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[CRITIQUE] : Garçon Chiffon


Réalisateur : Nicolas Maury
Acteurs : Nicolas Maury, Nathalie Baye, Arnaud Valois, Théo Christine, Laure Calamy,...
Distributeur : Les Films du Losange.
Budget : -
Genre : Comédie.
Nationalité : Français.
Durée : 1h48min.

Synopsis :
Jérémie, la trentaine, peine à faire décoller sa carrière de comédien. Sa vie sentimentale est mise à mal par ses crises de jalousie à répétition et son couple bat de l’aile. Il décide alors de quitter Paris et de se rendre sur sa terre d’origine, le Limousin, où il va tenter de se réparer auprès de sa mère...


Critique :


Nicolas Maury frappe fort avec son premier long-métrage, présenté en compétition au Festival du Film Francophone d'Angoulême.
Garçon Chiffon a reçu le label du festival de Cannes qui n’a pas pu avoir lieu cette année, la faute au Covid-19. Acteur, réalisateur et scénariste sur ce long-métrage, Nicolas Maury admet avoir créer une histoire très personnelle mais pas autobiographique. L’acteur que l’on connaît tous grâce à la série Dix Pour Cent notamment se donne ici tout entier dans un rôle que lui seul pouvait interpréter. Ce titre énigmatique devient générique. Qu’est-ce qu’un Garçon Chiffon ? Une personne qui cherche sa place ? Un jaloux chronique ? Un être en deuil ? Ou tout cela à la fois ?


Copyright Les Films du Losange


Avec une séquence sans dialogue, Nicolas Maury nous dit tout de son personnage en début du film. Jérémie court, hésite entre la droite et la gauche, alors que son GPS lui donne l’indication. Indécis, perdu, Nicolas arrive aux Jaloux Anonymes. Mais au lieu de parler de son couple et de son problème, il raconte la mort de son père et son deuil inachevé. Et quand une personne lui demande frontalement quel est son problème, il fuit. Jérémie n’est pas un personnage direct, il n’aime pas être confronté. Il passe en secret, par des actes cachés, des mots qui ont un double sens pour parler à son amoureux. Sa jalousie l'empoisonne, ainsi que son couple. Albert (Arnaud Valois) finit par le quitter, étouffer par les questions et les accusations de Jérémie, qui ne peut pas s’en empêcher. Jérémie est aussi acteur et connaît un passage à vide. Le cinéaste filme ce monde comme un bonbon où l’intérieur serait amère, presque écœurant. Un réalisateur, qui lui avait promis un rôle, le lui retire au dernier moment, avec une phrase acérée tel un couteau, droit dans le cœur de Jérémie : “de nous deux, le plus malheureux de cette situation c’est moi”. Une réalisatrice (Laure Calamy, explosive) lui propose non pas un rôle, mais de devenir son coach parce qu’elle se réserve le personnage principal. Le coup est tellement dur que Jérémie en tombe. Un coquard lui restera pendant le reste du film, comme une cicatrice de ce monde artistique, si poétique dans la théorie mais si violent dans la réalité. Il part donc chez sa mère (Nathalie Baye en mère courage, à la fois bienveillante et dure dans ses propos) pour préparer le rôle de Moritz de la pièce L’éveil du printemps de Frank Wedekind, en vue d’une audition. Ce retour au source, au fin fond du Limousin l’oblige à penser à son père, à son enfance, à son amour peut-être perdu pour Albert. L’occasion normalement idéale pour faire la paix avec soi-même et se recentrer. Mais est-ce si facile que cela ?

Copyright Les Films du Losange


On se demande toujours s'il n’est pas question d’égo quand un réalisateur choisi d'interpréter le rôle principal. Il en est peut-être question ici, mais à la vue de Garçon Chiffon, qui d’autre que Nicolas Maury aurait pu jouer ce rôle ? Le film est constamment sur le fil du rasoir, entre comédie fantasque, jusqu’au burlesque parfois, où Jérémie joue de son corps, et drame poignant. Il n’y a pas de basculement, le récit joue sur les deux tableaux dans chaque scène. L’écriture est si fine, une fragilité où elle puise son émotion. Parfois, le film explose, comme pour se justifier d’exister, puis il se retire dans un moment d’intimité comme pour s’excuser. Le rire et les larmes s’entremêlent comme si tout était lié, comme si l’un n’allait pas sans l’autre. Une séquence d’ailleurs incarne parfaitement cette dichotomie, avec des bonnes sœurs aux robes blanches immaculées, qui le repêchent du ruisseau où il s’est jeté. Leur bienveillance exacerbée est grotesque, mais le réconfort qu’elles apportent à Jérémie est belle et bien réelle.
Solide premier long-métrage, Garçon Chiffon est la preuve du talent d’acteur de Nicolas Maury, mais aussi la preuve qu’un cinéaste est né. Direction d’acteur et mise en scène maîtrisées forment une belle promesse pour la suite.


Laura Enjolvy



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