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[TOUCHE PAS NON PLUS À MES 90ϟs] : #130. Perdita Durango

Copyright Splendor Films

Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 90's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 90's c'était bien, tout comme les 90's, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, prenez votre ticket magique, votre spray anti-Dinos et la pillule rouge de Morpheus : on se replonge illico dans les années 90 !



#130. Perdita Durango d'Alex de la Iglesia (1997)

Au rayon des - nombreuses - injustices ayant émaillées la foisonnante carrière de l'inestimable génie ibérique Alex de la Iglesia, force est d'admettre que l'exploitation en dents de scie de son merveilleusement subversif Perdita Durango se pose bien là, tant sa carrière en salles a été tuée dans l'oeuf par une comparaison à tort, avec le sanglant mais définitivement moins maîtrisé Tueurs Nés d'Oliver Stone.
Après plus de deux décennies, l'erreur est enfin corrigée et cette pépite noire peut enfin se mirer sur un grand écran qui ne demandait - presque - que cela (et dans un director's cut qui lui va si bien), en cette rentrée riche en bonnes péloches, mais manquant cruellement de piment.
Subtilement pensée et mûrie pour le cinéma, ce spin-off ou plutôt vrai/fausse suite directe du Sailor & Lula de David Lynch (le film est lui aussi, adapté d'un roman de Barry Gifford, 59 Degrees and Raining: The Story of Perdita Durango), estampillé premier long-métrage made in America de l'espagnol, n'a décemment rien à voir avec l'ode romantico-furieuse et incendiaire du papa de Blue Velvet - qui présentait d'ailleurs furtivement le personnage, sous les traits d'Isabella Rosselini.

Copyright Splendor Films

Bourré de références cinématographiques (Vera Cruz en tête), brisant continuellement les courbes affriolantes de sa fuite en avant déglinguée de deux amants aussi compatibles qu'ils sont dangereux, Iglesia laisse continuellement parler son instinct primaire et son excessivité légendaire dans un maelstrom de sexe cru, de violence qui déboite et d'humour vachard - avec même une bonne grosse pincée de satanisme bigarré -, dont la soif pour la déviance semble éternellement impossible à étancher.
Ne s'interdisant rien pour graver dans la marge de l'Ouest ses anti-héros iconiques (incarnés sauvagement autant par une Rosie Perez badass et littéralement à tomber, que par un Javier Bardem creapy as hell et au look totalement reprouvé), deux âmes dénuées d'empathie qui observe l'humanité avec cynisme, tout en laissant fièrement s'entrechoquer ses habitudes (son amour reconnu pour les figures marginales, mais aussi sa fascination terrifiée pour le mal absolu et le côté obscur en chacun de nous) et thématiques les plus chers (le christianisme et l'occultisme en tête); le cinéaste sanctifie sa malsaine méchanceté dans une oeuvre savamment pulp qui transpire le sang et la poussière, un trip indompté et inconfortable sculpté dans une amoralité brute et pure.
Une merveille, rien de moins, dont la ressortie, ou plutôt sortie en l'occurrence le concernant, est une séance immanquable de cette rentrée ciné 2021.


Jonathan Chevrier