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[CRITIQUE] : Puzzle

Réalisateur : Marc Turtletaub
Avec : Kelly Macdonald, David Denman, Irrfan Khan, Liv Hewson, Austin Abrams, Bubba Weiler, ...
Distributeur : BAC Films
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Américain.
Durée : 1h39min

Synopsis :
Femme au foyer quadragénaire installée en banlieue de New York, Agnes se consacre au bonheur de sa famille. Lorsqu'elle se prend de passion pour les puzzles, elle se découvre une audace qu'elle n'imaginait pas. Via une petite annonce, elle fait la connaissance de Robert, un autre passionné. Celui-ci cherche une partenaire pour l'aider à préparer une compétition. La mère de famille n'hésite pas à se rendre à New York pour s'entraîner avec lui. Peu à peu, les deux joueurs, que tout oppose, se rapprochent. Leur relation amène Agnes à réévaluer la vie qu'elle menait jusqu'ici.



Critique :

Il est courant de voir Hollywood s’emparer des films étrangers pour les refaire à la sauce américaine. Puzzle ne fait pas exception. Prix du public au Festival de Deauville en 2018, le film de Marc Turtletaub a mis du temps à trouver un chemin de sortie en France. Diffusé sur OCS depuis le 24 février, nous avons enfin le plaisir de découvrir le remake de Rompecabezas de l’argentine Natalia Smirnoff.
Il est vrai que le puzzle, comme les échecs, n’est pas un jeu particulièrement stimulant visuellement. Alors pour créer un film intéressant qui tourne autour de ce sujet, il fallait un enjeu beaucoup plus percutant et prometteur. Pour cela, le film prend de l’ampleur et se sert d’une compétition de puzzle à New York pour nous offrir le périple d’une femme au foyer vers une émancipation des conventions sociales et d’une vie domestique ennuyeuse. Kelly Macdonald devient Agnès, épouse et mère de deux adolescents. Elle bichonne sa petite famille et se met en quatre pour eux. Sa vie est rythmée par un quotidien d’une femme au foyer de la classe moyenne au New Jersey, entre ménage et réunion à l’Église catholique.

Copyright Bac Films

Puzzle commence par placer Agnès dans son foyer. Sa robe se mêle au papier peint, comme si le personnage faisait partie intégrante de la maison. Elle nettoie, passe l’aspirateur dans un salon sombre où se reflètent quelques rayons de lumière, diffus. L’atmosphère y est presque austère et silencieuse comme une église. Nous comprenons vite qu’elle prépare sa maison pour y recevoir des invités. Quand la soirée bat son plein, Agnès virevolte pour que tout se passe bien. Son mari, Louis (David Denman) profite de la fête pour boire, manger et rire avec ses amis, tandis que sa femme passe son temps dans la cuisine. On y célèbre un anniversaire. Le spectateur pense qu’il s’agit de l’anniversaire de Louis, quand Agnès apporte le gâteau fait maison parsemé de quarante bougies. Mais la caméra recule, la laisse seule d’un côté tandis que les invités restent de l’autre côté de la table pour lui chanter “joyeux anniversaire” et la regarder souffler les bougies. La reine de la soirée a organisé sa propre fête de A à Z, seule, et s’octroie enfin une pause avec un verre de vin quand tout est nettoyé et rangé. Avec sa robe style années 50, on pourrait presque penser que le film se place dans une autre époque que la nôtre. Mais le scénariste Oren Moverman ne laisse pas le doute planer bien longtemps face aux cadeaux reçus, où l’on peut y voir un Iphone. Dans cette famille, les rôles sont bien définis et perclus de conventions sociales et religieuses. L’homme travaille à l’extérieur, la femme à l’intérieur dans un quotidien bien insipide pour Agnès, qui se répète jour après jour.

Copyright Bac Films

C’est un cadeau d’anniversaire qui va réveiller son intérêt pour les puzzles. Quand elle finit un puzzle de mille pièces en une après-midi, son désir de s’améliorer et d’en réaliser d’autres se réveille, au détriment de ses devoirs d’épouse. Par ce biais, elle fait la connaissance de Robert (Irrfan Khan), un inventeur riche, féru de puzzle, qui cherche un.e partenaire de jeu pour participer à un concours. Agnès se lance dans un tout nouveau monde fait de minuscules pièces, qui lui ouvre un nouvel angle dans sa vie.
Malgré un synopsis prometteur, Puzzle peine à offrir un intérêt durable dans le temps. Le propos sur l’émancipation d’une femme au foyer est louable, pourtant le résultat émeut au mieux, ennui au pire. Le scénario enchaîne les poncifs sur la métaphore du puzzle et du chaos de la vie, sans subtilité. La mise en scène a presque du mal à filmer son personnage principal, se perdant dans son choix premier de la faire disparaître dans le décor. Si le but était d’avoir une émancipation autant visuelle que dans le récit, le résultat est peu probant. Pourtant, Kelly Macdonald donne corps à son personnage et l'interprète avec douceur, ce qui nous pousse à ressentir une certaine empathie pour Agnès. Hélas, son histoire avec Robert reste peu crédible tant ce duo possède aucune alchimie à l’écran.

Copyright Bac Films

Puzzle se déroule sans accroc, et raconte avec timidité une histoire qui aurait mérité plus de mordant. Le potentiel du récit glisse vers un terrain fade, peignant le portrait gentillet d’une femme enfermée dans des conventions. Nous sommes très loin de la singularité et du charme du film qu’il imite.


Laura Enjolvy