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[CRITIQUE] : Bipolar

Réalisatrice : Queena Li
Avec : Leah Dou, Giver He
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Chinois
Durée : 1h50min

Synopsis :
Une jeune femme arrive à Lhassa, au Tibet. Endeuillée, elle ne sait pas vraiment pourquoi elle est là ni quoi faire de sa douleur…


Critique :



S’il y avait bien un film attendu dans la catégorie Tiger Competition du Festival de Rotterdarm édition 2021, c’était bien le premier long métrage de la réalisatrice chinoise Queena Li, Bipolar. Un titre énigmatique, une magnifique bande-annonce et une image noire et blanche léchée, il n’en fallait pas plus pour attirer le regard. Une question est sur toutes les lèvres des festivaliers : sera-t-il le quatrième film chinois d’affilé à gagner le prestigieux prix du Tiger Award ? The cloud in the room, premier film de Zheng Lu Xinyuan, également en noir et blanc avait reçu cette récompense l’année dernière.
Leah Dou, chanteuse et actrice prête ses traits à l'héroïne anonyme du film. Elle prête aussi sa voix et son talent de compositrice, signant la BO douce et atmosphérique. Bipolar filme un road-trip, un voyage physique à travers le Tibet, mais aussi métaphysique d’une étrange douleur qu’elle préfère fuir. Le film nous donne peu d'informations sur le personnage : c’est une chanteuse (solo ou dans un groupe, nous ne saurons jamais), elle fuit quelqu’un ou un événement survenu et elle arrive à Lhassa (capitale du Tibet) le jour de son anniversaire. Le métrage se révèle un exercice méticuleux de narration via la mise en scène. Si les dialogues nous en disent peu sur ses émotions, les images parlent à sa place. Personnage mutique, peu enclin à partager ses états d’âme, il nous faut presque les deux heures du film pour saisir que l'héroïne ne fuit pas, mais lutte. Elle lutte contre ses démons, contre elle-même. 

Nameless Pictures Co., Ltd
Beijing 
Malgré des symboles forts, comme l’eau et les miroirs, le message de Queena Li a du mal à se faire un chemin vers le spectateur. Il est vrai que le propos est ouvert à l’interprétation, ce qui n’est pas un défaut en soi. Encore faut-il savoir faire la différence entre sujets d’interprétation et images cinématographiques vide de sens malgré sa beauté. Hélas, Bipolar navigue entre les deux. Le jeune homme que nous voyons dans les flash-back est-il réel ou inventé de toute pièce ? Qu’est-ce qu'il symbolise : un questionnement identitaire ? Un trouble bipolaire comme pourrait nous indiquer le titre ? Ces questions pointent du doigt le problème majeur du film, car si la lecture symbolique des images peut être passionnante, elle peut aussi être équivoque, privée d'une base solide pour l’analyser et ne fait qu'aboutir à une construction psychologique biaisé du personnage, sans la nuance requise des sujets traités.
Il nous reste cependant à suivre la trame la plus classique du film, le road-trip, qui a un but très simple : libérer un homard sacré dans les eaux de l’île Ming. Le crustacé est un joli prétexte pour introduire des plans plus expérimentaux et intégrer de la couleur au film. Une couleur vive et saturée, bien loin d’être naturelle. Ces hallucinations visuelles s'inscrivent dans un récit disparate, qui peut se voir comme une volonté de brouiller les rêves de la réalité. Bipolar n’est pas vraiment un film expérimental, mais ne suit pas non plus les codes d’un road-trip classique. Queena Li signe une oeuvre hybride, qui rend hommage à la poésie que convoque le noir et blanc. Au gré des rencontres fugaces, le film devient un voyage métaphysique qui ébranle l'héroïne pour arriver vers le chemin de la guérison, et apaise son esprit.


Laura Enjolvy