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[CRITIQUE] : Le Soupir des Vagues


Réalisateur : Kōji Fukada
Avec : Dean Fujioka, Taiga, Junko Abe,...
Distributeur : Art House
Budget : -
Genre : Fantastique, Romance.
Nationalité : Japonais, Français, Indonésien.
Durée : 1h29min

Synopsis :
En quête de ses racines, Sachiko rend visite à sa famille japonaise installée à Sumatra. Tout le monde ici essaie de se reconstruire après le tsunami qui a ravagé l’île il y a dix ans. A son arrivée, Sachiko apprend qu'un homme mystérieux a été retrouvé sur la plage, vivant. Le village est à la fois inquiet et fasciné par le comportement de cet étranger rejeté par les vagues. Sachiko, elle, semble le comprendre…



Critique :


Lieutenant - plus ou moins - officieux d'une jeune génération de cinéastes japonais résolument tourné vers l'international, Kōji Fukada, dont l'influence du cinéma français (surtout la filmographie bénie d'Éric Rohmer) est aussi flagrante que ses efforts ont une fâcheuse tendance à prendre - vraiment - leur temps pour atteindre nos salles obscures, aurait dû connaître un été sans nuage dans nos contrées, avec pas moins de quatre péloches en l'espace de deux mois.
Pas aidé par une distribution férocement dictée par la conjoncture actuelle, seule sa savoureuse comédie sociale Hospitalité, et son conte poético-mystique Le Soupir des Vagues, viendront finalement à nous.

Copyright Arthouse

Tissant une sorte de lien palpable entre le film de fantôme japonais et le jeu de rôles romantique citant son merveilleux Au Revoir l'Été, l'effort le plus Rohmerien du cinéaste (même s'il est ici purgé de tout son humour et de ses quiproquos mordants, male également de son léger pincement érotique), la péloche se segmente dans une intrigue à deux voies (très) conventionnelle, jamais totalement relevée par une mise en scène manquant cruellement d'énergie et de profondeur (frappée même parfois d'un profond désinvestissement face à son cadre pourtant furieusement cinématographique).
D'un côté, le voyage contemplatif et cotoneux d'une jeune femme nippone à la recherche du lieu choisi par son père, pour disperser ses cendres, qui se transforme peu à peu en quête pluriel de racines d'une poignée de jeunes adultes à la recherche de leurs racines, mais aussi de base pour construire leurs existences.
De l'autre, le portrait d'une figure - possiblement christique ou symbole criant de l'animisme nippon - mutique et mystérieuse échouée une plage de l’île de Sumatra, dont les pouvoirs magiques fascinent la population locale.
Et c'est peut-être ce pan du récit (citant instinctivement L'Étranger mystérieux de Mark Twain, tout comme L'infirmière finalement) résolument plus énigmatique et moins familier que les atermoiements sentimentaux de sa poignée de protagonistes, qui suscite le plus l'intérêt - passionnant mais frustrant - du métrage, montrant un aperçu des réelles aptitudes de funambule que possède Fukada pour mélanger les genres et explorer avec minutie ses thèmes obsessionnels (la découverte de soi à travers l'autre en tête).
Le personnage de Laut - qui signifie Océan en Indonésien - et ses exploits " magiques " symbolisent autant la dangerosité (mutique, imprévisible et impénétrable), l'espoir (écologique) que la conjuration/rédemption d'une terre supliciée par la puissance tragique et implacable de mère nature (autant le tsunami de 2004 que celui, plus récent, de Fukushima en 2011), mais aussi la rudesse stupide de l'homme - les relations difficiles entre le Japon et l'Indonésie.

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D'autant plus que le cinéaste n'use pas tant frontalement la grammaire du fantastique qu'il en dédramatise son impact, tant il s'échine tout du long à démonter la frontière entre imaginaire, croyance et réalité, via un réalisme accru parfois à la lisière du documentaire, pour mieux nourrir sa fable onirique mais inaboutie au romantisme transcendantal et interculturel.
Face à un océan d'un bleu céruléen, Fukada pose plus de questions qu'il ne cherche à donner de réponses (que ce soit sur des valeurs culturelles, religieuses, humaines ou même tout simplement linguistiques), et fait du Soupir des Vagues une balade silencieuse et poétique ou il confronte autant ses personnages que son auditoire, face à leurs propres sentiments et une nature qui donne tout - même la vie - autant qu'elle reprend.
On pourra trouver le procédé vain, mais l'invitation mérite pourtant clairement son pesant de pop-corn.


Jonathan Chevrier


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