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[CRITIQUE] : One Night in Miami


Réalisatrice : Regina King
Avec : Eli Goree, Kingsley Ben-Adir, Aldis Hodge, Leslie Odom Jr, Lance Reddick,...
Distributeur : Amazon Prime Video France
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h54min.

Synopsis :
Miami, le 25 février 1964, le jeune Cassius Clay (futur Mohamed Ali) devient champion du monde de boxe, catégorie poids lourds. A cause de la ségrégation raciale, il doit fêter sa victoire à l'écart des autres sportifs. Entouré de ses amis, l'activiste Malcolm X, le chanteur Sam Cooke et la star du football Jim Brown, Cassius Clay décide de définir un nouveau monde.



Critique :


Tout part d'un fantasme assez fou mais bien réel : une version imagée de ce qui s'est déroulé lors de la nuit qui a suivi la victoire de Mohamed Ali en février 1964, lorsque le boxeur a célébré son titre (il venait de battre Sonny Liston) avec Malcolm X, Sam Cooke et Jim Brown, trois figures majeures de la culture afro-américaine.
Personne ne sait réellement ce qui s'est passé durant cette nuit, même si Kemp Powers s'est laissé aller à sa propre vision de cette réunion du carré magique via sa pièce de théâtre en 2013, que la merveilleuse Regina King s'est empressée d'adapter pour en faire un premier passage derrière la caméra d'un long-métrage plein de promesses, mais surtout pas loin du coup de maître.

Copyright Amazon Prime Video

Odyssée grisante et intime prenant langoureusement les contours d'un huis clos réflexif (même si King convoque une évocation vivante et méticuleuse des 60's) flanqué à une époque charnière de l'histoire afro-américaine, cette épopée volubile et jamais redondante, passe de la dangerosité du colorisme en pleine ségrégation, aux motivations personnelles de chacun des personnages et de leurs actions, directement reliées à la notion de devoir au sein du mouvement des droits civiques, Malcolm voyant ses amis comme des voix armées devant utiliser leurs talents pour changer la donne.
Si chacun pense en terme de liberté - surtout - économique, Malcolm X lui, les supplie de voir plus loin, de ne pas penser qu'à leur simple influence personnelle qui au final ne vaut rien dans une société qui n'a de cesse de dénigrer ce qu'ils sont.
Quand Jim Brown refuse d'étiqueter leurs talents comme des armes contre le racisme, Malcolm ne peut s'empêcher de l'implorer de repenser sa position dans un plaidoyer désespéré sur une croyance prémonitoire; quand Sam Cooke est vilipendé sur la vacuité de ses textes (le fait de, par exemple, ne pas avoir écrit une chanson aussi politiquement éloquente que " Blowin 'in the Wind " de Bob Dylan), ce sont tous les fans de soul qui devineront que d'ici peu, le chanteur allait opérer un virage dans sa carrière, alignant les hymnes importants et pleinement dans leur temps.
Cooke, Clay et Brown sont trois hommes qui n'ont jamais hésité à s'exprimer, mais c'est une chose de le faire sans rien à perdre et une toute autre de le faire avec fougue et rage quand une carrière est dans la balance; et c'est tout ce qui les séparent de Malcolm, qui se bat contre ses propres choix (il envisageait de quitter le mouvement Nation of Islam, que Clay est en passe de rejoindre, pour créer sa propre branche), sans que sa carrière de prêcheur ne dépende de l'Amérique blanche.

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Malcolm peut dire et faire tout ce qu'il veut parce que ses paroles enhardiront son peuple et le poussera à agir, même s'il doit devenir un martyr au coeur même de processus de révolte salvatrice.
Cassius, Jim et Sam doivent constamment mesurer leurs paroles, peser l'impact sur ce qu'ils représentent.
Cette rencontre pose l'idée qu'ils n'ont plus à s'inquiéter, qu'ils ont atteint un sommet suffisament haut pour que leur talent puisse être utilisé comme l'un des rouages d'un changement social, sans que cela influe sur leur indépendance financière; ils ont gagné leur siège de figures importantes au sein de leur communauté et les seules personnes qui les empêchent d'assumer légitimement ce statut à ce moment-là, étaient finalement eux-mêmes.
Malcolm expose simplement des faits véridiques pour que ses amis puissent regarder en eux-mêmes et reconnaître leur but et faire avancer une cause qu'ils ne peuvent plus se permettre de laisser tomber.
Le fait que X véhiculait une croyance qui s'est avéré plus qu'importante dans l'évolution - toujours lente - des mentalités, et qu'il a (réellement ou non) incarné le coup de pouce nécessaire à leur changement de cap à tous, est un terreau suffisant pour le tandem Powers/King à émettre l'hypothèse de l'ampleur des conversations et des arguments que ces quatre icônes ont pu partager derrière la porte fermée d'une chambre d'hôtel de Miami le 25 février 1964; une nuit dure remplie d'admiration, de sermons ciblés, de fraternité sincère et de vérités brutales.

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Porté par quatre comédiens incarnant avec prestance aussi bien physiquement que spirituellement, leurs sujets (entre rage, exaltation et culpabilité), dirigé avec une précision experte par Regina King, qui se concentre intelligemment sur la théâtralité d'un scénario aux petits oignons (elle laisse parler ses comédiens tout en leur fournissant le cadre propice à la plénitude de leur expression scénique); One Night in Miami est un formidable portrait d'hommes derrière la renommée, un magnifique et minimaliste instantané humain, social et politique dont la résonance avec l'actualité ne pouvait pas être aussi forte et pertinente.
Un premier long-métrage magistral qui incarne le premier grand film de 2021, tout simplement.


Jonathan Chevrier


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À mesure de l’avancement de sa carrière, il devient limpide que nous sommes en train de vivre la consécration de Regina King. Actrice renommée du petit écran et du grand, un Oscar en poche pour sa prestation dans Si Beale Street pouvait parler, elle est aussi productrice et réalisatrice. InsecureShamelessThis is Us, une liste non exhaustive de séries qui lui ont donné une place derrière la caméra pour développer son regard. One night in Miami, disponible depuis le 15 janvier sur la plateforme Amazon Prime Video est son premier long métrage. Tiré de la pièce du dramaturge Kemp Powers (également scénariste ici), le film raconte le temps d’une soirée semi-fictive l’amitié de quatre grands noms de l’Histoire afro-américaine : Cassius Clay (futur Mohammed Ali), Sam Cooke, Malcom X et Jim Brown. 
Le 25 février 1964, le jeune boxeur Cassius Clay, connu pour son ego surdimensionné et sa grande gueule, déjoue tous les pronostics en devenant le nouveau champion du monde en titre, à seulement vingt-deux ans. Le jeune homme compte des célébrités parmi ses amis : le footballeur Jim Brown, le chanteur Sam Cooke et l’activiste Malcom X. Quatre hommes, qui viennent fêter la victoire dans une chambre miteuse d’un hôtel réservé aux noirs. Quatre hommes différents, mais qui ce soir-là sont à un tournant de leur carrière respective. One night in Miami veut sonder, grâce à un presque huis-clos, la question du militantisme et du devoir d’une célébrité à représenter un idéal, un espoir pour le peuple au moment même où les mouvements Black Power commencent à s’affirmer aux États-Unis. 

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Si les adaptations sont un exercice difficile et formateur en soi, la transition entre le théâtre et le cinéma est un exercice encore plus casse-gueule. Regina King a l’avantage d’avoir un texte d’une grande qualité il est vrai, mais encore faut-il savoir le filmer. La réalisatrice place bien évidemment la parole au centre de son récit - elle ne peut faire autrement - mais obtient, avec sa caméra, de ne jamais tomber dans le piège du théâtre mimé. Véritable tour de force, One night in Miami se dévoile devant nos yeux comme un premier film maîtrisé, la naissance d’une réalisatrice qui fait ses preuves.
La cinéaste fait le choix de nous présenter les quatre protagonistes avant la fameuse soirée, pour appréhender leur caractère et leur carrière, séquences inédites de la pièce. Une façon subtile de les présenter aux spectateurs et leur donner toutes les clefs des différents enjeux, avant la grande conversation qui est au cœur du film. Cette séquence, importante par le récit et par son propos, est filmée très intelligemment avec une caméra mobile, qui suit au plus près les personnages. Leur point de vue est essentiel pour la réalisatrice, qui utilise habilement les miroirs pour accrocher le moindre de leur regard. Malgré la tension de la conversation, nous sentons une complicité entre ces protagonistes, mise en place par les scènes d’avant et par l’aisance des acteurs à se balancer le dialogue percutant. Ils rendent justice au texte de Kemp Powers et ne sont jamais dans la performance, ce qui donne l’impression d’une réelle discussion à nos yeux. Les quelques ratés, les quelques silences, la direction d’acteur de Regina King laisse de la place aux défauts de diction, aux mots de trop, pour rendre la confrontation fluide et non théâtrale. En confrontant leur différents points de vue sur la question du militantisme au sein de la communauté afro-américaine, sur l’importance de leur célébrité et leur responsabilité de libérer la parole du peuple via leur propre prise de risque, Regina King rend hommage à ces figures et peint le portrait de l’Histoire tout autant que les hommes derrière le masque de la notoriété. “Je pense que les paroles de Kemp sont une lettre d’amour concernant l’expérience de l’homme noir” a-t-elle confié au New York Times. “En tant que spectatrice, j’ai l’impression que je n’ai pas souvent l’occasion de voir nos hommes se révéler à l’écran comme nous les voyons dans la vraie vie”.

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Regina King commence avec brio sa carrière au sein du microscopique monde hollywoodien, en nous faisant part de son envie de faire bouger les choses. One night in Miami réussit le pari d’être un film bavard, énergique et émouvant, construisant dans le même temps le regard acéré d’une cinéaste, qui va vite devenir essentiel. 


Laura Enjolvy



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