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[CRITIQUE] : Adult Life Skills


Réalisatrice : Rachel Tunnard
Acteurs : Jodie Whittaker, Lorraine Ashbourne, Edward Hogg, Alice Lowe,…
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Comédie, Drame
Nationalité : Britannique
Durée : 1h36min

Synopsis :
A bientôt 30 ans, Anna semble se trouver dans une impasse. Elle vit tel un ermite dans le jardin de sa mère, en passant ses journées à tourner des vidéos à l'aide de ses pouces. Exaspérée, sa mère lui pose un ultimatum. Anna a alors une semaine pour se reprendre en main et assumer son statut d'adulte...


Critique :

Adapté de son court métrage Emotional Fusebox (2014), déjà avec Jodie Whittaker, la monteuse/scénariste/réalisatrice Rachel Tunnard signe son premier long métrage avec Adult Life Skills. Sorti en 2016 au Royaume-Uni et dans d’autres pays, il est resté inédit chez nous, maintenant disponible sur Outbuster. L’actrice phare de la série Doctor Who joue Anna, une trentenaire à la dérive. Elle vit dans la remise au fond du jardin, chez sa mère. Occupe un emploi sans avenir. Préfère réaliser des vidéos avec ses pouces que d’avoir une vie sociale. À première vue, Anna a tout du stéréotype du “Tanguy”, proposé par le film éponyme de Étienne Chatiliez, sorti en 2001. Une femme sans ambition, qui préfère rester dans le cocon familial plutôt que d’affronter le monde extérieur. Mais le film veut s’éloigner de ce trope générationnel pour pointer vers la comédie dramatique douce-amère. Le comportement enfantin du personnage cache un deuil lourd à porter.

Crédit Photo : Jo Irvine

Adult Life Skills porte bien son nom, tout en induisant en erreur l’enjeu du récit. Pendant une longue première partie, le film essaye vainement de nous cacher le traumatisme d’Anna, tout en accentuant bien sur les éléments dramatiques, de peur de perdre le spectateur. En demi-teinte, les péripéties presque clownesques se perçoivent comme des clins d'œil appuyés, promesse d’une histoire plus large qui tarde à venir. Anna est-t-elle un personnage excentrique sans profondeur, qui enchaîne les mésaventures pour mesurer son degré de weirdness, ou un personnage complexe qui utilise des éléments enfantins pour tromper une tristesse sourde ? La réponse serait : un peu des deux.
Anna ne possède pas la “compétence” du titre pour mener sa vie d’adulte à terme, par choix. La remise où elle a élu résidence devient la métaphore de ce choix, souvenir géant d’une vie qui ne pourra plus exister. Anna se terre dans l’espoir d’arrêter le temps, de revenir en arrière. Le deuil, sujet ô combien dense et sensible, peut prendre plusieurs formes. Ici, le personnage est resté dans l’étape du déni, incapable d’aller plus loin. Nous avons pu rencontrer ce trope il n’y a pas si longtemps au cinéma, avec The King of Staten Island, sorti en juillet 2020. Alors que le film de Judd Apatow prenait la forme d’un film sensible, celui de Rachel Tunnard a du mal à incarner les sentiments de son personnage. Pour un récit d’apprentissage sur l’altérité du monde, Adult Life Skills est bien trop centré sur sa protagoniste principale. Les rôles secondaires demeurent bien trop fragiles pour accompagner Anna dans son évolution. La volonté de sa mère est obscure, comme celle de sa grand-mère. Ses ami.e.s sont transparents et peu utiles au scénario. Sa relation en miroir avec le jeune Clint (Ozzy Meyers) sonne comme une promesse non-tenue, peu développée pour ressentir une véritable alchimie. Le film détient tous les défauts d’un premier long métrage, qui donne trop d’importance à son interprète principal. Oubliant au demeurant d’avoir un regard sur l’ensemble du casting et même de façonner ce regard par la mise en scène.

Crédit Photo : Jo Irvine

Avec un ton qui se veut décalé, Rachel Tunnard a vainement essayé de dépoussiérer l'héroïne trentenaire maladroite en lui donnant une triste histoire d’un deuil difficile. Hélas, Adult Life Skills a du mal à se démarquer parmi les nombreux films indépendants possédant les mêmes sujets et enjeux. Vite oubliable.


Laura Enjolvy