[CRITIQUE] : Petit Pays
Réalisateur : Éric Barbier
Acteurs : Djibril Vancoppenolle, Isabelle Kabano, Jean-Paul Rouve, Dayla De Medina,...
Distributeur : Pathé
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français, Belge.
Durée : 1h53min
Synopsis :
Dans les années 1990, un petit garçon vit au Burundi avec son père, un entrepreneur français, sa mère rwandaise et sa petite soeur. Il passe son temps à faire les quatre cents coups avec ses copains de classe jusqu'à ce que la guerre civile éclate mettant une fin à l'innocence de son enfance.
Critique :
Bien plus à l'aise avec la chronique intimiste que le récit historique, #PetitPays, porté par un casting déterminé, est un petit témoignage d'histoire sensible à la lisière du documentaire, certes pas dénué de maladresse, mais d'une nécessité et d'une humanité poignantes. pic.twitter.com/7uvssAvaUf— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) August 28, 2020
Rien n'est plus dur que de revenir sur son enfance, et encore quand celle-ci est frappée par la tragédie, et plus directement par l'horreur de la guerre dont les plaies, indélébiles, nous suivent pour toute notre vie.
C'est l'exercice on ne peut rude fait sur papier par l'artiste protéiforme Gaël Faye avec son - formidable - livre Petit Pays, chronique inspirée de sa jeunesse et plus directement, de sa fuite du Burundi à l'âge de treize ans, en raison de la guerre civile et du génocide des Tutsis au Rwanda.
Échoué au cinéaste Éric Barbier, plutôt rompu à l'exercice des transpositions à l'écran (même si son dernier essai en date, La Promesse de l'aube tiré du roman de Romain Gary, nous avait gentiment laissé de marbre), ses lignes puissantes emblématiquement cinématographique, prennent les douloureuses courbures d'un drame intime poignant et dévastateur d'un môme écartelé entre deux cultures et la stupidité des hommes, certes loin d'être exempt de maladresses (résultant inévitablement du prisme choisi, et d'un respect sans bornes pour le matériau d'origine), mais d'une lucidité qui marque la rétine.
Copyright JERICO FILMS – SUPER 8 PRODUCTION – PATHÉ – FRANCE 2 CINÉMA – SCOPE PICTURES – PETIT PAYS FILM |
Épique dans sa mise en scène très libre et constamment en mouvement, pour mieux capter l'urgence de sa situation (et qui sait aussi être discrète, quand elle se place au coeur de l'intimité de sa famille titre) mais surtout mettre habilement l'accent sur la tension - palpable et entraînante -, plus que sur la violence des actes (intelligemment hors cadre, la cruauté humaine n'ayant pas besoin de plus de place).
Continuellement à hauteur d'enfant, en laissant s'opposer le bonheur d'un quotidien (un temps) harmonieux et le sentiment de former un tout familial, à la force troublante et cruelle d'une guerre qui détruit tout en quelques heures; Barbier dépeint avec crudité les cicatrices que laissent la bêtise des hommes sur les victimes les plus jeunes, ses vérités qui transforment sans consentements, ce que nous sommes (du passage précoce de l'enfance à l'âge adulte, à la gestion du deuil et de la séparation inéluctable).
Plus à l'aise avec la chronique intimiste que le récit historico-symbolique (parfois flou ou bancal, le récit manque d'ampleur sur le traitement du génocide et du colonialisme, à la différence du nécessaire Un Dimanche à Kagali de Robert Favreau, ou du splendide Hotel Rwanda de Terry George), Petit Pays, porté par un casting déterminé totalement voué à sa cause (le jeune Djibril Vancoppenolle est incroyable d'innocence, tandis qu'Isabelle Kabano, pour son premier rôle sur grand écran, est absolument bouleversante) est un petit témoignage d'histoire sensible à la lisière du documentaire (la quasi-intégralité du casting est amateur), d'une nécessité évidente.
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Alors tant pis s'il se laisse parfois aller à une émotion facile (ou plutôt paresseuse) ou que comme dit plus haut, son regard global manque d'ampleur : son humanité autant que sa singularité, en fond une séance si ce n'est référentielle sur son sujet, au minimum immanquable en ces heures charnières ou les salles obscures ne semblent plus si hostiles qu'au début de l'été, et qu'au moment de leurs réouvertures...
Jonathan Chevrier