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[SƎANCES FANTASTIQUES] : #22. Rabid

Copyright Splendid Film

Parce que les (géniales) sections #TouchePasAMes80s et #TouchePasNonPlusAMes90s, sont un peu trop restreintes pour laisser exploser notre amour du cinéma de genre, la Fucking Team se lance dans une nouvelle aventure : #SectionsFantastiques, ou l'on pourra autant traiter des chefs-d'œuvres de la Hammer que des pépites du cinéma bis transalpin, en passant par les slashers des 70's/80's ; mais surtout montrer un brin la richesse d'un cinéma fantastique aussi abondant qu'il est passionnant à décortiquer. Bref, veillez à ce que les lumières soient éteintes, qu'un monstre soit bien caché sous vos fauteuils/lits et laissez-vous embarquer par la lecture nos billets !


#22. Rabid de Sylvia et Jen Soska (2020)

Arrivé chez nous directement en vidéo en février dernier, le dernier film de Jen et Sylvia Soska n’a pas fait grand bruit et n’a pas récolté énormément de lauriers dans le cœur du publique, plafonnant à 1.7/5 dans les notes spectateurs allociné, et à un timide 55% sur Rotten Tomatoes. J’ai pour ma part eu la chance de découvrir le film dans les meilleures conditions possibles : en dernière séance de la journée, hors compétition, au festival du film fantastique à Gérardmer. Rabid est un film fascinant qui sous ses airs de Z fauché aux gouts que certains définiront comme douteux, vient confirmer que la petite claque American Mary des frangines n’était pas un coup de chance, et qu’elles ont une voix très personnelle à faire valoir dans le cinéma d’horreur ricain indépendant.

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Rabid est le remake d’un des premiers long-métrages du maitre incontestable du body horror, de la chair qui se délite, mute, se transforme, on parle bien entendu de David Cronenberg. Le film s’éloigne assez de ce matériau de base, ou plutôt il l’enrichi, mais il le fait avec un respect monstrueux et surtout il ne le fait que pour mieux le transcender. Parce que oui, si les films de début de carrière du cinéaste canadien sont très intéressants à voir car ils comportent tous les balbutiements de ses thématiques et des obsessions cinématographiques qui feront de son œuvre une des plus importantes du cinéma mondial, c’est en revanche difficile de les voir autrement que comme ça : des balbutiements. Des films comme Rabid (1977) ou Shivers (1975) ont aujourd’hui un peu mal vieilli, il faut bien l’avouer. Et si un projet de remake d’une œuvre comme Videodrome (1983) paraitrait insensé tant le film est un aboutissement formel et thématique dans l’œuvre de son auteur, celui choisi par les sœurs Soska avait encore toute sa richesse à offrir. Le film était un cocon qu’elles ont fait éclore avec beaucoup d’amour et d’attention, et ce qui en a résulté est à la fois digne de son ascendance, et parfaitement marqué du sceau de la personnalité de ses réalisatrices. En voyant leurs premiers films, notamment American Mary, il est déjà évident que Cronenberg est une référence absolue pour les twisted twins, mais le film avait déjà ce petit quelque chose à part très personnel qui fait pour moi tout le sel de leur cinéma : une délicieuse et perturbante saveur underground, l’impression d’évoluer dans un monde dégueulasse où le vice prédomine et la bienséance s’estompe et qui serait invisible pour le commun des mortels, bien que partout présent autour d’eux. Un peu comme John Wick et le monde des tueurs à gages en fait, en moins cool et avec moins flingues, mais en plus tortueux et avec plus de chair. C’est une sensation viscérale et poisseuse que me procure leurs films, et que je retrouve très prégnante dans Rabid.

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Ce ressenti underground passe par tous les aspects de leur travail, à commencer par l’écriture. Dans American Mary, ladite Mary est littéralement plongé dans le milieu de la chirurgie clandestine où elle pratique des modifications corporelles parfois abominables, on évolue dans les égouts crasseux de la société, dans ses recoins psychiques les plus refoulées et délabrées. Pour Rabid ça se joue sur deux niveaux, le personnage de Rose (Laura Vandervoort, la très choupi Supergirl de la série Smallville) travail dans le milieu de la mode qui nous est présenté comme un monde à part, fonctionnant selon ses propres codes et surtout tourné sur lui-même sans fenêtres sur l’extérieur, c’est un écosystème autonome et malsain. Et en ce qui concerne le second niveau, ce sera la clinique où Rose va subir son opération, petit miracle pour elle mais parfaitement en dehors du circuit de la médecine traditionnelle, usant de méthode révolutionnaire mais non conventionnées. Rose évolue hors du monde et ses incursions s’y font en toute discrétion, telle une bête sanguinaire en chasse hors de son territoire. Mais pour être à ce point viscérale, cette sensation doit également passer par un travail presque charnel de l’image. Cette dernière est grasse, les couleurs sont sales et baveuses, le façonnage du jaune, du rouge et surtout du vert donne au film un aspect crade et délaissé tout en étant soumis à une véritable rigueur esthétique. Le film est visuellement superbe dans son genre, la scène de l’opération entre autre est à tomber. Dans ses effets spéciaux aussi le film brille pas mal, allant à l’organique, parfois réaliste et parfois complètement hors-sol dans le dégueulasse. Le film traite aussi de la perte de contrôle sur soi-même, et de l’effacement des frontières entre le rêve et la réalité. Rose vit des expériences oniriques perturbantes suite à sa reconstruction faciale, trop proche de la réalité, dans lesquels elle va par exemple aller manger CM Punk (petit plaisir bonus pour les afficionados de catch). Véritable figure vampirique, contrainte de consommer du sang pour nourrir le parasite qui la ronge, elle va dans sa demi-conscience nocturne propagé une sale épidémie de rage, et tout le monde va finir par essayer de se bouffer pendant un temps. Et c’est dommage. C’est dommage parce que sur la fin le film vire à l’épidémie de zombie et que premièrement c’est pas super intéressant ou pertinent dans le cadre du film, et deuxièmement ça l’ouvre sur le monde, l’intrigue sort du vase clos dans lequel elle semblait évoluer et ça lui ôtes une partie de son aura. Mais ça reste de second plan, le point se fait toujours sur Rose et on oublie vite cet élément que le script aurait facilement pu évincer.

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Rabid est une œuvre qui suinte l’amour du cinéma de genre par tous ses pores, un véritable projet de remake pertinent qui a des choses à dire et qui tout en respectant immensément le matériau de base raconte quelque-chose de nouveau, existant par lui-même au-delà de sa base. C’est une aubaine pour tous les fans du genre, un midnight-movie jouissif comme on en voit plus, et s’il est dommage de ne pas avoir l’occasion de le découvrir en salle et encore moins en séance de minuit, ça reste un film à voir, porteur de l’univers des jumelles tarés et passionnées qui l’ont conçu. Du vrai cinéma bis en somme.


Kevin

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