[Y-A-QUOI A LA TELE CETTE SEMAINE ?] : #131. Semaine du 18 au 25 avril
Chaque semaine je continue à faire — pour vous — le tour des programmes TV en extirpant de tout cela une offre cinématographique autour de trois œuvres. Mais, je vais aussi vous proposer des contre-programmations ainsi que des secondes parties de soirée pour les cinéphiles insomniaques.
Semaine du 18 Avril au 24 Avril.
Dimanche 18 Avril. First Man : Le Premier Homme sur la Lune de Damien Chazelle sur France 2.
Pilote jugé « un peu distrait » par ses supérieurs en 1961, Neil Armstrong sera, le 21 juillet 1969, le premier homme à marcher sur la lune. Durant huit ans, il subit un entrainement de plus en plus difficile, assumant courageusement tous les risques d’un voyage vers l’inconnu total. Meurtri par des épreuves personnelles qui laissent des traces indélébiles, Armstrong tente d’être un mari aimant auprès d’une femme qui l’avait épousé en espérant une vie normale.
Après l’étourdissement mondial que fut Lalaland, une question se posait, et après ? Damien Chazelle n’allait-il, forcément, décevoir ? First Man fout en l’air ces interrogations en se dressant comme un immense film dont on ressort sonné. Le cinéaste signe ici une œuvre chirurgicale à la tristesse infinie, qui vient entailler nos émotions pour extirper, plus qu’une conquête spatiale, la reconquête du soi. Un soi qui vient flirter avec la mort pour apaiser ses douleurs. C’est là toute la force du métrage qui s’éloigne de l’exercice académique du biopic pour aller chercher autre chose, ici les traumas d’une vie et comment leurs cicatrisations est douloureuses. Splendidement mis en musique par un Justin Hurwitz capable de nous couper le souffle lors d’un alunissage dantesque et de venir nous faire écraser une larme quand un couple se retrouve vitre contre vitre. Grand film.
Mardi 20 Avril. Le Cinquième Élément de Luc Besson sur France 2.
Égypte, 1914. Des extraterrestres récupèrent quatre pierres magiques, symboles des quatre éléments, jadis confiés à des prêtres. Avant de partir, les extraterrestres promettent que dans 300 ans, ils rapporteront les précieux cailloux. Au XXIIIe siècle, alors qu’ils font route vers la Terre, ils sont anéantis par la planète du Mal. Les habitants de ce monde maléfique, les Mangalores, s’emparent des pierres et foncent vers la Terre.
En 2017, Luc Besson réalise son rêve, adapter la BD de Pierre Christin et Jean-Claude Mézières Valérian et Leureline. Malheureusement, le résultat, loin d’être catastrophique, est tout juste sympathique, mais surtout le film se fait totalement éclipser par Le Cinquieme Element du même Besson sorti 20 ans avant. Car oui, si officiellement le film mettant en scène Bruce Willis et Milla Jovovich est une idée originale, on sent l’influence de l’œuvre de Christin et Mézières planer tout du long. En ressort un space opera extravagant et vivace, doté d’un univers melting-pot où les idées de mises en scène les plus folles (cette scène d’action sur de l’opéra) côtoient un délicieux kitsch. Le Cinquième Element est presque camp, loufoque par moment, burlesque aussi, mais surtout il s’inscrit comme le chef d’œuvre de son auteur et qui rendra son Valérian d’une fadeur inouïe. Bref, on se refait Le Cinqueime Element.
Mercredi 21 Avril. Traffic de Steven Soderbergh sur Arte.
Sur le trajet des stupéfiants s’entrecroisent des destins. Javier Rodriguez, policier mexicain, travaille à la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Aux États-Unis, un juge de la cour suprême de l’Ohio est nommé par le Président à la tête de la lutte antidrogue, alors que sa fille Caroline est devenue toxicomane. À San Diego, le riche mari d’Helena est arrêté, accusé d’être le caïd de la région, elle se retrouve enceinte et à la rue.
Avec Traffic, Steven Soderbergh orchestre un film puzzle où les intrigues, multiples, se croisent, s’influencent, s’entrechoquent. Loin de tout manichéisme, le cinéaste passe, sans jamais juger, de personnage en personnage, de la justice à la contrebande afin de mieux cartographier son sujet. Sans le vouloir, ce polar tragique qui dessine un univers désespéré, annonce le Sicario de Denis Villeneuve avec lequel il partage beaucoup. Mais, Soderbergh étant Soderbergh il nappe cela d’autre chose, l’envie d’expérimenter avec l’image qui se trouve ici superposer d’autant de filtres qu’il n’existe d’intrigue. Tout cela donne ainsi une œuvre complexe et troublante, aussi passionnante dans ce qu’elle raconte que fascinante dans ses envies de trituration du genre. En d’autres termes, du Soderbergh pur jus.
Thibaut Ciavarella