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[CRITIQUE] : Les 2 Alfred



Réalisateur : Bruno Podalydès
Acteurs : Denis Podalydès, Sandrine Kiberlain, Bruno Podalydès, Yann Frisch, Luàna Bajrami,...
Distributeur : UGC Distribution
Budget : -
Genre : Comédie.
Nationalité : Français.
Durée : 1h32min

Synopsis :
Alexandre, chômeur déclassé, a deux mois pour prouver à sa femme qu'il peut s'occuper de ses deux jeunes enfants et être autonome financièrement. Problème: The Box, la start-up très friendly qui veut l'embaucher à l'essai a pour dogme : « Pas d'enfant! », et Séverine, sa future supérieure, est une « tueuse » au caractère éruptif. Pour obtenir ce poste, Alexandre doit donc mentir... La rencontre avec Arcimboldo, « entrepreneur de lui-même » et roi des petits boulots sur applis, aidera-t-elle cet homme vaillant et déboussolé à surmonter tous ces défis?


Critique :


Denis Podalydès devient un papa débordé et endetté devant la caméra de son frère, Bruno Podalydès, en avant-première au Festival du Film Francophone d’Angoulême.
Malgré l’annulation du Festival de Cannes, Les 2 Alfred fait partie des chanceux ayant reçu le label de la sélection officielle. Après son adaptation de Bécassine, le réalisateur, acteur et scénariste met en scène un trio de choc : son frère, Sandrine Kiberlain (qu’il retrouve après Comme un avion en 2014) et lui-même. Trois cinquantenaires paumés dans une société tout connectée, mais qui feront tout pour s’y intégrer, jusqu’à renier l’existence de leurs enfants dans le cadre du travail.
Alexandre n’a rien de la grandeur de roi comme le présume son prénom. Au chômage, interdit bancaire, sa femme vient de le quitter avec un ultimatum. Il doit lui prouver qu’il peut gagner sa vie, s’occuper de ses jeunes enfants (dont l’une va encore à la crèche) et être responsable, le temps de sa mission dans un sous-marin.

Copyright Af Brillot

Le ton est donné dès la première scène du film, où Alexandre explique sa situation à son banquier. Nous n’aurons pas droit à un drame social, mais bel et bien à une comédie mordante, qui n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat, tout en gardant un certain détachement où l’humour se glisse. On apprend bien vite qu’il se trouve au chômage suite à la fermeture de l’entreprise d’imprimerie où il travaillait. Alexandre se retrouve dans une situation alarmante. Comment se renouveler à son âge, trouver un nouveau boulot dans une nouvelle branche ? Mission impossible, pense-t-on. Pas pour ce papa poule prêt à tout pour ses enfants et sa femme.
“Faire reset”. C’est la solution qu’il trouve pendant son entretien d’embauche dans une start-up, “The Box”. L’intitulé du job est incompréhensible, l’entreprise l’est tout autant et Alexandre ressemble à un mouton dans un troupeau de vaches. Pourtant, il va essayer de se fondre dans la masse : langage technique fait d’acronyme et de mots raccourcis, montre connectée et surtout le maître mot du lieu : “no kids”. Par hasard, il rencontre Arcimboldo, tout l’inverse de lui. Il fait de l’ubérisation son rythme de vie et semble libre. Les deux compères deviennent vite inséparables, comme les Alfred du titre, qui sont en fait deux doudous qui ne font qu’un.

Copyright Why Not Productions


Entre eux, se place Séverine, la cheffe de service d’Alexandre. Si elle a l’allure d’une bosseuse, elle se fait happer par son job et est au bord de la crise de nerf. Même la mise en scène l’enferme dans la technologie. Elle apparaît pour la première fois dans une voiture sans chauffeur, passant la tête par la fenêtre rectangulaire, comme un smartphone. Mais rien ne fonctionne avec elle : sa voiture à reconnaissance faciale ne la reconnaît plus, son téléphone se décharge, son boulot la débecte.
Bruno Podalydès peint avec beaucoup de douceur ces personnages déambulant dans ce monde où les drones tombent du ciel. Cette société start-up nation donne l’impression d’une liberté totale : le salaire qu’on se fixe soi-même, les vacances que l’on peut prendre comme on veut, mais la réalité prend vite le dessus. Sous la liberté se cachent la dépendance et la soumission. Le paraître prime. Alexandre mime ses collègues, fait semblant de comprendre son travail et les enjeux. Mais c’est en mélangeant ce qu’il connaît avec la technologie qu’il fait mouche. Le réalisateur utilise des petits détails pour habiller son film et y insérer une touche de poésie. Les portables se synchronisant avec un bruit de bisous, un slow venant d’une voiture connectée défectueuse. Les 2 Alfred fait un constat glaçant de notre société, mais s’arme de bienveillance et d’humour, donnant un contraste savoureux.

Copyright Af Brillot

Bruno Podalydès signe une comédie délicieuse, où la douceur côtoie la froideur des machines. Les 2 Alfred est un film doudou, à l’image des deux frères se donnant la réplique dans un monde fait de drones bleus et de livreur essoufflé. Un film fait pour redonner une santé au cinéma, impossible de passer à côté. 


Laura Enjolvy