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[CRITIQUE] : Destello Bravío


Réalisatrice : Ainhoa Rodríguez
Avec : Guadalupe Gutiérrez, Carmen Valverde, Isabel Mendoza, ...
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Espagnol
Durée : 1h38min

Synopsis :
Isa utilise un magnétophone pour enregistrer des messages qu'elle se transmet à elle-même et qu'elle lit ensuite. Isa espère un changement, et ce n'est pas surprenant. Elle vit dans une petite communauté du sud-ouest de l'Espagne où il ne se passe jamais rien. Les jeunes partent tous. Pour ceux qui restent, le temps semble s'arrêter.


Critique :


Réalisatrice espagnole, Ainhoa Rodríguez présente son premier long métrage Destello Bravío dans la section Tiger du Festival International de Rotterdam. Doctorante en média audiovisuel à l’université de Madrid, elle a gagné de nombreux prix à travers le monde grâce à ses courts métrages et a su imposer son style, qui mélange naturalisme et surréalisme. Totalement indépendante grâce à son label Tentación Cabiria, le film est le fruit d’une coproduction avec Eddie Saeta, prestigieuse société de production barcelonaise, qui détient de nombreux prix (notamment la Palme d’Or avec le film de Apichatpong Weerasethakul, Oncle Boonmee). 

Eddie Saeta
 
Destello Bravío ne se dévoile pas simplement aux spectateurs. Il faut donner du sien et se laisser imprégner par l’atmosphère singulière mise en place par la cinéaste. Le film ne suit aucun diktat imposé par ce que l’on pourrait attendre d’un premier long métrage et offre un regard qui lui est propre. Il convoque une vérité du quotidien, celle de femmes dans un village désert d’Estrémadure, situé au sud-ouest de l’Espagne et le mêle à un univers onirique fascinant. Ces femmes, ancrées dans une tradition religieuse et patriarcale, attendent un changement retentissant, quelque chose d’extérieur qui viendrait les sauver. Alors que cette indépendance tant désirée ne peut venir que de l’intérieur. La foi et la répression étant trop fortes, les personnages hantent le cadre et créent sans le savoir un imaginaire iconoclaste.
Ainhoa Rodríguez a passé neuf mois à filmer des acteur·trice·s non professionnel·le·s, qui vivent dans ce petit village espagnol. Les images dévoilent la vie des habitant·e·s, dans une forme documentaire trompeuse, qui n’est au final pas l’enjeu du film. Destello Bravío propose une juxtaposition de deux réalités : celle de réels témoignages et celle qui se cache dans les non-dits. Par les images, par la musique inquiétante et par un fort symbolisme, la réalisatrice s’emploie à leur donner un semblant de liberté.
Le film nous donne à voir un ensemble de personnages. Une épouse malheureuse qui rêve d’ailleurs, des matriarches qui se réunissent autour d’un repas et se confie leurs peurs. Un mari incapable de se nourrir sans sa femme. Des hommes au bar du coin. Des bergers. Des messes-basses. Des secrets au sein d’une demeure. Peu d’entre eux sont désignés par un nom et leur fonction à l’intérieur du récit demeure obscure. Peut-être parce que cela n’a pas d’importance. Leur place dans la communauté prime sur leur individualité. Parmi les protagonistes, la détresse de Carmencita est la plus palpable, son enjeu plus compréhensible. Elle détient la clef, et son discours sur le “Álilu” devient le symbole du film. Álilu est un ciel de cristal avec deux lunes, où tombent des bonbons aux saveurs variées. Discours qui peut arracher un sourire. Pourtant, ce simple échange avec Julia, une vieille dame à qui elle fait sa toilette, renferme une poésie inattendue. Se mêlant à une peinture étrange de l’Espagne rurale, souvent en clair-obscure, ses mots ouvrent la porte au terrain de l’inconscient. 

Eddie Saeta

La croyance enfantine d’un ciel qui comble les désirs, combinée à des plans beaucoup plus reconnaissables d’un couloir balayé ou d’une fête religieuse, donnent naissance à un film atypique. Destello Bravío est hélas souvent ésotérique, mais mérite cependant l’effort qu’il demande. Premier film fascinant, il convie son spectateur à un rêve de liberté et peint le portrait de femmes, dont le désir imprime le métrage et lui transmet une énergie presque sauvage.


Laura Enjolvy