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[CRITIQUE] : Aurora

Temporal Films

Réalisatrice : Paz Fábrega
Avec : Rebeca Woodbridge, Raquel Villalobos, Liliana Biamonte, Daniela Arroio, Marcela Jarquín, Kattia González, ...
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Costaricain, Mexicain
Durée : 1h32min

Synopsis :
Parallèlement à son travail d’architecte, Luisa, 40 ans, anime des ateliers pour adolescents. Un jour, elle tombe sur Julia, 17 ans, près des toilettes de l’école. Cette dernière est tombée enceinte involontairement. Luisa décide de l’aider, adoptant une position difficile, quelque part entre amie, enseignante et figure maternelle. Mais peut-être aime-t-elle secrètement jouer ce rôle ambigu ?

Critique :

Au Costa-Rica, l’avortement est légal uniquement « en cas de danger pour la vie ou la santé de la mère et s’il n’y a aucun autre moyen d’éviter ces risques » (article 121 du Code pénal). Les mineur·e·s n’ont pas le droit d’acheter une contraception et il n’existe pas de secret médical pour les adolescentes qui consultent pour un motif sexuel et/ou reproductif ; le médecin est dans l’obligation d’informer les parents. De ce fait, le nombre de grossesses chez les adolescentes explose. C’est le sujet du film de la réalisatrice costaricaine Paz Fábrega, Aurora, présenté dans la section Big Screen du Festival de Rotterdam 2021.
La cinéaste s’était déjà démarquée avec son premier long métrage, Agua fría de mar en 2010, lauréate du prix Tiger à Rotterdam. Son second film, Viaje (2015) a été le premier film d’Amérique Central à être projeté au Tribeca Film Festival. Dans Aurora, elle explore la relation entre deux femmes très différentes : Luisa, architecte et professeur d’art plastique et Julia, jeune adolescente de dix-sept ans, enceinte de cinq mois. De cette grossesse non désirée, va naître une amitié entre elles, Luisa étant prête à tout pour que Julia puisse continuer ses études. Cette rencontre du hasard va transformer ces deux femmes, comme la grossesse transforme petit à petit le corps de l’adolescente. Devenant presque fusionnelle, une question finit par se poser : qui aide l’autre finalement ?

Temporal Films

Luisa est en mouvement constant, comme si s’arrêter lui était impossible. Architecte le jour, elle donne aussi des cours d’art à des enfants dans un atelier et conduit un projet avec des adolescents plus grands. Nous apprenons vite que l’art ne fait pas partie du cursus scolaire de base et que ces enfants suivent la classe comme une activité extra-scolaire. Quand elle rentre chez elle, Luisa danse. Une chorégraphie qu’elle a du mal à terminer, de son propre aveu. Elle mène une relation à distance qui n’a pas l’air de lui peser. Luisa est souvent seule, mais n’est pas solitaire. Elle porte en elle un élan créateur et essaie de le transmettre à ses étudiants. Pour montrer cette liberté, Paz Fabrega l’habille de vêtements fluides, son corps jamais entravé, jamais comprimé. De son côté, Julia n’est jamais seule. Que ce soit chez elle, malgré l'absence de sa mère dont le travail lui laisse peu de temps avec ses enfants. Elle dort dans la même chambre que son petit frère, révise ses examens avec sa classe entière. Classe avec laquelle une intimité s’est installée. Les sessions de révisions laissent parfois place à des activités sexuelles pratiquées en groupe, sans pression ni jugement. Cette sexualité fluide contraste avec les interdictions et l'absence d’éducation à ce sujet. L’ignorance de Julia et de ses ami·e·s sur la reproduction et le cycle menstruel fait qu’elle ne se rend compte de son état uniquement vers le cinquième mois. Trop tard pour trouver une autre solution, elle va devoir accoucher.
Aurora fait preuve de beaucoup de délicatesse dans sa mise en scène et dans son récit, qui refuse tout jugement sur ces deux femmes. Le film suit peu à peu les changements qui surviennent suite à l’état de Julia et privilégie les gros plans, les isolant des autres pour apprécier leur complicité. Nous avons presque l’impression d’être hors du temps, la réalité du quotidien survenant de temps en temps, balayée par l’efficacité de Luisa. Pourtant, il faut bien que la dure réalité les rattrape et sous la surface douce des images se pose la sourde douleur de Luisa, qui se retrouve impuissante devant les événements. Et quand tout s’arrête, il lui reste la danse, le lent mouvement du corps qui trouve enfin sa place.


Laura Enjolvy



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