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[CRITIQUE] : L’infirmière


Réalisateur : Kôji Fukada
Avec : Mariko Tsutsui, Mikako Ichikawa, Sosuke Ikematsu,...
Distributeur : Art House
Budget : -
Genre : Thriller, Drame.
Nationalité : Japonais.
Durée : 1h44min.

Synopsis :
Ichiko est infirmière à domicile. Elle travaille au sein d'une famille qui la considère depuis toujours comme un membre à part entière. Mais lorsque la cadette de la famille disparaît, Ichiko se trouve suspectée de complicité d'enlèvement. En retraçant la chaîne des événements, un trouble grandit : est-elle coupable ? Qui est-elle vraiment ?




Critique :


Après avoir exploré la comédie, la science-fiction et dernièrement le thriller (Harmonium), Kôji Fukada confirme son intérêt pour ce genre avec L’infirmière, un long-métrage assez insaisissable à découvrir en salle à partir du 5 août.
Rien de surprenant à le voir s’acoquiner avec le thriller toutefois tant le cinéma de Fukada semble continuellement se nourrir de faux semblants. Ce sixième long-métrage ne déroge pas à la règle et relate le quotidien d’Ichiko, une infirmière à domicile en apparence bien sous tous rapports qu’une accusation grave et inopinée fait imploser. Le film se situe donc aux frontières du polar ; Kôji Fukada a cependant l’intelligence - la malice ? - de ne pas faire de la résolution de cette affaire son sujet principal - on a le fin mot de l’histoire dans le premier tiers environ. Ce qui l’intéresse ce n’est pas l’action en elle-même - ici un enlèvement suivi d’un harcèlement médiatique - mais ses effets collatéraux sur la psychologie des personnages.


Copyright Art House

Le centre de gravité du film reste toutefois la mystérieuse et impénétrable Ichiko (interprétée par la formidable Mariko Tsutsui que vous avez peut-être aussi vue chez Takeshi Kitano ou Sion Sono) que l’on observe atteindre lentement mais sûrement son point de bascule. Il faut dire que les indices ne manquent pas : dès le générique d’ouverture on sent en effet qu’il y a quelque chose d’insidieux qui s’infiltre dans cette famille, à l’image de la fumée de cigarette qui s’échappe du cendrier. Mais quoi ? C’est sur cette énigme que repose entièrement L'infirmière. Et c’est dans l’intrication de ces éléments au réel que Kôji Fukada excelle; les hallucinations et rêves, bien qu’au départ poreux pour le spectateur, s’enchevêtrent au final à merveille avec le thème du double (scène chez le coiffeur notamment) et parviennent progressivement à l'effet escompté : troubler durablement le spectateur, lui laisser un sentiment de flou persistant.


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La tension latente souffre malheureusement de cette opacité sur la durée. La relation entre Ichiko et la sœur aînée de la famille m’a également moins convaincue - j’ai trouvé cette figure spectrale nettement moins subtile et travaillée. C’est d’autant plus frustrant qu’elle donne lieu aux plus belles scènes du film, celle dans le parc et celle sur le passage piéton où la réalisateur laisse libre cours à son symbolisme. Il y a d'ailleurs tout au long de L'infirmière un fil conducteur intéressant autour de la purification. La protagoniste semble perpétuellement présentée comme impure - et il faut savoir que c’est malheureusement ainsi que sont considérées les infirmières au Japon où elles ont d'ailleurs été complètement ostracisées durant le COVID-19 - et plusieurs scènes semblent ainsi laisser penser qu’elle veut laver symboliquement ses fautes : sa voiture à la station de lavage automatique, le bain de mer en solitaire, son manteau dans le parc avec les enfants ou encore la scène de la vaisselle avec son neveu. L'expiation finale constitue un contrepoint déroutant - mais satisfaisant - à l'ADN plutôt silencieux du film.


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Avec L’infimière, Kôji Fukada réaffirme donc sa critique du simulacre social et son amour pour les personnages aux frontières du convenable. Le film ne laisse pas l’empreinte d’un Sayonara - pur chef d’œuvre que je vous recommande chaudement - mais rappelle qu'on peut compter sur une solide génération de cinéastes japonais pour nous déconcerter.


Anaïs 



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