[CRITIQUE] : Soeurs
Acteurs : Isabelle Adjani, Maiwenn, Rachida Brakni, Hafsia Herzi,...
Distributeur : Jour2Fête
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Français
Durée : 1h35min
Synopsis :
En mettant en scène une partie de son histoire, Zorah, dramaturge d’origine franco-algérienne, réveille les fantômes du passé dont la figure terrible du père, Ahmed, un militant du mouvement indépendantiste algérien venu combattre sur le sol français. Zorah n’a pu ramener que sa sœur Norah d’Algérie où Ahmed avait aussi emmené Redah, son petit frère, après les avoir enlevés suite au divorce obtenu par la mère.
Depuis, comme sa mère Leïla, elle est hantée par la question : où est Redah ? Trente ans plus tard, quand commencent les répétitions de sa pièce « Frères » un séisme familial éclate : Norah et Djamila, sa sœur cadette, sont prêtes à lui déclarer la guerre pour avoir rompu le silence, ce qui pour sa famille est un acte de trahison. Mais la guerre des sœurs n’aura pas lieu.
Informée que le père est hospitalisé à Alger, la mère exige que Zorah parte à sa recherche avec ses sœurs, dernière et ultime chance pour elle de revoir son fils. Que trouveront-elles dans une Algérie en pleine ébullition ? Le père n’est plus à l’hôpital, il est peut-être en Kabylie, mais c’est loin Tizi Ouzou, surtout quand les rues de la capitale sont envahies par des centaines de milliers de manifestants… quand les statues des pères fondateurs tombent, quand se lève le vent de la révolution.
Critique :
Très proche de ses héroïnes, mêlant un récit dense et tragique avec un propos très actuel et universel, Yamina Benguigui nous fait passer un puissant message dans son nouveau film #Sœurs, celui de la rencontre du combat universel avec celui de l’intime. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/QYovMJdakO— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) September 3, 2020
Yamina Benguigui est venue au Festival du Film Francophone d’Angoulême pour présenter son nouveau long métrage en avant-première.
Sœurs est un récit semi autobiographique, où l’histoire de trois sœurs va venir percuter la révolution naissante en Algérie. La réalisatrice de Mémoires d’immigrés est venue tourner dans sa ville d’enfance, Saint Quentin. Que ce soit par le biais de la fiction ou du documentaire, elle s’est engagée au cours de sa carrière à restaurer la mémoire d’une histoire profondément enfouie, d’une identité coincée entre deux pays, mettant en avant la réflexion sur comment trouver sa place, accepter le passé pour mieux vivre le présent. Ce nouveau film ne déroge pas à la règle. S’entourant d’un très beau casting (Isabelle Adjani, Maïwenn, Rachida Brakni), elle nous plonge au cœur d’une famille où une question reste en suspens, incapable de faire un deuil, la douleur prenant toute la place dans leur relation.
Norah revient vivre chez sa mère, après quelques échecs professionnels. Ses deux grandes sœurs viennent également l'accueillir, à son grand dam. Elles ont toutes les deux bien réussies leur vie, l'aînée Zorah étant une dramaturge célèbre et Djamilah la cadette, la maire de la commune de Saint-Quentin. Mais il y a une autre raison qui explique pourquoi Norah ne se sent pas en phase avec sa famille, où il subsiste beaucoup de non-dits et de souffrance. Il y a presque trente ans, quand leur mère a voulu divorcer de leur père violent, il a ramené avec lui ses deux plus jeunes enfants, Norah donc et leur jeune frère Redah, en Algérie. Cet acte n’est pas considéré comme un enlèvement par les autorités algérienne, à cause d’une loi qui place le père en tant que seul décideur du bien des enfants. Si Norah a pu revenir quelques temps plus tard chez sa mère, Redah a tout simplement disparu, devenant un fantôme, un être ni vivant ni mort, qui hante ces femmes d’une douleur amère.
Copyright StudioCanal / Jour2Fête |
Les traumatismes de chacune reviennent comme un couperet quand Zorah décide d’écrire une pièce sur son enfance, sur son père patriotique qui leur interdisait de devenir françaises. Elle fait jouer le rôle de sa mère par sa fille, interprétée par Hafsia Herzi, qui trouve ici un rôle incarnant son ambivalence, entre jeunesse désabusée et sérieux. Les trois sœurs doivent partir soudainement en Algérie quand elles apprennent la nouvelle : leur père vient de faire un AVC. Fragilisé, il pourrait enfin donner la précieuse information du lieu où se trouve leur petit frère, le seul à savoir où il se trouve. Mais une fois sur place, rien ne se passe comme prévu. Si la première partie de Sœurs s’intéressait à leur passé et comment il avait façonné leur vie, la deuxième, en Algérie voit plus grand en nous montrant l’organisation d’une immense manifestation contre le gouvernement actuel. Le problème des sœurs, bien que tragique et important est noyé dans un militantisme tout aussi important, touchant des milliers d’algériens qui ont envie de voir les choses changer. Leur situation est d’autant plus incomprise par leur double nationalité. Zorah, Djamilah et Norah se sont plus vraiment algérienne aux yeux de leur famille, mais pas vraiment française non plus en France, où elles doivent encore combattre la discrimination raciale, comme le montre une réunion de la mairie qui tourne mal. Yamina Benguigui arrive à faire passer ce récit très dense, un propos très actuel et universel, en le mélangeant avec une histoire tragique d’une famille qui n’a jamais réussie à se reconstruire.
Son film évite un effet fourre-tout par une mise en scène très proche de ses héroïnes, qui se déchirent pour mieux se retrouver. La réalisatrice met l’accent sur les relations familiales, sur la tension qui subsiste en sous-texte, sur la tristesse qui ne les quitte jamais, grâce à une fine écriture aux relents réalistes. Le casting complète la réussite, avec un trio principal qui exploite les moindres failles psychologique de leur personnage.
Yamina Benguigui nous fait passer un puissant message dans son nouveau film Sœurs, celui de la rencontre du combat universel avec celui de l’intime. Il n’a pas encore de date de sortie malheureusement.
Laura Enjolvy
Yamina Benguigui nous fait passer un puissant message dans son nouveau film Sœurs, celui de la rencontre du combat universel avec celui de l’intime. Il n’a pas encore de date de sortie malheureusement.
Laura Enjolvy