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[LES CARNETS DE L’ÉTRANGE] : Jour 10

Étrange Festival cuvée 2021 : J-10.


Le rendez-vous de la rentrée pour les cinéphiles parisiens est, comme chaque année, L’Étrange Festival et son lot de curiosités venues des quatre coins du monde. Né en 1993, l’évènement prend place, cette année et comme d’habitude, au Forum des images, dans le centre de la capitale. C’est un immanquable pour tous les passionnés d’horreurs, de genre, de bizarre, de tout ce qui sort des écrans conventionnels et qu’on ne verrait pas ailleurs. Cette année, le festival propose sa traditionnelle compétition, sa sélection Mondovision, ses découvertes de nouveaux talents et ses trouvailles de documentaires mais aussi des cartes blanches et focus. La réalisatrice Lynne Ramsay a ainsi amené quelques œuvres avec elle, tout comme Pierre Bordage. On retrouve, enfin, des projections des films de Atsushi Yamatoya, un focus Fred Halsted et trois films de Yûzô Kawashima.

C’est un programme fort alléchant auquel on est ravi d’assister. Nos rédacteurs se font un plaisir de découvrir, pour vous, ces inédits ou ces rétrospectives.

Adilkhan Yerzhanov est un habitué de L’Etrange Festival. Le réalisateur, très prolifique, avait deux de ses films projetés dans la catégorie Mondovision. Manon, qui avait déjà été touchée par Ulbolsyn, se dirige, en dixième jour de festival, vers Yellow Cat. Kermek, un ex-truand fasciné par Alain Delon dans Le Samouraï décide d’ouvrir son cinéma dans la montagne. Il s’enfuit avec Eva, une jeune prostituée mais est vite rattrapée par ses anciens compagnons à qui il doit de l’argent. Notre rédactrice a, encore une fois, été enchantée par une œuvre de Yerzhanov : « comme souvent chez le réalisateur, les personnages peuvent paraître un peu simplets car ils se comportent comme des enfants, perdu dans un monde trop dur pour eux. Kermek représente à la fois le rêve naïf d’un ailleurs et la relation candide à la culture cinématographique. Il confie n’avoir jamais vu le film en entier, ne disposant que d’une heure de télévision à l’orphelinat mais il s’appuie sur sa passion pour devenir quelqu’un de meilleur, pacifiste. Eva masque ses traumatismes sous un comportement exubérant. Yerzhanov enchaîne, dans un dispositif minimaliste, les références et convoque Malick dont la beauté des plans et la spiritualité doivent cohabiter avec un humour absurde. Le propos est clair : le Kazakhstan est un pays cruel qui, enfoui sous ses démons, ne laisse pas place au rêve. Il est extraordinaire de voir une œuvre qui arrive à en dire tant à travers seulement quelques plans fixes, avec l’identité humble propre au réalisateur qui se positionne au même rang que son personnage naïf : fasciné par le cinéma français. »

© D.R.

On laisse place à la catégorie Nouveaux Talents avec la seconde projection de Censor de Prano Bailey-Bond. Dans l’Angleterre thatchérienne des années 80, en pleine chasse aux video nasties, Enid, une jeune femme au passé douloureux, est chargée de repérer les films d’horreur à censurer ou à interdire. Tombant sur une œuvre réveillant ses terribles souvenirs, elle va chercher à en démêler les secrets, à ses risques et périls. Léa avait beaucoup aimé mais son enthousiasme n’a pas été partagée par Manon, très déçue : « Censor a un bon postulat mais demeure extrêmement grossier, tant dans son récit que dans la psychologie de son personnage principal. L’idée de la l’héroïne qui perd avec la réalité à la suite d’un traumatisme et devient un danger pour les autres est ringarde, simplette, la mise en scène est globalement insipide. Il reste cependant quelques bons points sur la forme : l’ouverture du film qui mélange VHS et réalité et la toute fin, qui aborde enfin, avec un humour noir, l’impossibilité d’un monde parfait. Profitons-en pour se rincer les yeux avec du sang qui gicle ! »

© D.R.

De leur côté, John et Eléonore rattrapent Barbaque, qui avait fait l’ouverture de cette édition du festival. Léa avait dit, à ce sujet : « on n’est clairement pas devant un chef d'œuvre, tout relève de la caricature, mais ça fait quand même du bien de rire de soi-même ». John en a tiré une critique complète - que vous pouvez retrouver ici -, qu’il résume en ces quelques mots : « Mélange hybride et décomplexé entre la satire macabro-acide, le slasher romantico-viandard et la comédie horrifico-étrange, dont la révérence plus qu'assumée à C'est arrivé près de chez vous fait qu'il rêve - un peu trop - d'être embaumé par le même cynisme pur et dérangeant, Barbaque frustre autant qu'il nous laisse sur notre faim, car à taper équitablement sur tout le monde sans le moindre recul critique, on finit par taper... dans le vent. » Eléonore a aussi été déçue : « Comment gâcher un pitch prometteur avec un humour boomer caricatural et une photo trop insipide. Trop attendu, pas assez provocateur, dommage. Je sauve les quelques séquences de tuerie se rapprochant le plus d'un genre d'humour noir qui m'ont vaguement fait sourire »

© Cécile-Mella - 24-25 Films - Apollo Films - Orange Studio - France 3 Cinéma

La journée se termine avec un film de la compétition, Offseason, réalisé par Mickey Keating. Direction les Etats-Unis donc, pour découvrir l’histoire de Marie, qui a reçu une lettre mystérieuse au sujet de la sépulture de sa mère, sur une petite île isolée. Elle s’y rend donc avec son petit-ami mais dès leur arrivée, quelque chose de bizarre rode… Manon évoque un « le pire sound design du festival » avant de développer un peu : « Offseason sature son espace sonore d’ajouts de tous les poncifs du film d’horreur, avant de surenchérir avec une musique bien trop appuyée, qui rend des scènes effrayantes presque risibles. Il y a une sorte de décalage constant sur l’action, qui semble volontaire par la quasi-omniscience acquise par le personnage, mais qui n’est jamais complètement justifiée. On attend, tout le long, une métaphore qui ne vient jamais… Soit le film est donc complètement creux, soit il n’est vraiment pas assez clair dans ses ambitions. Dommage. »

Léa rejoint l’avis de Manon, avec ce qu’elle décrit à son tour comme étant sa « première vraie déception du festival » : « Offseason partait pourtant d’un postulat intéressant : une tombe endommagée, une île de Floride paradisiaque, et de la brume. Mais qu'est-ce que les plans sont longs, et pour ne rien dire ! Le scénario masque son intérêt limité derrière un faux mystère, les performances d’acteurs sont risibles, même les costumes sont nazes. Ce qui aurait pu être un petit épisode de série efficace, est un film insupportable alourdis par les gros plans sur le visage à peine crédibles de l’actrice principale. Il fallait bien un navet dans cette compétition ! »

© D.R.

Il ne reste à présent plus que deux jours de festivals mais ce dernier week-end s’annonce encore riche en découvertes !


La Fucking Team (Manon Franken)