme rongée par la colère et la culpabilité.
Si toutes ses ambitions ne se télescopent pas toujours au mieux, la faute à une narration charriant avec plus ou moins d'adresse une pluie de thèmes forts qui dans leur accumulation, viennent ankyloser plus que de raison sa narration (le handicap et l’isolement qu’il provoque, les dangers de l’alcool au volant, les difficultés des rapports père-fils, la fausse couche et le traumatisme qu’elle représente, l’adoption et son refus, la paternité biologique vue comme indispensable à l’affirmation de sa virilité,...), Souterrain n'en reste pas moins une solide et sensible curiosité, véritable antithèse de ce que le genre a - généralement - pu fournir de l'autre côté de l'Atlantique.
Un morceau de cinéma généreux et exigeant qui, à défaut d'être pleinement accompli, fait preuve d'un savoir-faire évident que ce soit dans sa mise en scène sobre (alternant gros plans et prises de vue prolongées pour mieux faire grimper la tension) ou sa direction d'acteurs au diapason (excellents Joakim Robillard et Théodore Pellerin).
Le cinéma canadien et québécois va (très) très bien.


Jonathan Chevrier